Le train Bordeaux-Paris devait partir avec une heure de retard. On s’était donc dépêchés pour rien. Car finalement il est parti à l’heure. On s’est réjoui. Mais les passagers du train précédent, annulé, étaient invités à « s’installer librement ». On a donc vécu pleinement la cohue et les mauvaises humeurs. Contrepartie : pas de contrôle du passe sanitaire ni des billets qui d’habitude aggravent la pagaille ordinaire. Installé dans un wagon largement rempli par les militants des équipes techniques en déplacement pour le meeting de Bordeaux, j’attendais avec patience et résignation le moment ou un « incident sur la voie » ou bien « un animal sur les rails » ou bien « une personne qui a fait un malaise dans le train précédent » viendrait compléter le chaos désormais traditionnel en train. Hélas, le système ferroviaire est bien sinistré par les exploits de la modernité néo-libérale. Mais je m’y tiens : pas d’avion, autant que possible.
J’ai eu le temps d’écouter le passage de Jadot sur France Inter. Désolant. Son propos et ses éléments de programme ne sont pas en cause dans mes raisons d’être affligé. C’est autre chose qui me désole. Pourquoi médit-il à notre sujet ? Pourquoi dit-il que nous voudrions « exploiter les grands fonds marins ou l’espace » quand tout ce j’ai pu présenter et détailler dit exactement le contraire ? Qui lui prépare ses fiches argumentaires ? Pourquoi ne vérifie-t-il pas ? Quel besoin de jeter du fiel pour s’affirmer ? Et ce sont encore les mêmes questions à propos de la Russie et de la Chine pour lesquelles il m’attribue une adhésion à leur régime politique. Comment se fait-il par exemple qu’il ait oublié ma cosignature avec Noël Mamère d’une pétition pour la libération des activistes de Greenpeace dont il était le directeur des campagnes ? Pourtant ils venaient d’être arrêtée en Russie pour avoir occupé une station de forage de pétrole en mer ! Pour ne dire que ça.
Pourquoi fait-il tout cela ? Imaginez que je l’accuse d’être muet sur Assange, sur le centre de torture de Guantanamo ou sur le blocus criminel contre Cuba ? Supposez que je mette en cause ses mouvements de menton bellicistes à propos de l’Ukraine et ses élans va-t-en guerre contre la Russie… Supposez que je relève l’étrange et unique référence faite dans toute la classe médiatico-politique qu’a faite Jadot en disant qu’il faut arrêter le projet de gazoduc avec la Russie « Northstream-2 ». Si je disais que seules les ambassades US l’auront noté comme un bon point de pure allégeance aux intérêts commerciaux américains. Pourtant même les Verts allemands tiennent à distance l’escalade sur ce point. Imaginez si je disais que ce propos signale l’influence des agences d’influence des USA ? Si je le faisais, je suppose qu’on lirait ensuite « Mélenchon tire à boulets rouges sur Jadot ». Lui peut me dénigrer sans être jamais interpellé sur le sens d’un tel niveau d’accusations infamantes et pourtant sans objet.
N’empêche : pourquoi quelqu’un d’instruit, de documenté fait-il cela ? C’est simple et on l’a entendu sur France inter. La médisance est une arme pour disqualifier plutôt que pour convaincre quand on ne peut pas le faire avec des arguments. Mais elle est ensuite un confortable abri. Un palais pour refuser ensuite de répondre à une question simple mais énorme: Yannick Jadot appellera-t-il à voter pour moi dans le cas où j’arriverai au second tour ? Quand la question lui est posée il répond avec ce chapelet d’insinuations sans fondement. Et le tour est joué. Bien sûr, aucun journaliste sur le plateau n’insiste. On ne voit pas tout de suite que la réponse est : non. Non point parce que Jadot est d’accord avec Hidalgo pour maintenir la retraite Sarkozy-Hollande à 62 ans pour 43 annuités. Ça ferait nul. Non : ce sera à cause de Poutine et de l’Ukraine… Alors tout est dit ? Non, je crois que la pression des gens documentés autour de lui qui a déjà donné ses fruits en produisant un beau tournant à propos de la planification ou de la nationalisation va continuer à s’exercer. Il le faudra bien. Si j’arrive au deuxième tour, je proposerai aux Verts de gouverner avec nous et donc de former une majorité parlementaire. Il me semble qu’ils y seront assez naturellement favorables.
Alors à quoi bon rendre l’ambiance glauque avant cela ? N’y a-t-il pas d’autres manière de valoriser nos différences ? Par exemple sur les traités Européens que Jadot soutient. Pourquoi ne le fait-il jamais en argumentant ? On peut faire une campagne positive sans agression mutuelle ? Car ne faudra-t-il pas rassembler après le deuxieme tour ? Fusse aux législatives au premier ou au deuxième tour ? Je crois exprimer un point de vue asse largement partagé. Car beaucoup de gens, même en désaccord avec nous, n’aiment plus cette ambiance de lynchage verbal avec des arguments de bas étages. Jadot devra renoncer bientôt à ces facilités, je l’espère. Parce qu’elle ne lui seront pas pardonnées par les électeurs qui réfléchissent de façon ouverte. Ceux-là ont déjà puni sévèrement le PS qui avait adopté le même choix de médisance à notre égard naguère et pendant les cinq années écoulées. Le PS ne s’arrêta même pas en constatant comment il avait encouragé la chasse de l’extrême droite contre l’« islamo-gauchisme » qui s’est abattue ensuite sur tous ceux qui refusaient la haine des musulmans. Faudra-t-il la guerre avec la Russie pour que tant de gens raisonnables le reste du temps réalisent ce qu’ils sont en train d’encourager ? La paix est un bien précieux dont nous sommes tous responsables. Pour le confort de la polémique contre moi, il vaudrait mieux éviter les surenchères verbales qui facilitent le travail des propagandistes en faveur de la guerre.