La manifestation policière du 19 mai est un échec complet pour les factieux. Le nombre des policiers présent n’a pas excédé 3000 personnes. Les délires verbaux des dirigeants ont ruiné le crédit moral de l’initiative, pourtant habilement déguisée d’abord en « hommage aux policiers morts ». La sidération outrée qui a entouré la présence des trois dirigeants Jadot, Roussel, Faure a affiché un rejet net dans l’opinion à gauche.
D’autres bons signes ont été là encore. Nous pensions être une fois de plus tous seuls et enfermés par un nouveau cercle de mise en cause médiatiquement généralisé. Nous pensions que cela serait aggravé par la collusion des figures de la gauche traditionnelle avec la dérive sécuritaire. Pourtant, contrairement à ce que nous avons cru, notre résistance a fonctionné comme un déclic libérant la parole dans nombre de secteurs. Et bien plus : contrairement à nos prévisions, une certaine prise de distance avec les factions policières s’est notée dans les médias. Et on a même vu l’incroyable : des gens se solidariser de la réaction des Insoumis et même citant mon nom pour faire autre chose que pour me flétrir.
Naturellement ceci a ses limites. Comme d’habitude il y avait, bien-sûr, « un mot de trop » pour la bonne conscience dominante. Le mot « factieux » que j’ai employé serait celui-là. Dire que l’on va faire « céder la digue de la Constitution et de la loi », dire « le problème c’est la justice et elle devra rendre des comptes » quand on est un responsable policier sont en effet, pour moi, des expressions et une volonté factieuses. Je ne mentionne pas ce détail pour m’en expliquer. Il y a longtemps que le piano mécanique des éléments de langage distribué dans les rédactions ne m’atteignent plus. Je le pointe pour montrer que la lourde tendance au dénigrement de principe contre LFI reste un véritable réflexe conditionné capable de paralyser les meilleurs réflexes dans des moments cruciaux. Dans des moments plus tendus ce sera évidemment un atout pour les factieux. Ici, cela souligne le parti pris de ne pas prendre au sérieux la menace. Déjà face aux militaires en retraite appelant ceux d’active à l’insurrection, on avait vu après une longue indifférence (peut-être pour s’en justifier après coup) certains commentateurs dans le rôle paradoxal de minimiser l’importance de l’évènement. Pour « Le Monde », il s’agissait même d’un simple montage « politico-médiatique », et même une « farce » pour le plus superficiel de ses commentateurs.
Mais cette attitude aussi pourrait bientôt connaître son terme. Le journal « La Croix » en publiant une enquête sur la violence en préparation dans « l’ultra-droite » a ouvert une brèche dans la cécité ambiante. Mediapart a prolongé. Reste qu’on est encore loin encore du réflexe général de défense républicaine que la situation exigerait. Pour le mesurer, il suffit de comparer ce qui vient de se passer avec le niveau d’indignation affichée contre l’UNEF et ses réunions closes qui, parait-il, menaçaient la République. Notre appréciation est bien totalement à l’opposé de ce déni. Les patrouilles de rue et les bistrots des Identitaires, La recrudescence des attaques contre les mosquées et les permanences politiques, la tentative d’assassinat contre Castaner et moi, les conclusions de notre commission d’enquête parlementaire sur les agissements de l’extrême-droite ont formé notre jugement.
Fondamentalement, la marche policière du 19 mai a tracé une ligne entre un avant et un après. Une longue chaine d’évènements se trouve reliée comme autant d’étapes vers cette petite répétition générale qu’aura été le rassemblement devant l’Assemblée nationale. Cet « après » désormais cristallisé c’est bien celui d’une France où l’on est passé du manifeste des anciens militaires appelant leurs collègues d’active à s’insurger à une manifestation de policier mettant en cause la Constitution et la loi et s’en prenant à l’institution judiciaire elle-même. Le tout assorti de menaces contre les juges et contre les élus qui n’obéiraient pas à leurs injonctions. Sommes-nous sur un pallier avant le reflux du fait de l’alerte donnée ? Ou bien sommes-nous avant un nouvel assaut encouragé par l’inertie des pouvoirs publics et l’effondrement des représentants de la gauche traditionnelle ? Une riposte de masse est-elle possible ? C’est l’enjeu des prochains jours. C’est à nos yeux l’enjeu de la marche des libertés le 12 juin prochain.
Pour les Insoumis, la dégradation de la situation et l’extrême droitisation de nombre de structures d’autorité de l’État est un processus détecté de longue main. C’est sans doute pourquoi nous avons réagi à chaque étape sans céder aux leurres que l’extrême droite militaire et policière et ses suppôts ont déployés chaque fois pour endormir les naïfs, enjôler les médias et diviser leurs adversaires. C’est ce cadre général qu’il faut avoir présent à l’esprit pour analyser la situation. Ne commettons pas l’erreur d’évaluer ce qui se passe autrement que sous l’angle du rapport de force avec l’adversaire. Autrement dit, avant tout, ce qui compte c’est la contamination de ses idées. Dès lors, ce qui est le plus grave ce n’est pas tant que des dirigeants de tous bords se soient égarés dans la manifestation policière dont ils étaient à l’évidence incapables d’analyser la fonction réelle et les mots d’ordre factieux. C’est plutôt qu’ayant lu sans doute comme nous les tracts d’appel des différents syndicats ils n’aient pas vus ce qu’ils avaient d’inacceptables d’un point de vue républicain.
Inutile de se cacher à quel point l’idéologie sécuritaire a fait des ravages. On s’en affligea à entendre les coups de mentons verbaux affligeants de Jadot, Hidalgo et combien d’autres courus se faire voir et entendre dans la marche policière. On s’en stupéfia quand on y appris la présence de Fabien Roussel qui avait déjà estomaqué en commençant sa campagne sous le timbre de la sécurité et d’une rengaine trop bien connue : « ma gauche ne sera pas laxiste ». Mais si tout cela fonctionna comme un révélateur d’état d’esprit, le pire restait à venir avec la déclaration d’Olivier Faure, premier secrétaire du PS, allant plus loin que personne n’était jamais allé, pas même l’extrême droite, en demandant un pouvoir de contrôle de la Police sur la Justice. Le haut le corps des bases socialistes eu le dernier mot alors même que les États-majors politiques restaient pourtant silencieux. L’effondrement du barrage de la gauche traditionnelle et son option sécuritaire n’est donc pas un phénomène généralisé dans leurs propres bases. Donc, nous ne partons pas de rien, là non plus, pour riposter et organiser la réplique. La préparation de la marche des libertés le 12 juin doit donc se faire les bras grands ouverts. Contre l’ordre sécuritaire et la dérive autoritaire du macronisme, aucune bonne volonté n’est de trop.
Tous les décideurs politiques devraient suivre et lire avec attention les études scientifiques. Ils nous fournissent une matière fondamentale pour éclairer au mieux l’ère d’incertitude écologique globale dans laquelle nous sommes entrés. Je m’y astreins donc au mieux. Il faut toutefois être honnête : le travail de synthèse et d’alerte mené par les associations environnementales est souvent un gain de temps précieux.
En résumé, les nouvelles ne sont pas très encourageantes depuis de nombreuses années. Mais ces derniers temps, elles s’empilent vitesse grand V. Tous les grands cycles de la nature sont perturbés. Nous sommes au seuil de multiples points de bascule. La concentration de CO2 dans l’atmosphère a atteint un taux qui n’a pas eu de précédent depuis 5 millions d’années. A terme, le risque majeur est celui d’une inversion du cycle du carbone. En effet, les principaux moteurs de la régulation climatique, appelés « puits de carbone », sont déjà au bord de l’asphyxie. Les forêts, « poumons verts » de la planète, comptent parmi les points de bascule potentiels majeurs. Ainsi, l’Amazonie brésilienne émettrait désormais plus de CO2 qu’elle n’en absorbe.
Mais l’état de nos poumons bleus – je parle des océans – est tout aussi préoccupant. « Nous sommes au bord du gouffre ». Voilà le résumé fait par un collectif de plus de 600 associations du monde entier sur l’état des océans. Ils ont produit fin avril un rapport de synthèse de la littérature scientifique récente en la matière. Toutes les études qu’ils recensent sont comme un faisceau d’indices concordants sur l’ampleur du désastre.
La surpêche n’est pas la seule cause du déclin de la vie marine. En effet, les océans sont devenus un déversoir de pollutions de toutes sortes : substances chimiques, pesticides, produits pharmaceutiques, métaux lourds ou encore déchets plastiques. L’ensemble de la chaîne alimentaire marine est contaminée. Au total, 690 espèces pâtissent du plastique, au point pour certaines d’être dénutries à force d’en ingérer. D’autres ne peuvent plus se reproduire ou changent de comportement sous l’effet des pesticides et perturbateurs endocriniens. Les effets se mesurent jusqu’à 10 kilomètres sous la surface et jusque dans les plus petits échantillons de krill de l’océan Austral. Dans certains cas, ils peuvent perdurer sur plusieurs générations d’animaux.
Or, tout ce qui se trouve dans la mer finit par nous revenir sous une forme ou une autre, sur nos plages, dans nos assiettes ou par la pluie sur nos têtes. D’autant que la concentration de ces polluants s’amplifie à mesure qu’ils remontent dans la chaîne alimentaire. Cela impacte déjà la santé humaine, notamment celle des habitants des petits États insulaires dont le régime alimentaire est riche en fruits de mer et en poissons gorgés de mercure. Par exemple, en 2017, les autorités américaines ont mis en garde les femmes en âge de procréer contre la consommation de certains poissons.
Mais la pollution des océans n’est que la moitié du problème. En effet, les conséquences concrètes du changement climatique affectent aussi la vie marine et la capacité des océans à stocker du carbone. Un rapport de l’Unesco estime que les océans risquent de bientôt contribuer à l’effet de serre.
Je résume le mécanisme simplement. D’une part, la composition chimique des océans se modifie à mesure que la concentration de dioxyde de carbone (CO2 ) dans l’atmosphère augmente. D’autre part, la hausse globale des températures accélère la fonte des glaces. Entre 1994 à 2017, la fonte des glaciers et banquises s’est accélérée de 65%. L’Antarctique pourrait même atteindre un point de non-retour en 2060. Cela fait monter le niveau de la mer et modifie la densité de l’eau. De fait, les courants océaniques, sortent de tapis roulants géants de brassage des eaux chaudes et froides, ralentissent. Ainsi, le Gulf Stream n’a jamais été aussi faible depuis 1 000 ans.
En conséquence du réchauffement climatique, les océans deviennent plus acides, plus chauds et leur teneur en oxygène diminue. Mécaniquement, le milieu devient plus hostile pour des milliers d’espèces. On observe déjà des « zones mortes » dépourvues d’oxygène. Surtout, ces changements de paramètres risquent d’amplifier les effets de la pollution. Selon le rapport, cela va augmenter l’exposition et l’accumulation des contaminants dans toute la chaîne alimentaire marine. En clair, pollutions et conséquences du changement climatique produisent un effet cocktail nocif. La boucle est bouclée.
Toutes ces données confirment le caractère global du cycle de l’eau. Ainsi, le peuple humain se définit par sa dépendance absolue à des biens communs au bord de l’asphyxie. Nous avons donc un intérêt collectif à agir pour défendre l’océan mondial. Sa préservation et sa dépollution illustrent concrètement le besoin d’une coopération mondiale et d’un droit international contraignant pour rompre avec les activités économiques dévastatrices. Tel est le sens de la diplomatie écologique universaliste pour laquelle je plaide.
La France pourrait jouer un rôle actif dans les négociations pour un traité international de protection des grands fonds marins. Elle pourrait aussi plaider pour la création d’un traité international de dépollution des océans. Au lieu de cela, Macron vante les mérites de la finance verte au Sommet Climat de Biden et la majorité LREM approuve une coquille vide en guise de loi Climat nationale dans laquelle le mot « océan » est absent. La nouvelle formule de la ministre Pompili résume à elle seule leur vision réduite aux petits gestes individuels et à la culpabilisation de tous ceux qui s’y refusent : « faire de l’écologie comme on achète sa baguette de pain ». La France et les océans méritent mieux.
L’information est passée assez inaperçue. Le 14 avril 2021, le gouvernement de Macron a envoyé son « programme de stabilité » à la Commission européenne. L’envoi de ce document est obligatoire dans le cadre des règles budgétaires de l’Union européenne. Le but est de permettre la mise sous surveillance permanente des budgets nationaux par la Commission. Le « programme de stabilité » présente les principaux objectifs de dépense et de recettes pour les prochaines années du gouvernement.
Celui que Macron vient d’envoyer à la Commission européenne porte sur les années 2022 à 2027. C’est donc son programme de gouvernement pour le prochain mandat s’il est réélu, comme il compte l’être en s’appuyant sur Marine Le Pen. Que promet donc Macron aux technocrates européens ? Une austérité sans précédent dans l’histoire récente de la France. En cinq ans, il compte faire passer le déficit public, de 9% aujourd’hui, en dessous de la barre des 3%. Il choisit donc de montrer son allégeance à cette règle absurde des 3% de déficit. C’est le plus mauvais moment pour le faire. En effet, la règle a été suspendue le temps de la crise sanitaire. La question de son rétablissement se posera à partir de l’année prochaine, lorsque la France assumera la présidence de l’Union européenne. Ce serait donc le moment pour notre pays de peser de tout son poids pour refuser le retour du carcan budgétaire. À la place, Macron fait le bon élève.
Pour le peuple français, son aveuglement dogmatique aura un prix. Celui de la poursuite du démantèlement général de son État, de ses services publics et son système de Sécurité sociale. Car la cure promise est rude. Jamais, sur une période aussi longue, la France n’a fait autant d’économies sur sa dépense publique. Le niveau de coupes budgétaires que Macron propose pour un quinquennat entier, nous ne l’avons subi que deux fois. La première fois, c’était en 2011 au plus haut de l’austérité Sarkozy. La seconde, en 2018, année du macronisme triomphant des débuts mais qui s’est conclue dans la révolte sociale des Gilets Jaunes. Cette année-là, Macron avait réduit les APL, coupé les vivres aux logements sociaux, supprimé les emplois aidés, retiré 4,2 milliards d’euros à la santé. Il propose de recommencer l’expérience tous les ans, pendant 5 ans.
Le document transmis à la Commission européenne prévoit de réduire le déficit public uniquement en faisant des économies. Mais ce n’est pas la seule possibilité. L’État peut aussi augmenter ses recettes. En particulier, il pourrait en trouver en allant chercher l’argent chez les riches. Selon un sondage paru dans le journal Les Echos, 72% des Français sont en faveur d’une taxe sur les plus hauts revenus. Ils ne sont qu’une minorité à consentir en revanche à de nouvelles économies. La France Insoumise, à l’Assemblée nationale, le propose aussi avec la création d’un impôt sur les profiteurs de crise. Plus globalement, notre programme comprend une réforme de l’impôt sur le revenu pour le rendre plus progressif. Étalé sur 14 tranches, il consisterait en une baisse d’impôt pour tous les revenus inférieurs à 4000 euros mensuels. Mais il mettrait à contribution les riches bien plus qu’aujourd’hui.
Macron est à contresens. Il reste enfermé dans des dogmes économiques du passé : comprimer la dépense publique et les salaires, rendre de l’argent au capital et attendre que cela ruisselle. Même le FMI n’y croit plus. Même un démocrate bon teint des États-Unis comme Joe Biden a compris qu’il fallait rompre avec ces recettes. Son plan de relance ringardise l’Europe. Le gouvernement américain remet trois fois ce que met l’Union européenne pour la relance de son économie. Contrairement au plan français, celui de Biden ne comporte pas de crédits d’impôt pour les entreprises mais plutôt des investissements directs dans les infrastructures. Il est financé par une hausse de l’impôt sur les sociétés. En fait, il n’y a rien de révolutionnaire. C’est du keynésianisme classique : on multiplie les investissements publics et le soutien à la consommation populaire en période de crise. Si cela parait extraordinaire en France, c’est uniquement que nos dirigeants sont prisonniers d’un incroyable obscurantisme économique.
Après 2022, nous aurons besoin d’un niveau élevé de dépense publique. L’État doit réaliser de très lourds investissements dans l’énergie, dans les transports, le logement ou les infrastructures pour bifurquer. Il faudra aussi reconstruire l’hôpital et l’école publique. C’est pourquoi je défends l’annulation ou le gel de la dette publique par la banque centrale. Les dogmes libéraux doivent tomber. C’est le moment ou jamais.
Le mieux est l’ennemi du bien, j’en conviens. Mon cimetière des post perdus s’est augmenté de deux publications qui ne passeront pas. J’ai voulu peaufiner, compléter et, à deux reprises, l’intensité des évènements a rendu mes sujets trop lointains, trop décalés de l’actualité. Me suis-je trompé de centre d’intérêt ? Ou bien y a-t-il déjà quelque chose dans notre temps qui a changé au point qu’un tableau d’actualité fond plus vite qu’auparavant, comme la glace des pôles le fait en ce moment ? En fait je n’en suis confus que pour le lecteur fidèle qui saurait combien depuis 2004 (début de ce blog) j’ai pu donner d’importance à ce temps de respiration écrite. Ma surprise reste que mes absences occasionnelles ici n’aient jamais fait décrocher le nombre de mes lecteurs, fidèlement attesté par les compteurs. Ce blog reste, et de loin, celui qui est le plus fréquenté dans la sphère politique où il n’a d’ailleurs presque plus d’équivalent à ce jour. Il a traversé quatre mandats présidentiels et autant de mondes successifs. Tantôt disposé pour y travailler mes fiches argumentaires, tantôt pour y trouver un logement a un thème qui m’intéresse sans que l’actualité n’en traite jamais, ce blog a écoulé l’équivalent d’un livre tous les deux mois ! Parfois les archives me rendent des perles dont je suis bien fier, je n’hésite pas à le dire. Ainsi quand on a bouclé ma brochure sur le séjour en Bolivie, on a ressorti des posts de 2006, rédigés à l’occasion d’un précèdent voyage dans ce pays. Et je les ai relu avec bien de l’émotion et du plaisir car je les trouvais encore bien en écho du présent. Bientôt, j’aurai là encore l’équivalent d’un livre sur ce pays si jamais je me risque à compiler ce que j’en ai écrit. Et il en est ainsi pour combien de sujet ? Je ne sais si je dois m’en réjouir ou si je dois m’affliger en pensant au temps passé à cette occupation passée au prix d’autres. Que change-t-on en devenant le raconteur a son balcon décrivant les états du monde environnant sa propre vie ?
Mon premier post, je l’ai écrit et installé en ligne moi-même. Et je l’ai illustré avec mes propres photos, comme je le fis ensuite pendant je ne sais combien d’années. Pour ce Post je commençais avec la photo d’un chien allongé sur un mur au bord du Parthénon d’Athènes. On m’avait dit de « faire décalé ». Rien ne l’étais moins, ni finalement plus prétentieux que ce chien si grossièrement symbolique des philosophes cyniques dont on se régalait alors après avoir lu le Onfray de l’époque. Mais c’était avant qu’il ne devienne la brute qu’il est à présent. Ensuite je m’inspirai du nihilisme représentatif du « Monde diplomatique ». J’illustrais alors avec des sujets sans aucun rapport avec les textes, ni même avec quoi que ce soit d’autres qu’eux-mêmes. Cela se présentait tout simplement comme une construction autonome, hors du temps. J’adorais. Car cela me faisait réfléchir et choisir avant même d’écrire ou bien, à part moi, sans projet de publication. Champs de neige, travaux de rue, souliers au pieds, goudronnage de rue, clous de marquage dans le sol, sans oublier les scènes innombrables du jardin du Luxembourg. mes périodes esthétiques s’enchainaient. Cela m’a réjoui plus d’une fois davantage même que d’écrire. J’ai cessé ça. je me suis concentré sur le maintien d’une cadence d’écriture alors même que la surcharge était déjà là avec ma « Revue de la semaine », les vidéos à thème et celles des discours. J’ai senti évoluer les goûts et les centres d’intérêts entre l’écrit et l’image, entre les formes du « décalage ». Plus que tout je me suis senti uni à l’esthétique ordinaire de mon temps a chacune de ses époques.
J’aimerais me dire que j’ai avec ce média la relation intime qu’ont eu avant moi tant de gens connus ou strictement inconnus qui se sont construits en compagnie d’un travail d’écriture : journal intime, carnet de bord, que sais-je ? Mais je ne crois pas qu’il ait jamais été autre chose qu’un établi où je suis venu assembler tenons et mortaises de raisonnements et descriptions.
À la rentrée prochaine je changerai, pour la sept ou huitième fois la présentation et l’organisation de ce média. Il lui faudra prendre sa part dans la campagne présidentielle. Il évolue dans un ensemble vaste de moyens de communication auquel je reste lié de près ou de loin. De la revue trimestrielle « L’insoumission », à l’hebdo (que j’ai fondé il y a si longtemps !) au site d’info du même nom, notre famille politique s’est doté de plusieurs vaisseaux amiraux de belle portée. Ils s’adjoignent à la foule des chaînes YouTube des militants. Par l’abonnement collectif se construit une stabilisation financière à laquelle je suis très attaché. Car si les parts « gratuites » sont nombreuses (chaîne YouTube, site insoumission), nous devons savoir faire vivre les éditions papier qui sont de haut niveau et qui restent les veines du mouvement intellectuel qui nous anime. Ce petit texte est donc un appel à l’abonnement groupé pour nos journaux imprimés.
Pire que le bâillon, la camisole de force médiatique. Vous critiquez la doctrine d’emploi de la police et les déclarations de ses syndicats : vous êtes assignés à la case « anti-flic ». Vous critiquez le gouvernement d’Israël : non seulement vous êtes assignés à l’antisémitisme mais repeints en soutien du Hamas comme le sont désormais tous les Palestiniens. A chaque fois, vous passez donc plus de temps à vous défendre d’une accusation sans fondement davantage qu’à présenter votre point de vue. Ce terrorisme intellectuel veut dissuader toute pensée différente de s’exprimer. C’est le but de leurs instigateurs. Dans les médias, il y a un parti-pris évident mais il n’y a pas toujours un calcul. Jouent souvent l’ignorance et davantage que tout le mépris plus ou moins conscient du public. Car celui-ci est considéré comme incapable de comprendre et il faudrait sans cesse lui résumer les situations avec de grosses caricatures.
Dans ce contexte, aucun fait n’a réellement d’intérêt. Les « journalistes » concernés ne s’y réfèrent pas. Ils n’essaient même pas de les connaître. Ce qui compte c’est la mise en scène dont ils ont décidé qu’elle résumait la situation. La vérité n’est donc que ce qui est conforme à la caricature nécessaire à la « vente d’information » dans le cadre simpliste énoncé. Il suffit donc de répéter quelque chose et cela fait partie du décor et sera reproduit en boucle.
Il est donc facile de voir comment chacun peut à son tour produire une « post-vérité » c’est à dire une vérité purement déclarative. Il suffit qu’elle corresponde à un format exploitable sans ajouts. L’ère de la post vérité est en ce moment en pleine fébrilité. Par exemple les meurtres de policiers ont tenu la « Une » alors même qu’il meurt moins de policiers en service qu’il y a quelques années à peine et que le nombre de suicides dans le métier est par contre toujours plus important chaque année. Les Insoumis ont été habillés en « anti-flics » parce que l’expression est au bon format et jugé suffisante pour le public. Que nous soyons la seule force qui ait proposé une commission d’enquête sur les suicides policiers et qui ait présenté dès octobre dernier « un colloque sécurité » n’a pas été évoqué une seule fois même pour mettre du sel sur l’info.
D’autres exemples très nombreux pourraient être évoqués. Le même système est à l’œuvre pour construire des réputations médiatiques. Je n’ai pas l’intention de parler de moi. Je pense ici à l’exemple que constitue le cas d’Audrey Pulvar. On ne dira pas que c’est par connivence avec elle car elle on ne l’a jamais vu dire merci à ceux qui ont pris sa défense alors même qu’elle est notre concurrente dans l’élection régionale en Île-de-France. Ni même à son tour comprendre l’intérêt d’une défense sans frontière de parti quand d’autre sont attaqués dans le registre que j’évoque. Elle s’est fait prendre une première fois sur les « groupes de parole clos ». Le point de départ était un pur et simple traquenard de « questions » biaisées sur le sens de la « clôture » de ces groupes. Sa réponse, à vrai dire plutôt embarrassée, lui valu de fil en aiguille de « post-vérités » d’être habillée en personne qui veut « faire taire les blancs » dans les réunions de noirs. Ni plus ni moins. Parce qu’ils ont repéré une faille de détermination chez elle, et parce que les macronistes comptent pomper ses voix à la grosse paille, les chiens sont lâchés sur elle.
On vient d’en vivre un nouvel épisode. La voici habillée en exaltée de la « haine anti-flic » pour avoir osé dire que la manifestation des policiers factieux était « glaçante ». Vidéo tronquée à l’appui passée et repassée en info continue sans un mot de contextualisation. Et, pire encore, sans le début de la séquence où elle mettait en garde précisément sur le fait que la police n’était pas raciste. Ce qui lui donnait l’occasion ensuite de dire quelle police l’était par contre. Trop compliqué ! Trop subtil pour le cerveau du téléspectateur tel que se le représentent les metteurs en scène de cette « info ». Bref, pas un mot d’explication ou de « décryptage » de l’info en continu. Ni un mot d’étonnement sur le fait que Darmanin a obéi, séance tenante, à une injonction d’une organisation des commissaires de police dont les membres votent à 90 % RN. Ni encore moins sur le fait que la plainte de Darmanin n’a pas la moindre chance d’aboutir car à l’évidence il n’y a ni injure publique ni diffamation quand on caractérise une manifestation politique. Surtout dans le registre d’un vocabulaire aussi modéré. Il est donc remarquable qu’il ait déposé cette plainte. C’est bien une ambiance qu’il s’agit de formater. Celle ou non seulement des policiers ont le droit de faire des rassemblements factieux devant l’Assemblée nationale, et où il est interdit de le critiquer. Ainsi que le dirait le syndicat de la magistrature : « comment s’appelle un tel régime » ?