C’est la semaine qui concrétise l’erreur monstrueuse d’évaluation des résultats par les « instituts » de sondage à propos des élections régionales, avec l’élection des présidents de région qui clouent au mur du ridicule des devins de notre époque du type de l’IFOP qu’il ne faudrait plus appeler que « OPIF » pour rester dans la bonne humeur en dépit des dégâts provoqué par des publications d’anticipation de résultat qui ont pourtant pesé si lourd dans les votes de premier tour. Persévérant dans leur grossier mépris des faits, des médias nationaux claironnent que ce fut « le grand chelem des sortants » quand deux régions changent de couleur politique et que ce sont précisément dans notre sens comme en Guyane et à La Réunion.
Est-ce seulement un mépris pour l’outre-mer ou bien ne serait-ce pas encore une manifestation de l’extrême-droitisation du regard et des commentaires ? Toute cette comédie finira mal pour un système qui vit à ce niveau de déni du réel et de manipulation d’une opinion moins inerte qu’il le croit. Et pendant ce temps, le Chili forme son Assemblée Constituante, point d’orgue d’une révolution citoyenne commencée il a plus d’un an contre les tenants de la droite libérale et les comédiens du centre gauche.
Pour nombre d’entre nous, l’évènement cette semaine était au Chili. C’était l’élection de l’Assemblée constituante et la mise en place de cette assemblée. Le processus de révolution citoyenne qui a labouré le pays en profondeur toute l’année passée a trouvé son issue politique dans la convocation de cette assemblée qui va redéfinir de fond en comble les droits du peuple et les institutions qui vont rendre possible le nouvel État politique chilien. Ces évènements d’un bout à l’autre de leur déroulement ont donné chair à la théorie de l’Ere du peuple et de la révolution citoyenne. Pour les connaisseurs des parallèles constant entre le monde d’Amérique du Sud, les évènements chiliens ont toujours été un miroir d’anticipation.
Cet effet a fonctionné entre l’unité populaire d’Allende et l’union de la gauche française, entre la sortie du pinochetisme et celle du franquisme en Espagne, entre les formes initiales des événements chilien qui viennent de connaitre ce paroxysme politique et les grandes mobilisations des « marées populaires » espagnoles et de gilets jaunes français. Il existe de longue main des effets de ce type entre des sociétés et des situations dont les composantes sont faites d’une part suffisante de matériaux similaires. J’invite donc ceux qui me lisent et partagent souvent mes analyses à ne plus perdre de vue l’évolution des évènements au Chili. Ce qui s’y passe est autrement plus significatif pour préparer ce qui vient que maints sondages et autres bavardages de plateau de télé d’experts franco-français sans culture de ces mondes latins et indigènes auxquels nous participons.
Elisa Loncon Antileo est la nouvelle présidente de l’Assemblée Constituante du Chili. Voici le portrait que m’en a transmis Martine Billard, co-animatrice de l’espace élections du mouvement insoumis, ex-députée de Paris, engagée depuis de longues années aux côtés des Chiliens dans le combat contre Pinochet et ses œuvres.
« Elisa Loncon Antileo (58 ans), femme mapuche, mère, enseignante, défenseure des droits linguistiques des peuples originaires, est née dans la communauté mapuche de Lefweluan, commune de Traiguén, province de Malleco, en Araucanie. Sa langue maternelle est le mapudungun, elle parle en outre l’espagnol et l’anglais. Magister en linguistique de l’Université Autonome Métropolitaine de Mexico et docteur en sciences humaines à l’Université de Leiden, aux Pays-Bas, ainsi que docteur en littérature de l’Université Pontificale Catholique du Chili. En outre, cours post universitaires à l’Institut d’études sociales de La Haye (Pays-Bas) et à l’Université de Regina (Canada). Elle est actuellement universitaire au département de l’éducation de l’université de Santiago du Chili, professeure externe à l’Université pontificale catholique du Chili et coordonnatrice du réseau pour les droits éducatifs et linguistiques des peuples autochtones du Chili. Elle a consacré sa vie professionnelle à la sauvegarde des langues indigènes, au système linguistique du mapudungun, aux méthodologies d’enseignement ainsi qu’à la conception de programmes d’études de la langue mapuche. En outre, elle a publié des livres et des articles académiques sur la philosophie et les langues indigènes, essentiellement le mapudungun. Participant à diverses organisations sociales mapuches depuis son enfance, à l’université, elle l’a fait dans des groupes d’étudiants autochtones et du Théâtre Mapuche Admapu, elle a été un membre actif du Conseil de Toutes les Terres en mettant l’accent sur la création du drapeau mapuche et la récupération des terres indigènes.
L’engagement social d’Elisa Loncon Antileo vient de sa famille et de sa communauté. Son arrière-grand-père, surnommé Loncomil, lutta contre l’occupation militaire du wallmapu et fut allié à José Santos Quilapan (1840-1878) reconnu comme le dernier lonko qui a résisté à l’occupation de l’Araucanía et à vaincu l’armée chilienne à Quechereguas (1868), entre autres contributions multiples à la défense du peuple et du territoire mapuche. son arrière-grand-père paternel, en tant que chef de sa communauté, a participé à la récupération des terres avant la réforme agraire des années 1960. Sa mère, Margarita Antileo Reiman, a participé dans les années 70 à l’expérience d’autogestion territoriale à Lumaco-Quetrahue. Pendant les mêmes années, son père, Juan Loncon, était militant socialiste et candidat au poste de député de l’USOPO. L’agriculture et la construction de meubles sont quelques-uns des métiers que la mère et le père d’Elisa ont pratiqué au cours de leur vie. Après le coup d’État, sa famille a été persécutée et son grand-père maternel, Ricardo Antileo, chef de la région de Lumaco-Quetrahue, a été emprisonné par la dictature civico militaire pour avoir dirigé la récupération des terres à la fin des années 60 et au début des années 70.
À l’université, Loncon a participé à la lutte contre la dictature dans diverses organisations étudiantes de gauche et mapuches. En 1983, pour avoir participé aux mobilisations étudiantes, une centaine de camarades universitaires n’ont été qu’étudiants conditionnels à l’université sur ordre du recteur délégué Heinrich von Baer. Dans son travail de linguiste et de défenseure des droits des peuples originaires, elle embrasse les luttes d’autres peuples d’Amérique latine où sa contribution aux droits linguistiques des nations originaires du continent lui est reconnue. Elisa Loncon, depuis son rôle de femme et d’éducatrice mapuche, a promu l’éducation interculturelle bilingue dans la loi générale sur l’éducation et a présenté le projet de loi sur les droits linguistiques pour les peuples autochtones. Elle mène actuellement la revendication des droits des femmes autochtones à partir de la philosophie mapuche, des droits collectifs principaux féministe et de la décolonisation. »
Ce chapitre concerne deux sujets liés au rôle des nombres dans la politique. D’abord à propos des sondages ensuite à propos du nombre des candidats. Les premiers sont considérés comme essentiels les seconds sont tout simplement ignorés.
Actuellement les sondeurs sont obsédés par leur incapacité à fixer le niveau de l’abstention. Ils attribuent donc à chaque candidature des pourcentages différents. Dans mon cas je me vois affecter l’abstention la plus haute de tous les candidats par rapport à mes électeurs de 2017. Dès lors, la valeur des prédictions ne porte plus sur le nombre de ceux qui voteront ou ont des idées sur le vote qu’ils vont faire mais sur ceux qui ne votent pas et dont le silence est attribué à tel ou tel en particulier. Inutile de dire que sur de telles bases le doute ne peut que s’accroitre si l’on tient compte des erreurs monstrueuses déjà observées à propos des élections régionales et cantonales. Certains « instituts » ayant battu des records dans ce domaine. L’IFOP en particulier qui avait annoncé la « victoire dans tous les cas » du RN en PACA !
Ce genre de pronostic a tellement pesé sur les élections en provoquant un réflexe de vote utile qu’on pourrait croire à une manipulation organisée. En réalité le pari le plus raisonnable à faire est celui de l’incompétence professionnelle si l’on tient compte du nombre des erreurs. Car ce même « institut » de sondage s’est trompé en moyenne de 7 points sur les scores du RN aux régionales. Il s’est trompé sur les candidats RN de 9 points en Auvergne-Rhône Alpes, de 9 points en Occitanie, de 7 points en Normandie, 7 points en Bourgogne, 7 points en Île-de-France…
Aujourd’hui il est impossible quand un sondage est produit de pouvoir se faire un avis à la vitesse à laquelle ce type d’objet est produit. En effet les « instituts » ne publient pas en même temps les matrices qui permettent de vérifier la méthode de travail utilisée et notamment la poudre de Perlimpinpin utilisée entre les abstentions différenciées et les exercices de doigt mouillé à la fin pour « redresser » les données chiffrées. Ce dernier exercice est strictement inconnu du public car il est assimilé au « secret de fabrication ».
Les instituts comme IFOP vivent pour l’essentiel de commandes privées sur des produits commercialisés les plus divers. On comprend que le pronostic politique leur sert de « faire valoir » : on parle d’eux et des gens sérieux discutent à partir de leurs résultats sur des sujets cruciaux comme la Présidence de la République et ainsi de suite. Comment pourraient-ils se tromper sur la préférence des clients pour la couleur des boîtes de sardines ou la forme du bout des pantoufles ? Vous vous ferez donc votre idée des dernières publications sur le sujet. Le journaliste Robert Namias a conclu assez sèchement le 4 juillet par un tweet sévère: « 8 jours après les élections on n’a rien appris, rien oublié. C’est reparti pour des sondages qui n’ont aucun sens à 10 mois de la présidentielle, des commentaires définitifs sur des chiffres qui n’ont aucune réalité et des polémiques putaclic qui ne font que combler le vide des débats. »
Ce n’est vraiment pas un détail. Le nombre des candidats en 2022 devrait directement influer sur la répartition traditionnelle des votes. Les « redressements » que font les sondeurs après avoir collecté leurs données brutes n’en tiennent que très faiblement compte. Pourtant, si chacun réunit les 500 signatures exigées comme ce fut déjà le cas pour nombre d’entre eux en 2017, l’impact est assuré. Souvenons-nous des conséquences sur le résultat du premier tour en 2002 ! Certes, il est difficile d’évaluer quand nombre de ces candidats par exemple n’ont pas de présence distincte dans les élections locales. On ne peut donc comparer. Bien d’autres paramètres interviennent pourtant et devraient éclairer les évaluations. Notamment l’impact dans les milieux sociaux censés être plus attirés par telle ou telle candidature.
Ainsi, les sondeurs m’attribuent un niveau d’abstention colossal de mes électeurs en tenant compte de l’abstention des quartiers populaires aux élections intermédiaires. La même méthode d’observation des comportements peut donc éclairer le reste du paysage pour évaluer ce qui s’y passe. Nous le faisons pour notre part. Ainsi quand nous observons comment, dans la journée qui suit mon intervention en conférence de presse, nous plaçons trois sujets en top tendances sur Twitter. Et à l’inverse, par exemple quand nous voyons Jadot provoquer seulement 14 tweets dans la demi-heure qui suit son passage à TF1 devant 5 millions de téléspectateurs et 23 tweets dans les six heures qui suivent la une de L’OBS qui lui est réservée (dont 5 venant de journalistes de cet hebdo).
De son côté Anne Hidalgo reste indétectable dans cet espace chaque fois qu’est annoncée à son de trompe dans toute la presse qu’elle « se prépare », « envisage », « affermit sa volonté d’être candidate ». Pourtant cet espace du tweet est largement composé des milieux sociaux qui sont censés lui être favorables. La clef de répartition entre les candidats des votes voisins idéologiquement est donc pour l’heure très incertaine. Il faut donc commencer par faire les comptes. Pour l’instant nous en sommes à 15 candidatures déclarées. Une d’extrême droite: Le Pen. Six à droite : Dupont- Aignan, Xavier Bertrand, Jean-Christophe Lagarde, Jean-Frédéric Poisson, Jean Lassalle, Emmanuel Macron. Deux pour le centre gauche : 1 PS, 1 EELV. Quatre dans l’espace communiste traditionnel : Nathalie Artaud, Phillipe Poutou, Fabien Roussel, Anasse Kazib. Deux candidatures hors cadre : une animaliste Hélène Thouy et enfin inclassable dans ces espaces connus, un insoumis : l’auteur de ces lignes.
À ce chiffre peuvent encore s’ajouter une candidature d’extrême droite : Éric Zemmour, une candidature de droite hors cadre (ou directement LR) et de même au PS si Montebourg s’enhardit. Ce qui en rajouterait trois et porterait alors le total à 18 candidatures. C’est-à-dire deux de plus qu’en 2002. Si tel est le cas, toute la composition prévisible des deux tours de l’élection est sans aucun rapport avec ce qui en est dit à cette heure sur les plateaux les plus bavards.
En toute hypothèse, ce scénario signifie qu’il n’y a d’union ni à gauche ni à droite. Donc pas de « bloc de référence ». Dès lors dans un tel paysage de premier tour chacun vote non pour une étiquette mais pour un programme ou une personne. Surtout quand les profils sont proches comme c’est le cas entre PS, EELV ou, à droite, entre Xavier Bertrand et Macron.
Dans ce tableau politique (nous l’avions anticipé depuis l’été dernier) notre stratégie de l’Union populaire propose une alternative : l’union populaire sur un programme capable d’être majoritaire.
Au demeurant, les élections régionales et cantonales ont montré à la fois que les partisans affichés de l’union n’en voulaient pas, même aux conditions les plus avantageuses pour eux. Par exemple quand nous avons proposé pour les six dernières listes à constituer aux régionales cinq têtes de liste à EELV contre une pour les insoumis. La réponse fut vindicative et insultante. Et dans la foulée EELV décidait de nous exclure de la liste de résistance en PACA. On connait l’immense succès de cette manœuvre. EELV est évoqué ici car c’est le groupe politique qui a le plus berné les médias sur ses intentions « unitaires ». Mais l’observation s’étend a tout le champ de la gauche traditionnelle. Nulle part, quelle que soit la formule et la combinaison, l’union n’a été possible sauf dans les Hauts-de-France. Là, l’union s’est faite à notre initiative. Mais la dynamique n’a pas été au rendez-vous. Il faut dire que le militantisme EELV non plus. Il est donc raisonnable de ne plus consacrer une minute à une illusion aussi morbide que cette prétendue « union de la gauche ».
La stratégie alternative est simple à formuler si nous partons de la réalité. Que voulons-nous ? Il s’agit de rassembler une majorité du peuple dans l’élection présidentielle. Comment y parvenir sinon en convainquant une majorité d’électeurs… Comment les convaincre ? La réponse de la stratégie d’Union populaire est aussi simple que la réalité électorale: il faut proposer un programme qui le permette. Un tel programme doit répondre au moins à deux critères de base. D’abord tourner la page des politiques dont ils ont souffert. C’est impossible en compagnie de ceux qui en sont en partie responsables comme c’est le cas du PS. Ensuite en apportant des solutions aux difficultés que les gens vivent et pour cela, rompre avec les règles du jeu et les traités qui obligent à faire le contraire de l’intérêt général du peuple. Ni EELV ni le PS n’en veulent.
Pour nous ce programme c’est « l’Avenir en commun ». Mais peut-il être majoritaire ? Oui ! Ses propositions, traduites en propositions de loi par les députés insoumis à l’Assemblée nationale, sont devenues largement majoritaires dans la population. C’est ce que disent les enquêtes d’opinion. La stratégie de l’Union Populaire consiste à convaincre le grand nombre du programme capable de rassembler le plus de suffrages dès le premier tour.
Pour être plus précis, comprenons le mécanisme d’adhésion aux thèses de notre candidature. Il nous faut montrer que notre programme est applicable (crédibilité). Qu’il sera réellement appliqué (sincérité). Et enfin que le candidat est capable de mener à bien cette tâche (capacité). Rien de tout cela n’est possible en restant cloués dans le cadre de danses du ventre sur « l’union de la gauche » entre gens d’accord sur rien et surtout pas sur l’essentiel c’est-à-dire la nécessité de la rupture avec le système économique et politique.
Pour y être, j’ai bouleversé mon programme pourtant plein comme un œuf cette fin de semaine. J’étais présent à Marseille pour le baptême républicain d’un navire exceptionnel, l’Alfred Merlin. il s’agit d’un navire dédié à la recherche archéologique sous-marine. Sur le plan technique, c’est un pur bijou. Construit à la Ciotat, un chantier naval français d’excellence, il est le plus grand bateau en matériaux composites du monde. Il est 60% plus léger que serait son équivalent en acier !
La coque en matériau composite s’est vue dotée d’un réseau de capteurs intégrés qui vont permettre d’accumuler pour la première fois des milliers d’indications sur la réaction de ce type de matériau dans les chocs de la mer. Motorisation hybride électrique et thermique. Il pullule d’innovations. Ainsi ce portique capable de soulever des charges de 7 tonnes. Lui aussi en matériau composite. Unique au monde ! Ce n’est pas tout. Les systèmes robotisés spécialisés qui accompagnent le navire ont été mis au point en France à Montpelier. Il s’agit notamment d’engins sous-marins capables de travailler à 2 500 mètres sous la surface.
Ce bateau vient fortifier une flotte qui comptera désormais trois vaisseaux dédiés à l’archéologie sous-marine. Dans ce domaine, la France mène la danse au niveau mondial. L’organisme public qui a en a la charge date de Malraux. C’est la plus ancienne institution sur ce sujet dans le monde. Elle a permis de fonder un droit spécifique sur les fouilles et l’appropriation des objets découverts sous la surface de la mer. Ce savoir-faire a permis la généralisation en cours progressivement. On voit les prodiges qui seront accomplis à la suite de l’expérience accumulée et des robots spécialisés, conçus spécialement pour cette fin. Mais on voit aussi quelle incroyable opportunité se présente d’approfondir les apprentissages de l’exploration et du travail sous-marin.
À l’heure où le niveau des mers monte, quand les vestiges sous-marins sont porteurs d’enseignements uniques, les navires de l’archéologie sous-marine sont des avant-gardes pleines de futur. Sans oublier leur participation à la connaissance des fonds telle qu’elle peut contribuer à la sécurité nationale
Le feu dans le golfe du Mexique et l’explosion du forage pétrolier qui s’y trouve est une alerte cruciale. La situation en Méditerranée doit résonner comme un écho pour nous tous. En effet une même menace nous y guette. Je pense aux forages qui sont entrepris au large de Chypre aujourd’hui disputés par la Turquie et la Grèce. L’île en feu avec une température de 45 degrés appelle déjà au secours pour contenir cet incendie. Qu’en serait-il avec le feu en mer ? Déjà d’aucuns considèrent la Méditerranée comme le pédiluve de l’Europe. J’en veux pour preuve le dégazage illégal du 11 juin dernier. Une nappe de 35km d’hydrocarbures lourds est venue souiller en partie les rivages de la Corse. Des moyens ont été déployés pour limiter les dégâts et pourchasser le responsable mais le mal est fait. Cette pollution criminelle inacceptable cache en réalité un tableau déjà critique. Je tire la sonnette d’alarme en me basant sur deux rapports publiés au début du mois de juin. Ils s’ajoutent à une pile déjà haute d’études en ce sens.
Ce « presque lac » est particulièrement fragile. En effet, la mer Méditerranée est reliée à l’océan mondial par un petit détroit de 14 kilomètres. De fait, les eaux de cette mer mettent près d’un siècle à se renouveler. En clair, tout ce qui se déverse en Méditerranée y reste un long moment, au risque de la transformer en cloaque. Déjà, la mer de Marmara qui fait l’interface avec la mer noire de l’autre côté du Bosphore est aujourd’hui couverte par une « morve marine » qui l’asphyxie !
Comme elle est presque fermée, les températures de la Méditerranée y augmentent 20% plus vite que la moyenne mondiale. De même, cela produit une évaporation plus rapide. Ainsi, chaque degré supplémentaire accroît cette évaporation de 7 %. En réalité, c’est déjà le cas. La vallée de la Roya ne s’est pas encore totalement remise du passage de la tempête Alex d’octobre 2020.
L’eau se réchauffe aussi plus vite qu’ailleurs. De fait, la partie Est se « tropicalise » selon le WWF. Cela signifie que l’eau devient plus chaude, contient moins d’oxygène et se retrouve envahie d’espèces exotiques. Près de 1 000 sont déjà arrivées par le canal de Suez. Les posidonies, algues de la région, stockent 5 fois plus de carbone que la forêt tropicale à surface équivalente et produisent de l’oxygène. Mais elles se meurent. Or, elles ont stocké un tiers des émissions de CO2 des pays du bassin depuis la Révolution industrielle. Le pire est à craindre si elles le relâchent. Pour finir, l’eau pourrait monter d’un mètre d’ici 2021. Or, un tiers de la population du bassin méditerranéen vit déjà sous le niveau de la mer. Sur 20 villes menacées de subir le plus de dégâts, 10 sont en Méditerranée.
Une équipe de scientifiques français a aussi compilé trente ans de données. La biodiversité de la Méditerranée était jusqu’à présent connue pour sa richesse. En effet, elle regroupe 18% des espèces marines connues dans seulement 0,3% du volume océanique mondial. Mais cette biodiversité s’est effondrée. Les trois quarts des stocks de poissons sont surexploités. La population de thon rouge a baissé de 90% depuis 1993. Aujourd’hui, la moitié des écosystèmes marins côtiers et de haute-mer et près d’un tiers des écosystèmes d’eau douce sont en péril. Tous les peuples riverains sont concernés par les conséquences du réchauffement climatique en Méditerranée. Ils sont donc tout autant liés par la bifurcation écologique à opérer. Nous devons donc créer les conditions d’une diplomatie écologique afin de la protéger.
L’Avenir en commun prévoit déjà, en son point 51, d’« unir le petit bassin méditerranéen autour d’objectifs communs de progrès ». Cela réunirait la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie. En effet, le processus de Barcelone engagé en 1995 est enlisé. Les obsessions libérales de l’Europe sous pression allemande ont défiguré l’Union pour la Méditerranée. En outre, son extension à des états en conflit permanent rend ce cadre quasiment impraticable. Je suis déjà intervenu dans l’hémicycle à ce sujet. Nous débattions de la création d’une communauté méditerranéenne des énergies renouvelables. C’était en novembre 2020. Je le redis : nous devons nous tourner vers le petit bassin méditerranéen pour faire face aux questions environnementales, énergétiques et climatiques.
La mer Méditerranée est la mère du monde européen. Tout est parti de là. Aujourd’hui, 500 millions d’habitants y vivent et en vivent. Les conditions de vie de l’ensemble des peuples méditerranéens dépendent du bon état de la mer qui nous lie. Il faut donc se donner les moyens de la respecter.
La France est une nation méditerranéenne. Elle doit donc mettre sa puissance au service d’une diplomatie du peuple humain en Méditerranée. Dans trente ans, il y aura plus de plastique que de poissons en Méditerranée. La concentration de plastique y est déjà quatre fois plus élevée que dans le continent de plastique à la dérive au milieu du Pacifique. De même, si le transport maritime était une nation, elle serait le sixième plus gros pays émetteur de gaz à effet de serre. Concrètement, 100 000 navires passent par le détroit de Gibraltar chaque année. Les populations des villes portuaires subissent de plein fouet cette pollution. Mais en Méditerranée, le taux de soufre maximal autorisé dans le carburant des navires est 5 fois supérieur à ceux en vigueur en mer Baltique et dans la mer du Nord. Des discussions internationales sont en cours pour la création d’une zone internationale de limitation des émissions polluantes liées au trafic maritime en Méditerranée. De même, un traité de lutte contre les plastiques est en cours de négociation à l’échelle mondiale. La France doit peser de toutes ses forces pour que ces accords voient le jour.
Des décisions concrètes peuvent aussi être prises à l’échelle du petit bassin méditerranéen. La France a les moyens de jouer un rôle moteur dans cette coopération indispensable. Par exemple, des liens doivent être noués entre les deux rivages pour tirer collectivement le meilleur parti des conditions naturelles. C’est une clé pour atteindre le 100% énergies renouvelables. Le Maroc et l’Espagne sont reliés par une interconnexion électrique sous-marine depuis 1997. Une autre est en projet entre l’Italie et la Tunisie. Pour en établir d’autres, nous aurons besoin des Français Nexans (héritier d’Alcatel) et Orange Marine. Ce sont des références mondiales incontournables de la fabrication, de la pose et de l’entretien de câbles sous-marins. De la même façon, la marine nationale française dispose d’une expertise de pointe en surveillance et en dépollution maritime. C’est un outil précieux pour l’avenir. Les aires marines protégées sont appelées à se multiplier. Il faudra donc les disposer d’une force capable d’y faire appliquer les règles.