Le 11 décembre, la nouvelle présidente de la Commission européenne présentait un projet de « pacte vert ». Elle ouvrait ainsi la première étape d’une bataille que les insoumis vont porter dans les prochains mois, au Parlement européen et à l’Assemblée nationale. Écologie populaire contre écologie de marché. Le plan présenté par la Commission européenne repose évidemment sur la métaphysique de la main invisible du marché. Une confiance aveugle des libéraux qui fonctionne comme une hallucination permanente. Ursula Van Der Leyen ne prévoit donc d’aucune façon de remettre en cause le libre-échange. C’est pourtant par là qu’il faudrait commencer. L’augmentation constante du transport de marchandises par bateau ou par avion n’est pas compatible avec l’extinction progressive de nos émissions de gaz à effet de serre. Le « deal » de la commission européenne se borne à proposer quelque chose qui existe déjà : l’inclusion d’un chapitre « développement durable » dans les accords commerciaux. Le CETA, avec le Canada, contient ce type de chapitre de bonnes intentions. Cela n’a pas empêché l’un des premières conséquences de ce traité d’avoir été l’augmentation de 50% des importations d’hydrocarbures canadiennes à effet de serre en Europe.
Sur le plan de la production interne, le document de la Commission continue dans la logique cynique du marché carbone. Son principe ? Vendre aux entreprises des droits à polluer qu’elles peuvent ensuite s’échanger entre elles. C’est n’avoir rien compris à la situation : 80% des hydrocarbures doivent rester sous la terre si on veut avoir une chance de limiter le réchauffement climatique. Il ne faudrait donc pas permettre d’acheter la possibilité d’émettre des gaz à effet de serre mais changer les procédés de production pour arrêter ces émissions. Le marché carbone européen aboutit à des résultats ubuesques. Ainsi, l’industrie du ciment est actuellement responsable de 8% des émissions carbones à échelle mondiale. Pourtant, en Europe, le marché des droits à polluer permet aux cimenteries de faire un profit de 5 milliards d’euros par an.
Sur les transports, l’hypocrisie du projet de Van Der Leyen est au paroxysme. En apparence, elle fixe un objectif ambitieux : faire passer 75% du transport routier vers le rail. Mais qui dans les deux dernières décennies a détruit les entreprises publiques du rail en Europe, au bénéfice d’un report sur la route ? C’est l’Union européenne et ses directives de mise en concurrence. Or, il n’y a pas la moindre critique sur ces directives, ni surtout le début d’un recadrage. En France, en 2006, le fret ferroviaire a été ouvert à la concurrence sur injonction européenne. Depuis, la part du rail dans le transport de marchandises a reculé de 20%. La main invisible du marché n’est pas capable de faire passer des milliers de camions sur des trains. Mais elle sait faire l’inverse comme le montre l’exemple français. Cela suppose une planification et donc, des outils puissants à disposition de l’État comme le monopole sur le rail.
Même les objectifs ambitieux affichés par la Commission pour faire la propagande de son plan cachent des entourloupes. Ainsi, elle propose la « neutralité carbone » de l’Union européenne en 2050. Ce concept permet en théorie de compenser certaines émissions par des techniques de séquestration et de captation du carbone. Mais ces techniques pour l’instant ne sont pas au point. Qui est capable de dire quand elles le seront ? Elles jouent plutôt le rôle de prétexte pour les gros pollueurs qui ne veulent pas réduire leurs émissions. On sent ici la patte de la droite allemande sur le projet. Pas question pour Ursula Van der Leyen de taper trop durement les mines de charbon de son pays. Les députés européens France insoumise défendent un autre objectif, plus clair : 100% d’énergies renouvelables en Europe d’ici 2050. Ce qui implique pour l’Allemagne de sortir du charbon et pour la France, de sortir du nucléaire.
La condition sine qua non pour suivre une telle trajectoire est de jeter à la poubelle les règles budgétaires imposées par les traités européens aux États. Mais bien sûr, de cela, il n’est pas question. On note au passage encore une fois le peu d’influence de Macron. Il a quand même déclaré il y a à peine un mois dans « The Economist » que « la règle des 3% appartient au siècle dernier ». Mais apparemment, la présidente de la Commission européenne n’en a rien à faire. Elle reste accrochée aux règles de l’austérité permanente pour l’Union européenne. Mais pouvait-il vraiment s’attendre à autre chose en acceptant la candidate de Merkel pour ce poste ? Toujours est-il qu’il manque 30 milliards d’euros d’investissements par an dans la transition écologique, rien que pour la France. Et cela pour être seulement au niveau des accords de Paris. Ce qui n’est pas non plus le top niveau.
Les députés européens insoumis ont, dans leurs interventions au parlement de Strasbourg, dénoncé ce pacte de l’écologie de marché. Le groupe dont ils font partie a fait de nombreuses contrepropositions dont l’instauration d’un protectionnisme solidaire, la fin des directives de libéralisation dans le domaine de l’énergie, la réforme de la politique agricole commune. Manuel Bompard a été à l’initiative d’un large colloque sur une politique industrielle de planification écologique en Europe. Nous menons cette bataille aussi en France, à l’Assemblée nationale. Mathilde Panot et Danièle Obono présenteront l’année prochaine un « pacte des jours heureux ». Contrairement à Macron et Von der Leyen, il sera basé sur les principes de l’écologie populaire. Pour faire la conversion de nos systèmes de production, de consommation et d’échange, nous avons besoin de plus d’État, de plus de solidarité, de plus d’entraide. Le but est de parvenir au plus tôt et au plus clair à une confrontation de projets qui soit le cœur du débat. Face à la catastrophe du réchauffement climatique quelle logique : tous ensemble ou chacun pour soi ?