La présidence française de l’Union européenne est donc commencée. Macron n’a pas voulu la reporter au semestre prochain, faisant perdre à notre pays trois mois pour son gain personnel de campagne. Gherad Schröder, lui, avait pourtant prévu à l’avance de décaler la présidence allemande pour qu’elle ne tombe pas en pleine campagne électorale. Donc toutes les réunions ont lieu. Même si les homologues des autres États peuvent être sceptiques quant à leur utilité car ils savent que Macron va mentir pendant sa campagne et ne sera peut-être plus au pouvoir à partir du 24 avril.
Une de ces réunions m’intéresse particulièrement. Elle a lieu sous la houlette de la ministre du Travail Élisabeth Borne et se tenait le mardi 11 janvier. Ce jour là, avec les ministres européens, elle a parlé du travail détaché. Pour rappel, le travail détaché est une invention de l’Union européenne qui permet à des travailleurs d’un pays d’aller travailler temporairement dans un autre pays sans que l’employeur ne soit tenu d’y respecter tout le droit social. Vive l’Europe qui protège !
Je suis ce dossier de très près depuis plusieurs années. En 2019, j’ai même déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi pour interdire en France le travail détaché. Pourquoi l’interdire ? Car c’est une machine à mettre en concurrence entre eux les travailleurs européens et à faire regresser tous nos systèmes sociaux. Voici le coeur de son fonctionnement : les cotisations sociales s’attachant au salaire du travailleur détaché ne sont pas payées dans le pays où il travaille mais dans son pays d’origine. À partir de là s’organise un véritable commerce d’êtres humains pour exploiter au maimum des travailleurs, dans des domaines comme le bâtiment, le transport routier ou l’agriculture.
En France viennent travailler en détachement des salariés orginaires de pays européens où la sécurité sociale, et donc les cotisations, est indigente. On a pu parler parfois de « délocalisation à domicile ». Qu’on me comprenne bien : ce n’est pas la nationalité des travailleurs qui est en cause ici mais l’inégalité de traitement. Deux salariés, effectuant les mêmes tâches côte à côte sur un chantier ne sont pas traités de la même façon. D’ailleurs, avant qu’existe le travail détaché de l’Union européenne, il était déjà possible de faire venir travailler en France pour des missions temporaires des travailleurs étangers, mais aux conditions bien sûr du droit social français.
D’ailleurs, ne pensez pas que le travail détaché en France ne concerne que des étrangers. Bien au contraire puisque les Français sont la cinquième nationalité la plus représentée chez les travailleurs détachés en France ! Car des entreprises spécialisées se localisent à l’étranger, embauchent des Français qu’elles détachent immédiatement en France. Ce petit montage leur permet de contourner le devoir de mettre au pot de la Sécurité sociale. Et fait perdre des droits à la retraite aux travailleurs concernés.
Le travail détaché n’eest pas un phénomène marginal. En 2019, il y a 675 000 déclarations de détachement en France, sans même compter le secteur du transport routier qui en rajoute un million. C’est une multiplication par 6 depuis 2008. Ce mode d’embauche progresse donc à une vitesse galopante. Il détourne de l’argent de la Sécurité sociale française. Mais c’est toute l’Europe qu’il tire vers le bas. Cette règle de l’Union européenne est une puissante incitation à détricoter les systèmes de Sécurité sociale. Ainsi, la Roumanie a récemment supprimé toutes les cotisations sociales. Une belle réussite de l’Europe sociale.
Emmanuel Macron se vante d’avoir poussé une révision de la directive sur le travail détaché qui serait un progrès. C’est un énorme mensonge. La durée maximale de détachement a bien été réduite à 18 mois, mais la durée moyenne en France est de 47 jours. Les indemnités de transport, de logement et de repas restent calculées selon le barème en vigueur dans le pays d’origine, ce qui rend le principe « à travail égal, salaire égal » manifestement inopérant. Surtout, le cœur du système de dumping social reste en place. À savoir que les cotisations sociales sont payées dans le pays d’origine du travailleur et non dans le pays où il travaille.
Macron est donc complice de ce trafic d’êtres humains organisé légalement à l’échelle continentale. Pour moi, les choses sont claires. Si je gagne l’élection, la France cessera d’appliquer sur son territoire la directive sur le travail détaché. Elle invoquera d’ailleurs le droit international. Elle a signé et ratifié en 1954 la convention 97 de l’Organisation Internationale du Travail sur les travailleurs migrants. Or, cette convention prévoit une égalité de traitement absolue entre travailleurs nationaux et étrangers, y compris en matière de sécurité sociale. Le système de travail détaché est donc complètement contradictoire avec les engagements internationau de la France. Il faudra y mettre fin.