L’ambiance Guadeloupe
Le moment médiatique est à la compétition de Le Pen et Zemmour. La classe médiatique semble se ressaisir. Après 230 articles publiés par jour sur Zemour, 14 000 en trois mois et des heures de télévision, un hallali semble commencer. La parution de Closer donne à ce type de moment un côté farce de boulevard. La vieille règle se remet en place : la presse lèche, lâche et lynche. Tout cela sert Macron comme jamais, qui se voit en arbitre indétrônable de la partie telle qu’elle est jouée sur la scène médiatique. La réalité est sans aucun doute tout autre. D’abord Zemmour ne se réduit pas à sa personne. Ils exprime et incarne quelque chose qu’il ne saurait être par lui-même et dont il a déclenché l’émergence.
Quant au reste, c’est à dire à la situation d’ensemble, la Guadeloupe est le véritable miroir du pays. Tout ce qui a constitué le terreau de la révolte là-bas est aussi présent dans l’Hexagone. Bien sûr, les différences sont innombrables et notamment celle du niveau de combattivité comparé entre une population insulaire déterminée et une population continentale lourdement résignée et tenaillée par un appareil médiatique qui maintient un haut niveau de diversion et de décervelage méthodique. Pour autant, la contagion aux autres territoires d’Outre-mer remplit une fonction révélatrice de la façon avec laquelle le contexte fait la loi. La Polynésie française en grève générale, puis la Martinique en apportent la preuve. La reculade du pouvoir sur la suspension du personnel soignant aussi soudaine que sa promulgation brutale et inconsidérée après l’exemple martiniquais montre un sommet entré en turbulence.
Et dans l’Hexagone ? La révolte peut bien finir par venir aussi d’un déclencheur sanitaire comme dans les Outre-mer. Car le pouvoir est loin de maîtriser la pandémie et ses rebonds. S’y ajoute la grippe aviaire à présent. C’est un grand classique de l’Histoire : les révoltes ne naissent pas par idéologie mais parce qu’un pouvoir se montre incapable de résoudre un grand problème collectif. Telle est la pandémie. Mais on ne peut exclure que la bizarrerie de Lecornu décidant d’ajouter une crise nationale à toutes celles qui s’empilent déjà n’y apporte une dose supplémentaire et décisive de pagaille. Les élus Corses ont eu raison de saisir la balle au bond. Eux réclament sans succès ce que ne demandaient pas les Guadeloupéens. Alors pourquoi refuser d’en parler avec eux ?
Cette semaine pour moi c’était surtout l’émission sur BFM. Venant après deux conférences étudiantes, ce fut un bon exercice intellectuel. Quatre jours le nez dans les fiches et les révisions comme l’étudiant perpétuel que je suis devenu du fait de ma vie politique. Quatre millions de personnes sont passées sur l’émission politique de BFM au fil des 2 heures 40 de programme. Un record pour la chaîne et pour moi aussi. Mais surtout un rude exercice face à six journalistes qui connaissent leurs sujets et savent les mettre en scène et discuter les réponses aux questions. Qu’ils paraissent tous avoir la même ligne éditoriale, plutôt droite libérale, est plutôt un faire valoir qu’un handicap puisque les différences font leur travail de délimitation et de prise de conscience. Mais l’ambiance n’a rien à voir avec les venimeuses passes d’armes, questions en double négation, « témoins » bidons et hargne sur le « service public » gouvernemental.
Bien sûr il y eut un moment étrange avec cette demande de rembourser les trois euros du prix du livre programme, ou bien avec ce « petit patron » témoin « neutre » bidon puisque candidat de droite aux élections, et quelques petites séquences par ci par là un peu à la limite, mais rien de décisif si l’on tient compte de l’ambiance de violence qui règne désormais partout sur les plateaux de télé. Pour ne rien dire de la presse écrite. À voir dans ce domaine l’interview d’Adrien Quatennens dans « Libération » avec que des questions malveillantes et négatives, sans oublier la photo affreuse. Mais celle-ci vous installe comme leader de gauche, comme on le sait. Cela m’enchante.
Beaucoup de retours positifs de ces trois séquences, ce qui est encourageant à un moment où il semble que le pays n’est pas encore entré dans la campagne, comme le confirme le faible taux de participation certaine au vote révélé par les sondages. On est encore cloué aux alentours de 50 ou 60% de personnes certaines de voter, très loin des 80 % attendus si les quartiers populaires votent. Toute notre campagne est concentrée sur ce travail de bouton de veste dans les quartiers.
L’OTAN avait été déclarée en état de « mort cérébrale » par le président Macron. Le cadavre s’agite. Avec le soutien servile de la France qui accepte et subit toutes les foucades des Nord-américains et leurs conséquences négatives pour notre pays. La liste est longue et tout n’y est pas neuf. Du passé proche et lointain nous viennent au moins deux souvenirs cuisants. Depuis l’acceptation par François Hollande de l’installation des missiles anti-missiles en Pologne menaçant 75% du système de défense russe, le territoire européen est redevenu une zone de combat potentiel. L’accord de gouvernement tricolore à Berlin prévoit le maintien des bombes nucléaires américaines en Allemagne et l’aviation allemande pour les transporter. Les provocations américaines sont donc à notre débit et à notre porte.
Depuis la création de l’État croupion du Kosovo, aussitôt transformé en base militaire US, le monde slave et russe sait que tout est possible venant des alliés de l’OTAN. D’ailleurs, tout a commencé par une trahison. La levée du pacte de Varsovie et l’évacuation militaire des pays de l’Est au moment qui rendit possible la chute du mur avaient été négociées contre la garantie que l’OTAN ne s’étendrait pas aux pays concernés. On commença par faire entrer à l’OTAN les dix pays de l’Est dans l’Union Européenne. Puis ce fut l’installation d’une base de missiles anti-missile en Pologne sous couvert… de menace iranienne. Puis ce fut l’annulation par les USA du traité anti-missiles de courte portée. Puis la formation d’un état-major de l’espace dans l’OTAN et les manœuvres communes dans ce domaine France-Allemagne-USA. J’en passe, comme les manœuvres OTAN en mer Noire, et ainsi de suite.
À chaque étape, l’OTAN n’a pas été la solution mais le problème. La méthode des USA est simple. Ils font des provocations puis poussent des cris quand la Russie ou la Chine répliquent par des mesures de même niveau. Une fois cela posé, l’ambiance est préparée pour passer à une nouvelle étape de tension. Autrement dit : l’OTAN provoque de sang-froid une escalade. Récemment, ce fut frappant avec l’utilisation d’une prétendue menace Russe à la frontière de l’Ukraine. Servile, Macron s’engagea de manière irresponsable à « défendre l’intégrité physique de l’Ukraine ». Ridicule. Vingt-quatre heures plus tard, les Ukrainiens démentaient la menace, trop conscients qu’ils sont du risque d’une escalade sur leur territoire. Puis leur ministre des Affaires étrangères convoqué à Washington nuançait soudain le démenti. Mais aussitôt, l’alerte et la guerre des communiqués prit fin.
Avec la Chine, c’est pire. Là aussi et surtout, il s’agit pour les USA de faire monter en puissance une état d’esprit de guerre froide. Un travail méthodique. La propagande déferle et des pages « d’éléments de langage » se retrouvent amplement dans la presse atlantiste de notre pays comme dans celle des autres. Elles sont relayées plus ou moins mezza-voce par les politiciens atlantistes de tous les partis. En France, ce sont surtout les centristes anciens (MODEM) et nouveaux (LREM) d’un côté et les socialistes du PS de l’autre qui constituent les gros bataillons de l’allégeance aux USA. C’est historique comme l’est la distance gaulliste et communiste à l’égard de USA. Mais quand la bataille s’engage, les sujets « d’alerte » se répètent d’un journal à l’autre, soudain passionnés par des questions de défense qu’ils méprisent souverainement le reste du temps. Un recopiage sans recul des pires refrains US, sans le moindre débat ni la moindre opinion contraire. Ainsi, pour amoindrir le choc de la trahison australienne, certains bavards recopient les notes d’infos sur le pullulement des sous-marins chinois, une vaste blague sur-mesure inventée à Washington.
Le début officiel de la nouvelle campagne anti-chinoise a commencé avec la réunion du 14 juin de l’OTAN à Bruxelles. Pour la première fois, la Chine est désignée comme un adversaire commun des alliés de l’OTAN. Aucune raison précise n’est mise en avant, ni aucune perspective ou conditions pour une baisse du niveau d’alerte que proclame le texte. Une pure escalade. La Chine est pour la première fois pointée comme une menace stratégique avec l’expression euphémisée de « défi systémique ». Lisons. C’est au paragraphe 55 (sur 79…). Il est précisé sans autre forme de procès: « Les ambitions déclarées de la Chine et son assertivité présentent des défis systémiques pour l’ordre international fondé sur des règles et dans des domaines revêtant de l’importance pour la sécurité de l’Alliance ».
Quelles « ambitions déclarées » ? En quoi « l’assertivité » de la Chine est-elle inadmissible de la part d’un pays souverain qui plus est quand il est la première nation productive du monde ? Que veut dire « assertivité » ? Selon mon moteur de recherche ? « Qu’est-ce qu’une attitude assertive ? Le comportement assertif se définit comme une attitude, une posture d’affirmation de soi tout en respectant l’autre. C’est savoir s’affirmer en ayant une attitude respectueuse envers les autres, dans le but d’avoir des relations apaisées ». Autrement dit, c’est l’affirmation de soi qui pose problème à l’OTAN ? Pourquoi ? Parce qu’elle fait de l’ombre à la volonté de toute-puissance des USA. La preuve est ici dans le texte.
Pour suivre la lecture de cette étrange déclaration d’hostilité contre la Chine, posons encore une question. Quel aspect de la sécurité de l’alliance, prise comme un tout, est-il concerné par « l’assertivité de la Chine »? L’autre chiffon rouge est la question de Taïwan. Cette province chinoise servit de base de repli à l’armée nationaliste de Tchang Kaï-chek après sa déroute contre les Japonais et l’armée populaire chinoise. Habilement, pour faire cesser les hostilités sur le territoire continental de la Chine, l’état-major de l’armée rouge laissa le repli fonctionner comme une évacuation de l’armée blanche. Ce fut un succès. Taïwan était sous autorité de l’État continental chinois depuis la même époque où la Franche-Comté est devenue française. Pendant cinquante ans succéda un régime de parti unique d’extrême droite à Taïwan. La situation a beaucoup évolué depuis lors.
Aujourd’hui se pratique une « ambiguïté pacifique » internationale qui est finalement bien utile à la Paix. Naturellement, Taïwan ne peut prétendre représenter la Chine. D’ailleurs, elle a perdu progressivement tous les attributs correspondants depuis son expulsion du Conseil de sécurité et jusqu’à son appellation aux JO. Tout le monde s’en remet à la formule « une seule Chine » sans plus de précision. Mais tout le monde sait qu’il s’agit de la République populaire de Chine. La France a d’ailleurs été la première à la reconnaître en 1964.
Mais depuis peu, et sans cesse plus agressivement, les USA provoquent la Chine. Cela peut être très dangereux, car les USA sont un Empire aux abois dirigé par des gens intellectuellement limités par leur arrogance dominatrice, comme l’ont montré leur comportement dans toutes les crises récentes. Elles ont d’ailleurs toutes fini dans un désastre pour eux comme au Vietnam, en Irak, en Syrie et en Afghanistan. Menacer et même affronter militairement la Chine est une ligne sans aucun futur. Un pays avancé de un milliard d’habitants ne peut pas être vaincu, quelles que soient les circonstances. Et les dirigeants chinois savent qu’ils ne doivent pas se laisser entrainer dans l’escalade des équipements comme le firent les soviétiques au point d’asphyxier l’économie socialiste de leur pays. Au demeurant, leur modèle d’économie mixte peut s’accommoder d’un volant d’entrainement avec l’aide de l’industrie d’armement comme l’ont montré les États-Unis eux-mêmes.
Mais la pression est forte. Ainsi, un communiqué US dénonce l’accroissement de l’arsenal nucléaire chinois. Mais sans faire évidement état du fait que les USA ont eux-mêmes engagé sous Obama un plan de modernisation de leur arsenal budgété à hauteur de 1 200 milliards de dollars sur 30 ans. Ce qui est un véritable appel à la course aux armements. En toute hypothèse, l’argument est nul et non avenu. Car dans les faits, le nombre de têtes nucléaires déployées par la Chine est estimé à 350 par le SIPRI alors qu’à elle seule la France en dispose de 280. Tout cela reste à des années lumières des immenses capacités des États-Unis qui ont 1600 ogives déployées, pour un stock total de près de 6000 têtes disponibles ! En regardant de plus près, on voit comment, en 2019, le budget militaire de la Chine était estimé à 200 milliards de dollars. Les dépenses militaires (source SIPRI, l’organisme de référence en la matière, dernier rapport à jour), cumulées de l’ensemble des pays membres de l’OTAN représentaient 1035 milliards de dollars – dont 731 par les seuls USA. C’est à dire plus de la moitié des dépenses militaires mondiales. C’est beaucoup pour une alliance purement défensive. C’est peu pour une puissance comme la Chine si son intention était offensive.
Telle est la logique de l’escalade déclenchée par les USA telle qu’elle est relayée par la presse atlantiste des pays inclus dans l’OTAN. Tout est à charge. Aucun raisonnement de sang-froid. Ainsi quand il est reproché à la Chine de coopérer avec la Russie dans le domaine militaire, notamment en participant à des exercices russes dans la zone euro-atlantique. Là encore, aucun argument de contexte n’est pris en compte. Car dans les faits ce rapprochement n’allait pas de soi. Il a été accéléré par les menaces analogues dont les deux pays font l’objet de la part des membres de l’OTAN. En mars, après avoir été ciblés par des sanctions de la part de l’UE, – une première pour la Chine – les deux pays avaient dénoncé des « sanctions illégitimes » imposées par les États-Unis et leurs alliés. Ils ont alors officiellement convenu de « travailler ensemble » pour repousser ces pressions. Pékin et Moscou avaient également décidé ensemble de « s’éloigner du dollar américain pour les échanges commerciaux » afin de réduire les risques économiques liés aux sanctions. Quoiqu’il en soit, pour la Chine, il s’agit surtout de prendre au sérieux les arsenaux déployés en Asie Pacifique par les USA et leurs alliés dans la zone « indopacifique ». Depuis la formation de l’alliance USA-Australie-Grande Bretagne dans l’AUKUS contre la Chine, celle-ci doit être prise au sérieux. On comprend sans mal qu’une grande nation le fasse. Pourquoi ne le ferait-elle pas ? Ici l’intention agressive est clairement située du côté de l’OTAN et non de la Chine.
Que Taïwan soit un prétexte à escalade est donc assez évident. Son agitation comme un chiffon rouge est assez clairement visible. De son côté, la Chine populaire renouvelle à intervalle régulier sa position « une seule Chine ». Mais elle s’en remet aux générations futures pour régler le problème. La Chine continentale n’a en effet aucun intérêt à un conflit et ne le cherche pas. Elle est en effet le premier fournisseur et premier client de Taïwan. De nombreux hommes d’affaires et sociétés chinoises continentales ont leur siège sur l’île. La pente de l’Histoire réunifiera la Chine sous l’autorité de Pékin, c’est une certitude. Les démonstrations de force que fait la Chine, parfois, sont toujours calculées au millimètre comme le savent tous les observateurs. Et elles sont toujours la réplique à une tentative de mordre le trait de « l’ambiguïté pacifique » respectée jusqu’à présent.
Il n’existe pas de cas offensif chinois. C’est donc à dessein que les USA créent des incidents. Ils leurs permettent d’espérer obtenir un rappel à l’ordre venant de Pékin. celui-ci est ensuite présenté au monde entier comme une menace. C’est ce qui s’est passé quand ont commencé des rumeurs sur la volonté de Taïwan de se déclarer indépendante en même temps que le nombre et la visibilité des militaires américains sur place et autour s’accroissaient. Les survols chinois de l’île furent aussitôt présentés comme autant de menaces d’agression, voire d’invasion. Antony Blinken, le soi-disant ami de la France et secrétaire d’État de Biden, a roulé les mécaniques pour « exprimer sa préoccupation concernant les pressions diplomatiques et économiques continue de la République Populaire de Chine contre Taïwan ». Non sans un certain humour noir, il a aussi invité le pays « à résoudre ses différents avec Taïwan pacifiquement ». Tout est revenu au calme. Mais cela ne durera pas. Ce jeu est entièrement dans la main des USA et il n’est pas sûr que tous leurs objectifs soient directement et seulement tournés contre la Chine. L’OTAN est d’abord une alliance qui garantit aux USA leur contrôle sur leurs alliés, ne l’oublions pas. La vérité est que les USA n’imaginent pas avoir des alliés mais des vassaux. Leur exigence que 2% des budgets soient consacrés aux dépenses militaires fonctionne comme un tribut exigé des membres de l’alliance qui sont invités à se fournir en armes USA et donc à contribuer directement au fonctionnement de l’économie de ce pays qui est régulièrement relancée avec ce type de commandes gigantesques.
La question de Taïwan est donc un indicateur à surveiller en permanence. Il permet de mesurer le degré d’alignement des pays vis-à-vis des USA. Et aussi le degré d’indépendance des médias qui recopient la propagande US. Car sans imagination, ces journaux reprennent les vieux refrains de la guerre du Golfe contre « l’esprit de Munich » qui les poussaient déjà à avaler tout rond les charniers de Timisoara, les armes de destructions massives en Irak et d’une façon générale n’importe quelle ligne de propagande des agences d’influence des USA. On verra tout cela fleurir de nouveau bien largement. Une fois de plus, il va falloir tenir bon sous l’outrage et les pressions pas toujours délicates. La question ici n’est pas d’être pour ou contre Taïwan. Ou bien pour ou contre la Chine populaire, même si naturellement cela est tout à fait légitime de l’être comme dans tout débat. Le point de vue sous lequel je me situe est d’un autre ordre. Il part du respect de l’ordre international comme condition de la paix générale. Et il postule l’indépendance de la France face aux tentatives pour l’embrigader dans des aventures dans lesquelles elle n’a aucun intérêt. Enfin il affirme la nécessité de sortir d’une alliance militaire où elle n’est pas la bienvenue comme l’a prouvé l’affaire AUKUS alors même que la France existe géographiquement dans l’espace considéré.
Il faut donc raisonner sur des bases documentées pour affronter la réalité. Car la situation se durcit. Pour la première fois, les USA ont invité les représentants de l’île à une réunion internationale des démocraties en décembre. La Chine a protesté. 110 pays sont invités. C’est évidemment une comédie destinée à affirmer que l’Amérique est « redevenue » le leader du « monde démocratique ». En tous cas, la centralité du prétexte taïwanais est assez forte pour être devenue un élément du « dress-code» atlantiste. Chacun se doit d’en parler comme d’une grande question importante. À preuve dans le piteux accord de coalition gouvernementale tricolore en Allemagne entre trois partis caricaturaux de « réalisme atlantiste ». Berlin a donc un avis sur Taïwan ! « Toute modification du statu quo dans le détroit de Taïwan ne peut se faire que de manière pacifique et d’un commun accord. Dans le cadre de la politique d’une seule Chine de l’UE, nous soutenons la participation objective de Taïwan démocratique aux organisations internationales ». Plus hypocrite et plus fumeux tu meurs.
J’ai déjà expliqué dans une tribune les raisons pour lesquelles il faut planifier la sortie du nucléaire pour viser le 100% renouvelables. Quel autre horizon viable ? En effet, il est le seul compatible avec la nouvelle donne climatique. Surtout, il est pourvoyeur de centaines de milliers d’emplois. Il faut donc accélérer tous azimuts la montée en puissance des renouvelables.
Évidemment, nous n’allons pas couvrir le pays d’éoliennes. Bien sûr, nulle technologie n’est la solution parfaite et toutes ont des inconvénients. Il nous faudra en combiner plusieurs en tirant le meilleur parti des spécificités géographiques et météorologiques. Je parle souvent des moulins. Leur nom moderne est « hydroliennes ». Peu importe. L’énergie tirée de la force de l’eau reste une énergie illimitée. Par chance, le potentiel français est ample. Nous avons plus de 620 000 km de fleuves et rivières. C’est-à-dire l’équivalent de 15 fois le tour de la Terre. Ainsi, la carte des fleuves et rivières de France est une ressource de masse. Dès lors, la réorganisation du territoire à partir de l’objectif de maîtrise du cycle de l’eau s’impose. La production d’électricité à partir de la force de l’eau en fait partie.
Il y avait 100 000 ouvrages hydrauliques dans ce pays au 19e siècle. Il reste aujourd’hui 30 000 moulins. Un grand nombre d’entre eux ne sont d’ailleurs plus en état de marche. Il nous faut y remédier. C’est justement le projet de l’entreprise « FuguTech» installée en Saône-et-Loire. Elle conçoit et installe de petites turbines qui permettent de transformer d’anciens moulins à eau en petites centrales hydroélectriques. Ils perpétuent le savoir-faire français en matière de turbines et se fournissent dans un rayon de 50km. C’est un atout.
Certes, elles sont destinées à de petites productions. Mais les petits ruisseaux font les grandes rivières. Bien sûr, nous devons aussi régler le problème écologique qui est posé. Miser sur les moulins et autres turbines fluviales doit se faire en respectant la biodiversité aquatique. Il va également falloir tenir compte d’un autre facteur. À cause du changement climatique, la ressource en eau va se raréfier. Il faut donc l’économiser. En clair, nous devons être capables, quand on installe un barrage, de faire ensuite remonter l’eau dans l’autre sens en circuit fermé. Je parle des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Celles-ci sont déjà au point dans quelques endroits. Je suis allé en voir un exemplaire sur la Durance. Nous devons les multiplier. Cette technologie n’est pas incompatible avec les moulins, bien au contraire. Nous avons les ingénieurs capables de trouver des solutions à tous les défis techniques. Ceux qui les réparent y contribuent. Pour aujourd’hui et pour demain, il nous faut des moulins.
Comment comprendre que deux jours après l’émission de BFM ou j’ai posé le problème de la pertinence de la dissuasion nucléaire du fait de l’entrée dans l’ère de la guerre par l’Espace, aucun autre candidat ni leur parti n’ait exprimé de point de vue sur le sujet ? Plus personne ne s’intéresse donc à la Défense nationale cinq mois avant une élection qui en confie le commandement au Président de la République ?
Je pose la question : est-ce que la dissuasion nucléaire est encore efficace maintenant que l’on sait que la guerre peut avoir lieu et aura lieu d’abord depuis l’Espace ?
Je souhaite qu’il y ait un débat sur les conséquences de la militarisation de l’Espace. #FaceaBFM pic.twitter.com/ayDGmUVoY8
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) November 25, 2021
Pourtant, la dissuasion nucléaire est le système central de défense de la France, de ses frontières et de ses « intérêts vitaux ». Si la militarisation de l’espace rend ce dispositif obsolète, quelle alternative avons-nous ? Et quel intérêt à maintenir un système qui prend alors l’allure d’une étape intermédiaire – contraire à l’esprit de la dissuasion – avant l’usage de coups massifs depuis l’espace ? Si nous disposons des moyens de tirer depuis le sol vers l’espace et depuis l’espace vers le sol, notamment sur les installations nucléaires d’un adversaire potentiel, la dissuasion n’est-elle pas plutôt là ? Cela ne se substitue-t-il pas à la dissuasion nucléaire actuelle ? Si nous disposons de la capacité de faire une flotte d’avions hypersoniques, à quoi bon les sous-marins nucléaires ?
Quoiqu’il en soit, ni la routine ni la monarchie présidentielle ne sont des raisons suffisantes pour ne pas en parler. Surtout après que Macron ait décidé tout seul et sans débat du Parlement de la création d’un État-major de l’espace et donc de la résiliation des traités existant sur le sujet. Surtout après que des manœuvres communes dans ce domaine aient été organisées avec l’Allemagne et les USA. Et surtout après que l’OTAN ait installé à Toulouse son centre de commandement spatial.
La présidentielle de 2022 est le moment où doivent être prises les décisions qui engageront l’avenir et la sécurité du pays. Le sujet de la sécurité collective du pays doit entrer en débat avant même toute autre question de sécurité au coin de la rue.
L’aciérie Ascoval, dans le Nord, produit des barres d’acier pour celle d’Hayange, en Moselle. Ces deux usines associées sont les principaux fournisseurs de rails de la SNCF et d’une partie du réseau ferré européen. Nul ne peut ignorer le caractère stratégique de ces deux usines. La rentabilité garantie promise par cette industrie ouvre les appétits.
Le gouvernement n’a pas levé le petit doigt pour les protéger. Résultat, elles ont changé de main deux fois en un an. En juillet 2020, elles ont été reprises par le groupe britannique Liberty Steel. Inquiet lors de la faillite du groupe britannique, j’ai interrogé le gouvernement via une question écrite en juin dernier. La réponse fut laconique : «Aujourd’hui, plusieurs offres d’industriels sérieux ont été reçues et permettent d’espérer le meilleur pour ces deux sociétés françaises stratégiques. » Puis, en août 2021, elles ont été rachetées par le groupe allemand Saar Stahl. Mais au lieu d’ «industriels sérieux» et d’avenir meilleur, la suite du dépeçage ne s’est pas faite attendre. L’occasion fait le larron, comme on dit. Et il faut dire que c’est une occasion en or. Ascoval a bénéficié de 150 millions d’investissements ces dernières années. Il s’agit de l’une des aciéries les plus modernes d’Europe. Ses fours sont électriques et pourraient être convertis à l’hydrogène produit à partir d’énergies renouvelables.
L’avenir est au vert pour cette filière industrielle. En effet, le ferroviaire est un allié de la bifurcation écologique. À trajet équivalent, un train pollue 100 fois moins qu’un avion et 40 fois moins qu’une voiture. En France, le chantier est immense car les réseaux sont vétustes : les voies ont en moyenne 30 ans, les caténaires 40, les appareils de voies 29 et les appareils de signalisation 26. Il n’y a donc aucun mal à remplir le carnet de commandes. Et c’est déjà le cas. Ces derniers mois, Ascoval a multiplié sa production et son chiffre d’affaires par cinq.
Le gouvernement n’a pas non plus lésiné sur le saupoudrage d’argent public. Avant sa reprise, l’État a débloqué un prêt de 20 millions d’euros pour payer les salaires. Pour finir de séduire le groupe allemand, le conseil régional des Hauts-de-France a effacé une partie du prêt de 12 millions d’euros accordé à l’aciérie. Les élus insoumis ont été les seuls à réclamer que cela soit assorti de conditions écologiques et sociales. En vain.
Les vautours arrivent à cette étape. La logique de marché a fait flamber les prix de l’énergie. Jamais à court d’idées, le groupe allemand y a vu une aubaine. Il a émis l’idée de délocaliser « temporairement » 40% de la production en Allemagne. Cerise sur le gâteau : les hauts-fourneaux allemands tournent au charbon. Où est passé Macron champion de la Terre ?
Heureusement, la direction a fait marche arrière. La mobilisation paye. Mais il faut rester vigilants. Ils ont tenté une première fois cette manoeuvre de pillage. Ils peuvent donc recommencer. D’autant qu’il n’y a qu’un pas entre une délocalisation «temporaire» et une délocalisation tout court.
Les 270 salariés d’Ascoval et les 430 salariés d’Hayange ont raison d’être soupçonneux. Si la production de matière première vient à partir en Allemagne, qui peut croire un seul instant qu’elle continuera de revenir en Moselle pour être laminée en rails ? Ils commencent par tirer un bout du fil et finissent par détricoter toute la pelote ! Tout le monde se méfie désormais du propriétaire. Ces entreprises doivent rester dans le giron français. Si je suis élu, j’appliquerais mon programme. Toute tentative de délocalisation d’entreprises stratégiques contraire aux intérêts fondamentaux de la Nation sera contrée par des peines de réquisition d’intérêt général. Il suffira d’exécuter les articles du code pénal prévus à cet effet. Action, réquisition !