J’avais d’abord reçu l’invitation des Boliviens depuis leur incroyable victoire électorale. On se souvient que le candidat de notre famille politique avait battu dès le premier tour tous les candidats des USA et ceux des putschistes. Ces derniers avaient pourtant persécuté avec cruauté les militants, procédé à des pogroms d’Indiens et combien d’horreurs encore, sous la houlette d’une putschiste qui avait exhibé une bible comme drapeau. On imagine ce qui se serait passé si cela avait été un Coran ! Mais toutes les bonnes consciences étaient aux abonnés absents. Le choix fut fait par nos amis boliviens de ne pas riposter sur le terrain des violences. Ils allèrent aux urnes dès que cela fut possible. Ce fut là une extraordinaire leçon de sang-froid politique. Et un enseignement précieux sur le maniement de la non-violence comme stratégie. Cela dans le pays où le Che est mort dans l’échec de la stratégie de la guerre de guérilla révolutionnaire.
Le jour de l’investiture du nouveau président, j’étais cloué à l’Assemblée. On décida d’y mandater la vice-présidente de notre groupe parlementaire, Mathilde Panot, pour afficher notre respect et notre soutien complet. Mathilde y fut reçue en grand. Mais sa surprise glacée fut de constater qu’aucun parti de la gauche traditionnelle française n’avait fait le déplacement ! Comme il est loin le temps du discours de Cancún du président Mitterrand ! Je n’en dis pas plus. L’invitation actuelle de la présidence bolivienne est pour la journée de la Terre. Le 22 avril. J’y reviendrai dans mon prochain post.
Pour l’heure je suis en Équateur. L’invitation m’a été faite par la Gouverneure de la Province de Pichincha, région capitale. Cette femme jeune gouverne avec un bracelet de surveillance électronique à la cheville. Tel est son sort depuis sa condamnation sous un de ces prétextes dont sont devenus si friands les libéraux autoritaires. Cette humiliation ne déshonore que ses persécuteurs. J’ai établi le contact avec elle de longue main dans le cadre de notre forum mondial contre le « lawfare ». Il regroupe les militants et les juristes qui se battent contre l’instrumentalisation politique de la justice dans divers pays du monde.
Car en Équateur aussi les persécutions judiciaires ont été à bon train contre les nôtres. Comme d’habitude, tous les pouvoirs trouvent toujours des magistrats pour habiller de verbeux motifs juridiques les plus absurdes accusations. On a vu comment au Brésil le juge Moro avait fait écrouer l’ex-président Lula pour l’empêcher d’être candidat à la présidentielle. Aucune preuve matérielle de quoi que ce soit. Seulement des « intuitions ». Et on se souvient que le parquet français avait envoyé le juge Perrault, celui qui a effectué la perquisition à mon domicile, en mission « d’échange de bonnes pratiques » auprès de ce juge brésilien voyou. On ne saura jamais quelles « bonnes pratiques » il aura recommandé a son retour. Depuis, les juges brésiliens ont refusé de continuer à faire la sale besogne. L’image donnée au plan l’international de la justice brésilienne par de tels procédés leur faisait honte. Lula a été relevé de toutes les accusations et le juge Moro désavoué. Peut-être sera-t-il à son tour jugé un jour pour sa forfaiture.
Mais avant que de tels retournements se produisent combien faut-il de patience et d’endurance. Nos camarades équatoriens n’en ont pas manqué. Car ils ont pris cher. 18 chefs d’inculpation ont été lancés contre Rafael Correa, l’ancien président, pour lui interdire de se présenter à cette élection présidentielle. Nombre de nos amis ont dû s’exiler en vitesse au Mexique. Des dizaines d’autres font l’objet de procédures coûteuses et obsédantes. Certains vivent sous la menace d’amendes colossales. Parfois la cruauté de la méthode est encore plus extravagante. Elle consiste a décréter que tel ou tel décideur n’a pas respecté telle ou telle mesure administrative. Il lui est alors demandé de rembourser les sommes engagées par l’État sous sa signature. Un exemple hallucinant dans ce domaine est la demande à 4 décideurs de rembourser les 5 milliards qu’est réputé avoir coûté l’accueil de Assange dans l’ambassade d’Équateur en Angleterre ! J’ai rencontré plusieurs des victimes de ces méthodes. Mais ma pensée se tourne surtout vers Rafael Correa. Contraint à l’exil, vivant chichement, écrasé de procédures iniques, il tient bon et il aura mené le combat sans faiblir depuis la Belgique.
Toutes les victimes de justice politique sur place sont aussi à la fois rudement éprouvées et absolument déterminées. D’autres ont été mises en prison sous les prétextes les plus vils. Puis les nôtres se virent refuser de pouvoir être candidats à l’élection. Si bien qu’il fallut qu’ils adhèrent à un parti du « centre démocratique » existant pour pouvoir continuer le combat. L’élection avait lieu ce mois-ci. Mais la candidature d’Andres Arrauz n’a été validée que le 25 décembre dernier. Je passe ici les incroyables aventures et rebondissements qu’il fallut surmonter pour parvenir jusqu’au point où nous voici.
Au fil du temps, j’ai ainsi beaucoup appris de mes amis équatoriens. Et aussi du sang froid d’Andres Arauz, impressionnant de détermination dans les moments les plus tendus. Son jeune âge, trente-cinq ans ne le rend que plus admirable alors qu’il affrontait autant d’imprévus de menaces et de pièges sournois ou violents. La préparation du second tour fut également une suite ininterrompue de rebondissements et de traquenards. Jusqu’au jour du vote où les « mauvaises rumeurs » ont continué ainsi qu’une campagne téléphonique incroyable orchestrée depuis les Philippines. La totalité des médias nationaux papier ou audiovisuels s’est prononcé contre lui. Les 5 autres candidats du premier tour ont pris parti pour le candidat de droite. Le Vert, lui, appela carrément à voter nul. Cette décision a fait la différence. La droite est passée. C’est donc un exploit que de finir à 48 %, seuls contre tous. Bien sûr j’y reviendrai. Mais peut-être dois-je attendre d’être sorti du territoire équatorien.
Ce matin mardi, surlendemain de défaite 25 perquisitions ont eu lieu, sur l’ordre de la responsable du parquet national. Le malaise ne se dissipe pas facilement. Andrés Arauz a reconnu son échec. Il a appelé comme l’ancien Président Rafael Correa à la fin des persécutions judiciaires contre les opposants. À l’heure à laquelle j’écris, la possibilité d’un compromis et d’un retour à la normale sur ce point semble encore possible avec le nouveau président. Mais il n’entre pas en fonction avant mai prochain.