Le meeting de Nantes est une réussite amplement saluée de tous côtés. Ici, je laisse de côté la question de son impact proprement politique, sinon pour dire qu’il aura en toute hypothèse un effet de mobilisation dans l’opposition populaire. Je parlerai de l’exécution du projet. Il a nécessité une grande discipline d’action tout au long d’une très longue chaîne de personnes impliquées depuis la conception jusqu‘au déroulement du jour de la réalisation. Un art d’autant plus délicat qu’il mêle tout au long des jours des professionnels des entreprises prestataires et des nuées de bénévoles dont les disponibilités ne sont pas toujours les mêmes. Sans compter que la nouveauté restait totale de notre côté jusqu’au bout.
Ainsi, quand tout a été mis en place, je n’ai réalisé que la veille et à l’occasion de la « répétition » ce que serait mon rapport a l’immersion dans des images aussi immenses. L’immensité c’est un écran de deux cent mètres de longueur totale et de six mètres de haut. Au total, Je m’étais prévu et imaginé comme une sorte de « voix off ». J’ai réalisé que c’était impossible compte tenu de la force des images. Mieux valait « entrer en dialogue » avec elles comme pour les commenter plutôt que de les ignorer. D’où le cri « Thalassa », non préparé mais issu du relâchement de contrôle que j’avais prévu au moment de l’apparition de l’image de la mer. Je me connais.
Cependant le plus ajusté est d’avoir imaginé cette première partie organisée par Clémentine Autain et Christian Benedetti. Textes, chansons, images tout préparait une « convocation » de l’émotion et plus exactement de l’émotion canalisée. Tout cela fonctionna pour préparer à accepter l’émotion que les images géantes ensuite suggèreraient. En tirant vers le beau et le romanesque, on installait ce qui ensuite fut notamment l’émerveillement de la vue depuis l’espace et l’entrée en mer.
En ce sens, le meeting est un tout dont aucune partie ne peut être dissociée des autres puisqu’elle se font écho dans la réalisation. Une telle composition fait sens par elle-même. Elle fonctionne comme un manifeste de ce « populisme » dont se réclament maints parmi nous. Celui-ci ne sépare jamais les affects et les raisonnements dans l’expression comme dans la captation du message politique. Pas plus que la poésie de Brassens ne se conçoit sans la musique qui la porte à l’oreille flattée ou à la raison qu’invoque l’humour ou le sens du texte.
Bien sûr, nous aurons eu comme d’habitude les jérémiades des pisse-vinaigres d’après lesquels nous aurions sacrifié le fond a la forme. Curieusement, ce fut aussi l’argument de Blanquer ce qui suffit à en situer le niveau. D’autres semblent découvrir à cette occasion ce que sont les coûts d’une campagne présidentielle quand la pose d’une simple pince lumineuse coûte 150 euros. Ils se gardent bien de nous dire à quel prix ils trouveraient l’addition justifiée et moralement acceptable. Tous peuvent se rassurer. Notre campagne prévoit un budget moyen final et par conséquent, ce qui est cher ou très cher et ensuite compensé par ce qui l’est moins ou pas du tout. En 2017 notre bilan fut celui du plus faible coût de campagne par électeurs. Jamais aucun compte en déficit n’a été présenté sous ma conduite depuis plus de trente ans de responsabilité politique et de compagnonnage politique avec Marie-Pierre Oprandi, la trésorière « historique » de notre longue marche depuis 2005.
Pour moi, pour l’équipe hors pair qui m’entoure, le résultat attendu est politique. À la gauche traditionnelle, crépusculaire, celle des salles glauques et des moulins à paroles sans âme, nous assumons préférer une mise en scène qui fonctionne comme un moment d’éducation populaire joyeux. Le tout organisé dans un authentique grand spectacle gratuit pour ceux qui s’y associent.
Le rassemblement de Nantes a bien accompli ce que nous attendions de lui et c’est ce qui compte. Après une rentrée très tôt dès le 3 janvier, il couronnait une semaine de dur combat avec le vote en accéléré du Passe-vaccinal. Notre groupe s’y est illustré par son activisme et sa pugnacité. Le déroulé de la semaine a permis plusieurs belles émissions de télé à plusieurs des députés Insoumis dans le même temps où ils se déployaient sur le front des luttes sociales.
Était-ce seulement un coup de préparation réussi après la séquence déjà très performante accomplie en Guadeloupe et Martinique ? Il fallait le vérifier. Le meeting de Strasbourg en fut le test ! Il prenait place dans la séquence du démarrage de la présidence française de l’Union européenne par Macron. L’enchaînement de coups fonctionna une fois de plus. Ce furent d’abord les interventions dans l’hémicycle européen, ma conférence de presse suivie par dix mille personnes présentes en même temps sur les réseaux sociaux et plus de cent mille visiteurs y passant dans le fil de sa durée. Puis vint le meeting qui remplit trois espaces m’obligeant à trois interventions successives. La comparaison avec le meeting d’EELV qui peina à rassembler plus de 250 personnes est probante. Il est vrai que les Verts n’ont aucune culture organisationnelle des pratiques de masse. Mais ils étaient dans une ville gagnée par eux aux municipales et un jour de présence de tout le groupe Vert au Parlement européen après une intervention de leur candidat devant le chef de l’État et concurrent. Je ne sais pas comment EELV interprète ce résultat. Pour ma part je l’enregistre par comparaison avec notre capacité à capter l’attention telle qu’on l’a observée par cette participation de masse. C’est elle qui est mise en relief et porte le sens de ce que nous faisons. La composition de la salle confirme l’impact de ce que nous cherchons à obtenir dans les secteurs de la population que nous visons. Nantes a ouvert un passage émotionnel et argumentaire. La brèche est bien là. Il s’agit de l’élargir pour que la pression sociale trouve un point de passage.