Macron se sert de la crise pour faire avancer sa vision néolibérale de la société. son plan de relance n’en est pas un. Il se situe dans la continuité de la politique de l’offre menée depuis hollande. Cela consiste à déverser sur les entreprises, et plus particulièrement les grandes, des milliards d’euros sans contreparties. C’est le cas du plus gros morceau de ce plan : une baisse de 20 milliards d’euros sur des impôts payés par les entreprises servant au financement des services publics locaux. Quand on gratte le vernis de la communication, tout est sur le même moule.
Ainsi, le gouvernement prévoit de faire un chèque de 5000 euros à toutes les entreprises qui embauchent un apprenti mineur et de 8000 euros pour celles qui embauchent un apprenti majeur. Même les plus grosses boîtes du CAC 40 peuvent toucher cette nouvelle aide à condition qu’elles aient au moins 5% d’apprentis. À la clef, donc, encore de l’argent public pour les entreprises. Mais aucune garantie n’est demandée par exemple sur l’embauche en CDI à la fin du contrat d’apprentissage. Cette aide crée donc un effet d’aubaine. Des patrons embaucheront un apprenti là où ils auraient choisi un contrat classique sans ce gain financier.
Cette mesure colle en tout cas avec l’appétence des libéraux et du patronat pour l’apprentissage à tout prix comme méthode de formation professionnelle. Ce dogme ne repose sur rien de rationnel. Dans certain cas, l’apprentissage peut être utile. Mais dans bien d’autres, les méthodes des lycées professionnels le sont davantage. D’ailleurs 28% des contrats d’apprentissage se finissent par une rupture anticipée. dans certains secteurs comme l’hôtellerie, cela va jusqu’à 50%. Macron pousse l’apprentissage par simple idéologie. Dans sa tête, une entreprise privée, c’est forcément mieux qu’une école. Il pense pour les métiers qu’il méprise qu’il ne s’agit que d’apprendre des gestes répétitifs. Il n’imagine pas ce qu’est réellement une qualification professionnelle, les connaissances théoriques que cela implique.
Il y a deux ans, il a fait passer la loi « avenir professionnel ». Elle a dégradé la condition des apprentis. La durée maximale du travail a été passée de 35 heures à 40 heures par semaine. Les conditions dans lesquels le travail de nuit est autorisé ont été assouplies. Le but est de faire des apprentis une main d’œuvre bon marché et rien de plus. Car un apprenti coûte pour un patron entre 25% et 80% du SMIC. Le plan de relance finance donc pour les jeunes des formations mal payées, et qui se soldent souvent par un échec.
Mais la lutte acharnée pour le développement absolu de l’apprentissage contient aussi le projet néolibéral pour l’éducation. Il s’agit de confier in fine la formation professionnelle entièrement au marché et au secteur privé. La loi « Avenir professionnel » a totalement dérégulé la création des centres de formation des apprentis (CFA). Il n’y a plus d’autorisation préalable à la création des CFA, ce qui signifie aussi qu’il n’y a plus de coordination par les pouvoirs publics en fonction des besoins identifiés. Par ailleurs, le financement des CFA dépend désormais entièrement du nombre d’apprentis inscrits. C’est une sorte de tarification à l’acte pour la formation professionnelle. l’effet concret est d’exacerber la concurrence entre CFA.
Certaines formations commencent déjà à disparaitre faute de financements. Les CFA, dans cette nouvelle jungle, sont de plus en plus obligés de suivre les besoins à court terme des employeurs de leur bassin d’emploi. On se prive alors d’une vision à moyen et long terme et d’une vision nationale des besoins en formation professionnelle. Certaines zones rurales vont devenir des déserts de formations. Qui prendra alors le relai ? Les grandes entreprises privées elles-mêmes. Elle créeront leurs propres centres de formation internes parce qu’elle en ont les moyens. Elles y délivreront un enseignement qui ne correspondra qu’à leurs propres besoins et donc enfermeront les travailleurs. La bifurcation écologique ne peut pas se faire dans ces conditions. Elle nécessite au contraire un haut niveau de qualifications qui ne peut être atteint que par notre système public d’enseignement professionnel.