Tribune publiée dans Libération le 21 janvier 2021 par Raquel Garrido, avocate, éditorialiste et Pierre-Yves Cadalen, docteur en science politique, co-animateur du livret Constituante de la France insoumise.
Le Président Macron vient de faire un pas de plus pour affirmer le peu de cas qu’il fait de l’expression réelle de la souveraineté populaire : il vient de décider, si l’on en croit France Inter repris par France Culture ce 19 janvier, que le scrutin pour élire l’Assemblée nationale resterait le même. Le scrutin majoritaire à deux tours a pour effet direct de priver des millions de Français de représentation politique. Il conforte la dynamique présidentielle, d’autant que les élections législatives suivent la présidentielle. Mais ce scrutin se joue également au gré des découpages de circonscriptions. Dans le cas d’un scrutin proportionnel par département, cette question se poserait avec moins d’acuité : on ne va pas changer les frontières des départements tous les cinq ans pour le bon plaisir du Prince !
Cela s’inscrit dans un contexte où cette promesse trahie ne dépare pas. La politique de Macron est une défiance permanente vis-à-vis de la démocratie. Dans un entretien au Grand Continent donné le 16 novembre 2020, il fait sans rire savoir que «la souveraineté populaire démocratique est un trésor à garder précieusement». Sans doute confondait-il «garder» et «cacher» : venant d’un adepte du passage en force et de la répression des mouvements sociaux, la phrase prête en effet à sourire. Alors qu’il vilipende dans cet entretien les traités de libre-échange adoptés sous son mandat, comme celui avec le Canada, la blague est sordide et son attachement à la souveraineté populaire inexistant. Entre les entraves objectives à la souveraineté posées par cette politique à tous crins en faveur du libre-échange, et les mains arrachées de gilets jaunes, l’hypocrisie règne.
La proportionnelle repose sur le principe d’une représentation plus diverse des citoyens. Elle permettrait en partie de renouer le lien distendu entre les institutions et les citoyens. L’abandon par Macron de cette promesse de campagne est donc un signal clair, une volonté mesurée de conserver une rigidité institutionnelle et un Parlement séparé de la masse des concitoyens. Mais un Parlement affaibli et un président omnipotent forment la pire des recettes pour une démocratie. C’est le début de son effondrement.
Explorer d’autres voies alternatives de vote
Il faut, au contraire, revitaliser la démocratie et nos institutions. La proportionnelle est certes une idée intéressante. D’autres pourraient également être soulevées, puisque de multiples manières de voter existent. L’expérience menée par des chercheurs du CNRS, «Voter autrement», a montré que des voies alternatives de vote – scrutin préférentiel par exemple, en ordonnant les candidats par ordre de préférence – ont des avantages certains sur le plan démocratique. Cela écrit, nous ne pouvons dépendre pour qu’évolue notre démocratie du seul bon vouloir d’un comité d’experts qui trancherait à notre place de ce qu’il faudrait faire; ou, comme c’est désormais le cas, d’un Président qui ne ferait rien du tout.
C’est pourquoi la proposition défendue par Jean-Luc Mélenchon, au cœur de sa démarche présentée sur
noussommespour.fr, est seule à tenir la route sur le plan démocratique. Il faut convoquer dans ce pays, dès 2022, une assemblée constituante. Elle discutera de la réorganisation générale des pouvoirs, établira le référendum d’initiative citoyenne, et ôtera au Président ses pouvoirs démesurés qui échappent à tout contrôle. Du reste, nous pourrons alors discuter des modes de scrutin, voire des manières de voter, qu’il faut adopter. Et, à ce moment, le peuple tranchera.
Car si nous devons
«garder précieusement la souveraineté populaire démocratique», il n’y a qu’un seul moyen, peu importe Jupiter : l’exercer pleinement en redéfinissant les règles du jeu politique.