Le résultat du referendum en Nouvelle-Calédonie est une déception pour tous ceux qui croient à la nécessité d’une pleine souveraineté des populations de l’archipel. Je me suis déjà souvent exprimé dans ce sens. Je ne vous apprend rien en vous disant que je me suis lié à la lutte indépendantiste du vivant de Jean-Marie Tjibaou. C’était une époque d’affreuses violences coloniales. J’entrais dans le dossier dans un moment spécialement tendu. Les frères de Tjibaou avaient été assassinés sur une route et leurs assassins avaient bénéficié d’un non-lieu. La troupe cantonnait. C’était l’époque des violences unilatérales et des provocations les plus incroyables contre le mouvement kanak. La suite fut tout aussi douloureuse jusqu’au massacre de la grotte d’Ouvéa.
Les accords de Nouméa furent voulus et signés par tous les leaders du mouvement indépendantiste en même temps que par ceux du camp adverse que dominait alors la personnalité de Jacques Lafleur. Ces accords se présentaient comme une pause dans l’escalade des violences contre les Kanaks et un temps de préparation matérielle à l’exercice de la pleine souveraineté. Le temps a passé mais pas la profondeur du clivage qui partage les gens sur place. Le résultat du référendum en atteste. Le niveau du oui est bien au dessus de ce qu’annonçaient les sondages. Les tribus kanaks et les quartiers ont voté massivement pour le « oui » à l’indépendance. Mais elles n’ont pas compensé les votes contre l’indépendance des secteurs urbains. L’arrière plan social a tétanisé les esprits faisant craindre une catastrophe lourdement agitée pour effrayer. Pourtant la structure économique néo-coloniale est totalement responsable de la situation locale : la vie plus chère de 33% et de 73% pour les produits alimentaires, des salaires inférieurs de 20% et ainsi de suite, tout cela c’est du concentré du rapport social qui forme la trame économique du « Caillou ».
Quoi qu’il en soit, toute la situation nous impose un devoir de prudence dans la prise de parole et d’accompagnement respectueux de la décision prise dans les urnes. Pour autant, le plan de marche prévu par les accords doit être tenu tel quel sans remise en cause d’aucune sorte. C’est à ce prix que le processus de paix convenu entre les parties sera protégé et pourra produire tous ses effets bénéfiques. Les parlementaires de « la France insoumise » ont adressé aux populations qui se sont exprimées un salut républicain confiant dans l’avenir de la paix et de la souveraineté populaire. Sur place, les membres du mouvement se sont mis en mouvement dans une logique de solidarité maîtrisée mais profonde. Des extrémistes issus de la droite pensent faire de ce vote l’occasion d’une remise en cause du reste du calendrier fixé par les accords. C’est inutilement provocant. Et ce serait une grande erreur. Tant qu’un calendrier laisse ouverte la question du statut politique de l’archipel et donne des rendez-vous démocratiques, la paix est possible, la préparation est possible, le dialogue reste l’outil de la vie en commun. Il faut absolument tourner la page de la violence et de la contrainte qui a dominé les cent précédentes années. Quand une population se prononce de façon aussi claire mais assi partagée en quasi moitié, nul ne peut esperer contraindre qui que ce soit.