La nouvelle présidente de la CDU a répondu à la lettre de Macron aux Européens dans une tribune intitulée « Faire l’Europe comme il faut ». On attend donc la réponse, pour la France, du chef du parti majoritaire, Stanislas Guérini. Cette tribune a été publiée le jour où se discutait à l’Assemblée nationale une proposition de résolution sur un accord parlementaire franco-allemand et sur le Traité d’Aix-la-Chapelle. Bonjour le sens de l’humour ! Emmanuel Macron, quoi qu’on pense du contenu de son texte, avait pris soin de ne rien y intégrer qui puisse froisser les autres États européens. La cheffe des conservateurs allemands n’a pas cette délicatesse. Sa réponse au chef de l’État français sonne comme un rappel à l’ordre. Elle contient 17 points insupportables pour les Français et qui méritent d’être connus.
1. « Voulons-nous nous soumettre aux visions sociétales et politiques d’autres pays, ou bien voulons-nous défendre activement notre « European way of life », notre mode de vie européen, fait de démocratie représentative, de parlementarisme, d’État de droit, de libertés individuelles et d’économie sociale de marché, pour nous-même et dans le monde entier ? »
Pourquoi utiliser un tel anglicisme, inspiré d’une expression américaine, pour parler de l’Europe ? Et surtout, comme évoquer un mode de vie européen à protéger sans dire un mot de la misère sociale qui sévit sur notre continent ? Il y a dans l’Union européenne 87 millions de pauvres, plus de 16 millions de chômeurs. C’est la conséquence directe de l’ordolibéralisme que son pays a imposé partout en Europe. En Allemagne, Le taux de pauvreté a augmenté de 15% depuis 2006 et un retraité sur dix vit en dessous du seuil de pauvreté. Près de 5 millions de personnes sont employés dans un « mini-job », un emploi à temps partiel payé 450 euros par mois, sans cotisations sociales. Est-ce cela le « European way of life » ?
2. « Nous, les Européens, vivons dans l’une des régions les plus riches et les plus sures du monde, parce que nous réglons nos différends à la table des négociations, et parce qu’avec les relations étroites qui nous unissent au sein de l’Alliance transatlantique, nous avons érigé un mur de protection solide contre les menaces extérieures. »
La France, depuis le Général de Gaulle, se défend toute seule. Notre appartenance à « l’Alliance transatlantique » ne se justifie pas. Elle nous met dans le camp de ceux qui, comme Trump et madame Kramp-Karrenbauer, sont des semeurs de guerre par leur agressivité inutile contre la Russie. L’indépendantisme est la seule doctrine qui permettra à la France d’être une force de paix.
3. « Mais ce qui manque à l’Europe selon ses citoyens, ce sont la clarté, le cap, et la capacité d’agir sur des questions essentielles de notre époque ; la clarté quand l’Union européenne semble avoir besoin d’une éternité pour aboutir à une analyse commune des évènements qui se déroulent au Venezuela »
Le Venezuela est le seul exemple qui vient à son esprit. A-t-elle entendu parler d’un pays avec lequel nous partageons la mer Méditerranée et, pour les Français, de nombreuses famille ? Pour le peuple algérien, par exemple, il n’y a à ses yeux pas besoin de position commune rapide ?
4. « Dans le marché unique européen comme ailleurs, il faut produire des richesses avant de les distribuer . »
Quel truisme ! Ce sophisme a été utilisé mille fois pour justifier la casse des droits sociaux, la baisse des cotisations sociales et des impôts pour le capital, sans jamais donner résultat. En vérité, il faut bien redistribuer pour pouvoir produire car il n’existe pas de travailleurs sans salaire. Et rien d’autre ne créé de la richesse que le travail.
5. « Le centralisme européen, l’étatisme européen, la communautarisation des dettes, l’européanisation des systèmes de protection sociale et du salaire minimum seraient la mauvaise voie. »
Madame Kramp-Karrenbauer annonce qu’il n’y aura jamais d’harmonisation sociale ou fiscale en Europe. Donc la course au moins-disant va continuer. Elle pense répondre à Macron sur le salaire minimum mais il faut préciser qu’il ne l’avait pas proposé. Sa lettre parlait d’un « salaire minimum adapté à chaque pays ». Et même cela elle n’en veut pas !
6. « Avec quels systèmes intelligents voulons-nous nourrir des milliards de personnes et préserver la Création ? »
Pour les Français, il ne peut être fait usage d’un tel vocabulaire religieux en politique. La laïcité est, en République, une condition fondamentale du débat démocratique. L’Union européenne ne peut pas être chrétienne, pas plus qu’elle ne peut être musulmane, juive ou bouddhiste. La nature, en revanche, est un bien commun à préserver sur notre continent. Notamment en sortant des pesticides dont le champion est l’entreprise allemande Bayer-Monsanto qui use de toute son influence pour conserver le glyphosate.
7. « Mais elle doit donner à l’Europe les moyens d’agir de façon compétitive dans le monde, tandis que d’autres faussent la concurrence au moyen de mesures protectionnistes ou de monopoles d’État. »
Il faut des mesures protectionnistes, notamment en matière d’environnement. De même, le dogme de la concurrence n’est pas bon partout. Introduire la concurrence là où il y a des monopoles publics signifie le plus souvent briser des services publics.
8. « Il nous faut un pacte européen de protection du climat, négocié avec la participation d’acteurs européens et nationaux garants d’une légitimité démocratique, entre les entreprises, les salariés et la société. »
La survie de l’espèce humaine ne peut pas faire l’objet d’une négociation. C’est l’intérêt général humain. Il doit s’imposer aux intérêts particuliers et notamment ceux des multinationales.
9. « Chaque État membre doit apporter sa contribution à la lutte contre les causes des migrations, à la protection des frontières et à l’accueil des migrants. Mais plus il consacre d’efforts à l’un de ces domaines, moins sa contribution devra porter sur les autres champs d’action. »
L’entêtement dans l’Europe forteresse se paye au prix de milliers de morts noyés en Méditerranée. Pour en finir avec ce drame, il faut changer de politique commerciale et climatique avec les pays du Sud. De plus, les vies humaines ne peuvent être l’objet d’un sordide marchandage entre États européens. Avec cette proposition, les riches payeront leur inhumanité.
10. « L’UE devrait à l’avenir être représentée par un siège permanent commun au Conseil de sécurité des Nations Unies. »
Il ne peut pas en être question ! Cela reviendrait pour la France à abandonner son siège au conseil de sécurité. Cette place, nous la devons à l’Histoire et à notre statut. Dans le Traité d’Aix-la-Chapelle, l’Allemagne a obtenu que nous soutenions son accession comme membre permanent du Conseil. Et maintenant elle voudrait que nous renoncions à notre siège ?
11. « La prochaine étape pourrait consister en un projet hautement symbolique, la construction d’un porte-avions européen commun, pour souligner le rôle de l’Union européenne dans le monde en tant que puissance garante de sécurité et de paix. »
La paix ne se construit pas avec des porte-avions. Qui le commanderait ? Les armées des États européens sont différentes. Ce porte-avion soi-disant européen ne pourrait qu’être placé sous commandement américain. Ils ont déjà quarante navires en Méditerranée et c’est déjà trop.
12. « Dans l’intérêt des Africains comme dans notre propre intérêt, il nous faut établir un partenariat stratégique d’égal à égal. Concrètement, un tel partenariat peut aussi signifier que l’ouverture de notre marché aux produits agricoles africains et la baisse des règlementations et des subventions dans ce domaine ne doivent plus être des sujets tabous. »
Le libre-échange n’est pas le bon mode de coopération avec l’Afrique. Les accords de partenariat économique que nous imposons aux États africains provoquent la ruine sur ce continent. Il faut au contraire développer une intense coopération culturelle sur la base d’une relation d’égaux. La francophonie est un bon espace pour le faire.
13. « Nous devons aussi prendre des décisions trop longtemps différées et abolir les anachronismes. Cela vaut notamment pour le regroupement du Parlement européen en son siège à Bruxelles et pour l’imposition des revenus des fonctionnaires de l’UE. »
Encore une provocation contre le français. Le siège du Parlement européen à Strasbourg n’est pas un caprice. C’est un lieu symbolique, qui incarne la paix et les droits de l’Homme sur le continent européen.
14. « La cohésion de leurs sociétés rendues plus hétérogènes par l’immigration. »
En France, la cohésion de la société est donnée par son pacte politique républicain : « liberté, égalité, fraternité ». La couleur de peau, la religion, l’origine des personnes n’a rien à voir là-dedans. L’Europe ne peut pas se faire sur la base du Volkgeist allemand.
15. « Pour ce-faire, nous appuyant sur la tradition des Lumières et de la tolérance, nous devrions créer des « chaires Nathan le Sage » pour former nos propres imams et nos propres enseignants dans cet esprit. »
Voilà encore une proposition qui choque l’esprit français. Ce n’est pas à l’État de s’occuper de la formation des imams. Elle invoque l’œuvre « Nathan le sage » qui date de 1779. 10 ans plus tard, la Grande Révolution faisait advenir les lumières européennes, dont la laïcité est le produit.
16. « Nous devons nous atteler à la tâche maintenant, avec confiance, et ne pas laisser la crainte permanente des « populistes » entamer notre détermination. »
En Allemagne comme en France, la crainte des « populistes » signifie la crainte du peuple. La renaissance dont l’Europe a besoin est celle de la souveraineté de ses peuples.