À l’occasion de la visite du président Macron au Rwanda, Bastien Lachaud et moi nous sommes exprimés à la suite du discours du président français. Nous avons tenu compte de nombreux impératifs moraux et politiques dans un dossier que lui et moi connaissons mieux que d’autres. Il fallait refuser de contourner la lourde question de la nature des responsabilités des gouvernements de notre pays dans le génocide des Tutsis rwandais. Le dernier rapport sur le sujet exclut sans ambiguïté une participation et même une complicité de la France dans le massacre. Reconnaître nos responsabilités n’est donc pas faire acte de « repentance » comme l’a dit stupidement madame Le Pen. C’est prendre la mesure de ce que coûtent des erreurs d’évaluations, l’interventionnisme permanent et le soutien à des dictateurs détestés.
La formation militaire des génocidaires a bel et bien été assurée par notre pays. Comment se fait-il que nous n’ayons pas pressenti ce qu’ils feraient ensuite de ce qu’ils ont appris ? Quoiqu’il en soit cela ne suffit pas pour accuser l’armée et les militaires de notre pays d’un crime aussi abominable qui ne correspond à rien de l’éthique et de la réalité de nos armées. Mais surtout cela ne peut suffire à exempter de ses propres responsabilités présentes et passées le régime autoritaire de monsieur Paul Kagame, l’actuel président à vie du Rwanda. Au total, rien ne doit être oublié si l’on veut réellement que nous sachions comment changer de comportement sur le continent africain.
Au Rwanda, il ne faut donc rien oublier de l’ensemble des évènements qui ont eu lieu, du génocide au Rwanda même jusqu’aux massacres en RDC ensuite. Nous partageons donc la formulation du président français Emmanuel Macron pour les phrases suivantes : « En s’engageant dès 1990 dans un conflit où elle n’avait aucune antériorité, la France n’a pas su entendre la voix de ceux qui l’avaient mise en garde. Ou bien peut-être a-t-elle surestimé sa force en pensant pouvoir arrêter ce qui était déjà à l’œuvre. La France n’a pas compris qu’en voulant faire obstacle à un conflit régional ou une guerre civile elle restait de fait aux côtés d’un régime génocidaire. En ignorant les alertes des plus lucides observateurs la France endossait alors une responsabilité accablante dans un engrenage qui a abouti au pire alors même qu’elle cherchait précisément à l’éviter. À Arusha, en août 1993, la France pensait aux côtés des Africains avoir arraché la paix. Ses diplomates y avaient œuvré, persuadés que le compromis et le partage du pouvoir pouvaient prévaloir. Ces efforts étaient louables et courageux, mais ils ont été balayés par une mécanique génocidaire qui ne voulait aucune entrave à sa monstrueuse planification. En 1994, quand les bourreaux commencèrent ce qu’ils appelaient odieusement leur « travail » la communauté internationale mit 3 interminables mois avant de réagir. ».
Cette amende honorable est juste et bien calibrée. Mais à ce constat il faut ajouter des demandes d’actions pressantes. Il faut en effet que les responsables notoires du génocide des Tutsis qui vivent encore en France soient jugés pour leurs crimes ! Et nous voulons que soit rouverte l’enquête aujourd’hui sans résultat sur les criminels qui ont abattu, le 6 avril 1994, l’avion transportant les deux présidents, celui du Rwanda Juvénal Habyarimana et celui du Burundi Cyprien Ntaryamira. Et aussi évidemment sur la mort des deux pilotes français de cet avion. Cet acte servit de prétexte aux évènements sanglants qui ont suivi, dont le génocide au Rwanda et le massacre au Congo. Il ne peut être question d’effacer la responsabilité des commanditaires, quels qu’ils soient et de leurs agents d’exécution.
Les circonstances de cette période forment un tout. Pour qu’une page soit tournée, pour que les blessures aussi béantes soient elles se referment, il faut qu’il y ait justice. Il faut qu’il y ait justice pour toutes les victimes du génocide des Tutsis ! Et pour cela, il faut que les génocidaires hutus qui coulent encore des jours heureux en France (notamment la veuve du président rwandais Habyarimana) puissent être jugés pour leurs crimes. Car cet attentat a servi de prétexte à l’effroyable tuerie d’un million d’innocents. Il faut que la vérité émerge, quelle qu’elle soit. Nous la devons aux familles des pilotes français de l’avion présidentiel, qui attendent que toute la lumière soit faite depuis vingt-six longues années. Il faut qu’il y ait justice pour René Maïer et Alain Didot, gendarmes français assassinés dans des circonstances troubles dans les premiers jours du génocide. Il faut enfin qu’il y ait justice pour les centaines de milliers de victimes des massacres qui se sont déroulés en RDC à la fin des années 1990. La responsabilité de l’armée rwandaise de Paul Kagamé dans une partie de ces massacres est minutieusement documentée par le rapport Mapping de l’ONU, rapport défendu par le prix Nobel de la paix congolais, le docteur Mukwege. Or, Paul Kagamé continue à ignorer ces crimes de masse.
Les insoumis plaident, au Rwanda comme ailleurs, pour la vérité, la responsabilité et la liberté, aux côtés de tous ceux qui la revendiquent ici et sur place. Admettre les responsabilités du gouvernement français de l’époque au Rwanda est une chose très importante. Tirer les leçons pour l’avenir dans nos relations avec l’Afrique en est une autre tout aussi fondamentale.