La France s’apprête à ratifier avant la fin de l’année un traité modificatif du Mécanisme européen de stabilité (MES). Tout le monde regardait ailleurs, mais il fut signé le 8 février 2021 par les États membres de la zone euro. L’impressionnant réseaux des médias eurolâtres avait mieux a faire. Il « créait un monstre » pendant ce temps selon l’accusation de Jean Michel Aphatie et une zémourite totale le subjuguait.
Pendant ce temps la vie continuait. En février 2012, quand ce traité fut voté pour la première fois, je me souviens que l’indépassable service politique de France 2 lançait un sujet qui obséda tous les médias : la viande halal. Des heures de viandes halal et zéro temps pour ce traité. J’avais plaisanté et demandé pourquoi le scandale des frites molles dans les cantines n’était pas évoqué. Cette fois-ci, il n’y a plus besoin de diversion : l’Europe, tout le monde s’en fou et surtout ceux qui sont censé y croire. La honte domine.
Pourtant, cette ratification intervient juste avant la présidence française de l’Union européenne, qui sera assurée par Macron à partir du 1er janvier puis par son successeur à partir du 24 avril. Il est donc intéressant d’en examiner le contenu. Car si la France ratifie sans discussion ce traité avant même sa présidence, et donc le moment où elle peut faire bouger les lignes en Europe, c’est que son gouvernement en accepte les principes.
Or, ici, il s’agit ici du pire de l’austérité budgétaire, du carcan ordo-libéral et de la négation de la souveraineté des peuples jamais créé par l’Union européenne. Le Mécanisme européen de stabilité existe depuis 2012. Il a été inventé à l’époque par les technocrates idéologues de Bruxelles pour répondre à la crise de la dette des États d’Europe du Sud et d’Irlande. Ses prêts étaient conditionnés à des purges budgétaires aussi draconiennes que stupides. Ce sont les fameux « mémorandums » de funeste mémoire pour les peuples grecs, espagnols, portugais, chypriotes et irlandais. Le résultat concernant son objectif affiché, la réduction de la dette publique est brillant : grâce à son intervention, la dette grecque est passée de 140% à 200% du PIB. Et l’État grec lui doit des remboursements jusqu’à 2070.
Le nom du MES est tellement associé à l’humiliation et à la souffrance que depuis 2015, aucune pays européen n’a voulu y faire appel. L’institution s’était pourtant proposée au début de la crise sanitaire pour aider l’Italie. Mais le gouvernement italien avait absolument refusé cette « aide », préférant trouver toutes les autres solutions possibles pour s’en passer. Malgré ce bilan désastreux, les dirigeants européens, dont Emmanuel Macron ont cru bon non seulement de prolonger le MES mais encore d’étendre son rôle.
Tout d’abord, le MES jouera un rôle en dernier ressort dans l’union bancaire. Ce nouveau mécanisme de sauvetage des banques prévoit que les déposants payeront en premier désormais. En effet, le fond de résolution géré par le MES ne pourra intervenir qu’après une ponction sur les dépôts supérieurs à 100 000 euros de la banque en difficulté et seulement si cette ponction ne suffit pas. Si une grande banque fait faillite à cause de ses positions sur les marchés financiers, les PME, les associations qui ont un compte chez elle payeront pour ça.
C’est une première raison de refuser la mise à jour du traité. Par ailleurs, il veut aussi accroitre son rôle auprès des États. À l’avenir, le MES pourrait intervenir non seulement auprès des États en grave crise financières mais aussi pour les « petites crises ». C’est une manière de dire : « tout le temps ». Les partisans du traité répliquent que dans ce cas, les conditions seraient assouplies : il n’y aurait plus alors de mémorandum et de substitution du MES au gouvernements et Parlements nationaux. Mensonge ! En fait le traité prévoit bien d’imposer des conditions en toute circonstance. Le pays devra respecter les critères budgétaires européens avant l’arrivée de l’aide et disposer d’un calendrier de « réformes structurelles » conformes au Semestre européen.
Autrement dit, il s’agit encore d’un instrument de contrainte et finalement d’une manière d’imposer en dehors du débat démocratique une théorie politique : l’ordolibéralisme. C’est-à-dire que cela va dans le sens de ce que nous critiquons et de ce que les peuples rejettent de l’Europe au moins depuis le référendum de 2005. En acceptant ce traité juste avant la présidence française, Macron envoie un signal : avec lui, rien ne changera. S’il avait eu l’ambition de rediscuter les règles économiques de l’Union, il aurait demandé à minima un moratoire sur l’application du nouveau traité pendant cette présidence.