Étrange Hidalgo
En attendant le résultat du vote EELV, on peut saluer le panache qu’il y avait pour eux à débattre publiquement en offrant au regard un tel écart de positionnements respectifs. Mais c’est le lancement de la campagne d’Anne Hidalgo qui donne pour l’instant le plus à penser. On sait qu’elle ouvrait la compétition pour le leadership du centre gauche en panne de moteur dans notre pays. C’était donc un moment important. Il faut bien admettre que cela n’aura guère imprimé sur le fond maussade de l’opinion du pays.
On aura noté l’étrange changement de pied du passage de TF1 annoncé à celui sur France 2. L’accueil n’y a pas été d’une grande bienveillance, on peut le dire. Mais de son côté la candidate semblait enfermée dans une bulle temporelle langagière des années 2000. l’entendre dire, à huit mois de l’élection qu’elle allait « écouter les Français » lui donnait un côté assez hors sol des convulsions qui animent les Français depuis maintenant quatre ans de Macron. Surtout assorti de l’annonce que son programme ne serait pas disponible avant décembre, trois mois et demi avant l’élection. Avant cela, on avait assisté a un discours depuis Rouen d’une facture technique des plus approximative pour ce qui est de la réalisation.
On se perd donc en conjonctures pour expliquer cette façon d’agir. L’amateurisme et l’impréparation peuvent être avancé compte tenu de l’état de délabrement des équipes du PS visible depuis 2017 (inclus). Et surtout du fait que du peu qu’il leur reste, il semble bien qu’elle ne veuille pas faire grand usage. J’ai noté sa difficulté face à Delahousse qui l’interrogeait sur ce point quand elle aurait dû assumer le soutien du PS. Je l’avais bien noté. Mais en la voyant refuser d’aller au congrès du PS préférant « parler aux Français », les bras m’en sont tombé. Refuser d’aller au congrès qui l’investit ! C’est du sans précédent dans l’histoire de ce parti. Quel mépris pour les malheureux militants de ce parti ! Et pour l’histoire de ce parti ! Même de loin ça ne laisse pas insensible. Tout ça pour une posture de communication : « parler aux Français plutôt qu’aux militants »… Ca commence bien ! Il faut pourtant espérer que la suite permette néanmoins le débat avec le Parti socialiste et son programme car l’élection présidentielle ne peut pas se résumer à une addition de monologues. Mais quand même : étrange Hidalgo.
L’insécurité est le sujet numéro un permanent. C’est un fonds de commerce bien achalandé dans l’espace médiatique. C’est aussi le carburant officiel de nombreux candidats à l’élection présidentielle. On connaît. Mais une insécurité peut en cacher une autre. Pour ma part, j’entends tirer la sonnette d’alarme au sujet d’une insécurité majeure bien moins souvent évoquée : l’insécurité alimentaire. D’après le Secours Populaire, 8 millions de Français sont touchés. Concrètement, une personne sur huit n’a pas la possibilité de se procurer une alimentation de qualité et/ou en quantité suffisante. Peut-on regarder a côté ?
Je crois important de prendre la mesure de la crise alimentaire qui frappe le pays. La faim ne se contente pas de frapper aux portes de la cinquième puissance mondiale. Elle est désormais bien installée. Le dernier baromètre du Secours Populaire indique que la situation s’est aggravée. En 2018 déjà, une personne interrogée sur cinq déclarait ne pas pouvoir se procurer une alimentation saine lui permettant de faire trois repas par jour. En 2021, c’est pire : près d’une sur trois.
Il faut étudier de près la situation pour comprendre l’ampleur du désastre. C’est d’abord une question de quantité. Ainsi, le Secours Populaire révèle qu’un Français sur cinq saute des repas pour des raisons financières. C’est le cas pour près de la moitié des ménages ayant des revenus mensuels inférieurs au SMIC. Les jeunes non plus ne sont pas épargnés : un tiers des moins de 35 ans et un étudiant sur deux n’ont d’autre choix que de sauter des repas.
La précarité alimentaire est aussi une question de qualité. En effet, un tiers des Français ne peuvent pas consommer des fruits et des légumes frais tous les jours. Encore une fois, certains publics sont particulièrement concernés. Ainsi, la moitié des enfants consommaient moins de 2 fruits et légumes par jour. On retrouve là encore les étudiants : selon une étude réalisée cet été, sept étudiants sur dix ne peuvent s’acheter ni viande ni poisson. Et la moitié n’achètent quasi jamais de fruits.
Évidemment, tout cela est lié à l’état de pauvreté générale croissante du pays. On compte désormais 10 millions de pauvre et six millions de chômeurs. Mécaniquement, la carte de la pauvreté se superpose à celle de la précarité alimentaire. Ainsi, parmi les bénéficiaires de l’aide alimentaire, la moitié sont des femmes et un tiers sont des enfants. Sans surprise, les mêmes fournissent les gros bataillons de la pauvreté. Le covid-19 n’a fait qu’aggraver leur situation. Mais la pandémie a bon dos.
C’est avant tout une question économique, et donc sociale. L’agro-industrie n’a pas pour objectif de nourrir l’humanité. Son obsession, c’est la réduction des coûts pour toujours plus de profits. Les fermes-usines nous ont fait entrer dans l’ère des pandémies. L’illusion productiviste maintient un agriculteur français sur cinq sous le seuil de pauvreté tandis que la moitié des fruits et légumes sont importés. La grande distribution s’octroie des marges de près de 40% sur les pâtes ou le café. En bout de chaîne, le consommateur, est réduit, faute d’argent, à choisir le moindre coût, c’est-à-dire des produits parfois bien dangereux pour la santé et l’environnement. Le tout, influencé par 15 000 stimulis publicitaires par jour, 338 additifs alimentaires et des taux de sucre et de sel très lourds. Le désastre est complet.
Le pays est désormais en état d’insécurité alimentaire collective. Premièrement l’insécurité est collective car les conséquences sanitaires de la malbouffe se sont répandues dans la population au point de devenir des vraies épidémies. Je parle ici de l’obésité, du diabète, des cancers, etc. Le nombre d’obèses a par exemple doublé en un quart de siècle. Deuxièmement, elle est collective car ces fléaux suivent la progression des inégalités sociales. Ainsi, l’obésité est 4 fois plus importante chez les enfants d’ouvriers que chez les enfants de cadres. La pandémie a révélé combien la pauvreté, et donc l’insécurité alimentaire, sont un terrain d’exposition au virus. Par exemple, la Seine-Saint-Denis est le troisième département de l’hexagone le plus touché par le diabète. Un puissant facteur de co-morbidité en pandémie. Le département a atteint un taux record de surmortalité durant la première vague.
Elle est collective aussi car les coûts sont supportés par tous. Sauf bien sûr par ceux qui en tirent un maximum de profit. Ainsi, dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire réalisée en 2018, le député Loïc Prud’homme a évalué le coût collectif de la malbouffe à 50 milliards par an. Cela représente cinq fois le budget de la PAC en France et 30 fois le coût du dispositif d’aide alimentaire. Telle est l’équation de l’absurde ! Il faut désormais frapper fort. Je le dis : il est possible de reprendre le contrôle de la production pour manger tous et manger mieux. Je propose pour cela une loi de sécurité sanitaire. Concrètement, nous avons besoin d’un ministère de la Production alimentaire avec des objectifs quantitatifs et qualitatifs.
D’abord, pour produire en France et nourrir le pays, il faut 300 000 paysans ! Pour les trouver nous devons faire une réforme agraire. Il s’agit de réserver des surfaces prises aux grandes exploitations à de jeunes agriculteurs pour qu’ils s’installent. Nous interdirons les fermes-usines et donnerons la priorité aux culture vivrières. Il faut aussi aider ceux pris en étau par l’agro-industrie. Pour cela, je propose de geler les dettes des paysans qui passent au 100% bio.
Manger mieux et tous c’est possible tout de suite. Nous avons déjà fait plusieurs propositions de sécurité alimentaire: interdire les produits les plus dangereux tels le glyphosate et les néonicotinoïdes, mettre un terme au modèle des fermes-usines, interdire la publicité alimentaire à destination des enfants, limiter les additifs à ceux utilisés en agriculture biologique mais aussi rationner le sucre et le sel dans l’alimentation selon les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé. Les macronistes les ont toutes rejetées.
Pour garantir l’accès de tous à l’alimentation, des mesures urgentes sont également nécessaires. Je propose pour cela cinq fruits et légumes à petit prix bloqués. Bien sûr, il faut aussi garantir un prix suffisant aux paysans et empêcher les marges indues de la grande distribution. Pour cela, une solution existe : l’encadrement des prix par un coefficient multiplicateur. Enfin, la cantine scolaire est un outil formidable pour garantir l’accès des plus jeunes à la nourriture. Viser 100% bio et apprendre à manger moins de protéines animales sont des objectifs d’intérêt général.
On ne va pas passer la campagne à parler sécurité et immigration. C’est la vie quotidienne qu’il faut poser sur la table. Et faire table rase de tout ce qui produit l’insécurité alimentaire. Une election aussi centrale que la présidentielle ne doit pas être gâchée. Il faut faire les grand choix.
« Face à la flambée des prix du gaz et de l’électricité, le gouvernement envisagerait d’augmenter le chèque énergie » nous apprend le journal Les Echos. Il serait effectivement temps qu’ils s’inquiètent ! En effet, ces derniers mois, tous les prix flambent. Le gaz a augmenté de 30% depuis mai dernier. Rien qu’au mois de septembre, il a bondi de 8%. Depuis le début de l’année, l’électricité a augmenté de « seulement » +3%. Mais une hausse de tarif est déjà annoncée pour le début d’année prochaine : +7% à +8% !
Il faut mesurer l’insupportable quotidien que cela représente pour un nombre croissant de Français. Le baromètre annuel du Secours Populaire, paru la semaine dernière, en donne une indication très précise. La précarité s’installe partout. En effet, plus de la moitié des personnes interrogées déclarent connaître des personnes en situation de pauvreté et une sur cinq en compter dans sa propre famille ou parmi ses proches.
Concrètement, 36% des personnes interrogées déclarent avoir des difficultés à payer leurs factures d’énergie. En 2020, c’était « seulement » 1 personne sur 4. Et c’était déjà trop. Le pays compte 5 millions de passoires thermiques. La précarité énergétique s’étend et touche désormais des publics de plus en plus jeunes. En 2020, selon les données du Médiateur National de l’Energie, la moitié des Français ont restreint leur chauffage pour contenir leurs factures.
Les plus jeunes sont aussi concernés. Parmi les 18-34 ans, les deux tiers se sont privés et un sur cinq a subi une coupure suite à des difficultés de paiement. Pour ceux qui sont déjà sous le seuil de pauvreté, cela devient une question de vie ou de mort. Les deux tiers d’entre eux ne savent plus « sur quelles dépenses faire des compromis car ils ont déjà réduit tout ce qui pouvait l’être » nous alerte le Secours Populaire. Voilà pourquoi je réclame une loi d’urgence sociale incluant le blocage des prix.
Il faut croire que j’ai été entendu puisque Le Maire s’interroge désormais lui-aussi sur le sujet. Les Echos fonctionnent comme un canal de diffusion pour le ministre de l’Économie. Il nous renseigne aussi sur les angoisses de Bercy. Le ministre veut désormais « trouver des solutions » lit-on. Sans doute ont-ils tiré quelques leçons des Gilets Jaunes. Il le faudrait. La dernière fois, le prix de la goutte d’essence a fait déborder le vase de la colère. En conséquence, le gouvernement avait daigné augmenter le montant du chèque énergie et élargir le nombre des bénéficiaires. C’était en 2018.
Depuis, l’onde du choc économique du Covid-19 n’en finit plus de générer des répliques. La situation sociale s’est aggravée. L’amnésie du ministre aussi, semble-t-il. En effet, en 2020, l’association « Rénovons » proposait d’attribuer exceptionnellement la somme complémentaire de 300 euros aux plus précaires déjà éligibles au chèque énergie. Cette idée a fait l’objet d’une proposition de loi déposée par le groupe La France Insoumise au mois de juin 2020, à l’initiative de Mathilde Panot.
Pour un coût d’un milliard d’euros, une telle augmentation du chèque énergie aurait permis de couvrir deux mois de besoins en énergie des 3,5 millions de ménages les plus précaires. C’était à l’époque une mesure à la hauteur de l’urgence. Mais elle n’a jamais été mise à l’ordre du jour par la majorité. Dois-je rappeler à Bruno Le Maire que nos amendements sur le sujet lors des projets de loi de finances ont aussi été rejetés ?
Le voici aujourd’hui repeint en défenseur du chèque énergie comme un instrument « juste » et « efficace ». Il envisage même de l’augmenter. C’est-à-dire de faire ce qu’ils ont justement refusé les deux années passées. Tartuffes ! Nul doute que leur changement d’avis sur le sujet n’est pas étranger à l’entrée en campagne d’Emmanuel Macron. Après avoir tenu très serré les cordons du porte-monnaie, le voici venir les poches pleines de sous et de belles promesses.
Le chèque énergie ne peut plus être une solution. D’abord parce qu’il consiste en une subvention aux pétroliers dont les produits sont achetés par ce moyen alors même qu’ils augmentent dans un but de profits sans cause. Il faut désormais s’attaquer aux causes. Ainsi, la flambée actuelle des prix signe la faillite du modèle de la « concurrence libre et non faussée ». Depuis l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie il y a dix ans, le prix du gaz a bondi de +80% et celui de l’électricité de +60%. Mais le gouvernement s’obstine à contre-sens. Il prévoit de supprimer les tarifs réglementés du gaz en 2023 ! Autant dire que le pire est à craindre.
L’hiver sera bientôt là. Il nous faut donc passer à la vitesse supérieure pour empêcher des milliers d’entre-nous de basculer dans la misère. Je propose un traitement de choc en urgence : le blocage des prix. Personne n’est dupe : augmenter le chèque énergie n’est aujourd’hui qu’un enfumage macroniste.
Quel baratineur ! À l’ouverture du congrès mondial de la nature à Marseille, Macron a promis une nouvelle fois d’engager la France sur les rails de l’exemplarité écologique. Parmi ses annonces, une lutte acharnée contre l’artificialisation des sols et la déforestation mais aussi une « réduction accélérée » de l’usage des pesticides. Il a pour cela évoqué le besoin de « mobiliser les écoles d’ingénieurs ». Mauvais exemple pris a la va-vite. Les lignes qui suivent sont le retour de bâton. En effet, l’État a attribué, en plein été, le site historique de Grignon, lié à l’école d’ingénieurs AgroParisTech, à un promoteur immobilier. Ce campus agronomique est l’héritier de 200 ans d’Histoire. Depuis 1826, il a formé des générations d’ingénieurs agronomes et de spécialistes des enjeux agricoles et écologiques. En toute logique, il devrait aujourd’hui participer de la bifurcation vers l’agroécologie et de la formation des milliers d’ agriculteurs et ingénieurs nécessaires !
Mais Macron écolo-bidon en a décidé autrement. Cette privatisation va faire perdre au campus de Grignon sa vocation pédagogique pionnière. On connaît l’emblématique château du XVIIIe siècle. Mais le site de trois cents hectares comprend également un domaine forestier avec plus de deux cents essences différentes, une réserve géologique, 121 hectares de terres agricoles et des parcelles d’essais agronomiques datant de la fin du XIXe siècle.
Le gouvernement donne le feu vert à sa destruction par un promoteur immobilier. En effet, Altarea Cogedim prévoit de construire des logements, d’accueillir des start-ups et de transformer le château en un centre de séminaires pour grandes entreprises. Les différentes entités réalisés risquent d’être vendues à la découpe. Le site a été cédé pour la somme de 18 millions d’euros. Mais l’opération immobilière pourrait s’avérer extraordinairement profitable pour le promoteur.
Les critiques sont nombreuses. J’en retiens deux pour achever de convaincre les éventuels sceptiques. Premièrement, cette vente n’a pas poursuivi l’objectif annoncé. En effet, la vente de Grignon a été initialement décidée pour financer l’installation d’AgroParisTech, avec d’autres grandes écoles, sur le plateau de Saclay. Cette décision a été vivement contestée. À défaut d’y renoncer, la cession déjà prévue d’autres sites aurait pu permettre de préserver le patrimoine culturel et agronomique majeur de Grignon. Par exemple, le bâtiment historique de la rue Claude Bernard (Ve arrondissement de Paris) a atteint un prix de vente bien plus élevé qu’attendu. Dès lors, pourquoi se séparer de Grignon ?
Deuxièmement, le dossier de cette vente opaque semble contenir plusieurs « erreurs ». En effet, l’association Grignon 2000 pointe notamment la négligence du statut de la forêt du domaine. Normalement, la propriété d’une forêt relevant du domaine public est inaliénable. Seule une loi préalablement votée peut décider du contraire. Cela n’a pas été le cas. La Direction de l’immobilier de l’État assure que la forêt « sera préservée dans son intégralité ». Or, la lecture du règlement de l’appel d’offres et des projets du promoteur-acquéreur laissent présager l’inverse. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.
De nombreux étudiants et enseignants-chercheurs ont décidé de résister. Pour tirer la sonnette d’alarme, ils ont bloqué le campus de Grignon pendant trois semaines au printemps dernier. Ils sont bien plus soucieux du défi écologique actuel que le gouvernement. Il faut donc les écouter. Selon eux, aucun des trois projets de rachat n’étaient « à la hauteur des enjeux patrimoniaux [que Grignon] porte, et de son potentiel pour l’intérêt national en tant que lieu de production et diffusion de connaissance sur le vivant ». L’intersyndicale d’AgroParisTech qualifie pour sa part la vente d’« incompréhensible, insultante, à contretemps, en un mot : inacceptable ».
Une nouvelle manifestation a eu lieu le 11 septembre dernier sur le site. Je la soutiens sans réserve. Le campus de Grignon est la propriété du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. M. Denormandie lui-même y a fait ses classes d’ingénieur. Je l’interpelle donc directement. Pourquoi donc cette obstination au démantèlement du patrimoine de l’agronomie française ? Ce domaine doit rester public et conserver sa vocation. Il est du devoir de l’État d’œuvrer à l’intérêt général écologique. Cela se concrétise dans la préservation de tels joyaux, indispensables à la bifurcation écologique du pays.
Peut-être l’avez vous manquée. Il est vrai qu’elle était logée page dix et pas annoncée en « une » contrairement à nos accords avec la rédaction. Intervention directe de la très haute chefferie pour imposer ce parjure. Telle est la vie ordinaire du rapport aux médias imprimés de ce pays : aucune parole, hargne et mépris de caste constant. Bref, j’ai eu tort. J’ai pensé que ca valait la peine de croire à notre accord. J’ai eu tort car ce journal n’est pas capable d’être autre chose que le bréviaire de la macronie. Croire autre chose c’est bien de la naïveté. J’ai eu tort car il n’a été question que de cette interview dans les reprises et cela a fait une pub pour le JDD qui ne le méritait vraiment pas. Bref, comme je me suis donné le mal de l’entretien, puis de la relecture puis d’une émission au sujet de ce que j’y ai dit, je reproduis le texte de l’entretien car il est important pour moi.
Interview publiée dans le JDD le 12 septembre 2021.
Vous avez déclaré votre candidature à la présidentielle en novembre. Quand et sur quels thèmes allez-vous vraiment entrer en campagne ?
Nous le sommes depuis neuf mois! Une action en profondeur. Pour nous, l’obstacle majeur, c’est la résignation ou la colère froide qui produisent l’abstention. Deux instituts de sondage prédisent 50% d’abstention en 2022 : dans ce cas, nous serions en dessous de 10%! Alors qu’on est bien au-dessus si la participation est plus forte. Inutile de le cacher. On a donc fait le choix d’un départ tôt pour s’enraciner et roder nos outils de campagne. Objectif : redonner aux catégories populaires l’appétit de vote.
Comment faire alors qu’elles se désintéressent de la politique ?
Déjà : dialoguer. Dans les quartiers populaires, les gens ne voient jamais personne. Nous revenons aux bases de l’action politique : proposer des choses concrètes. Assumer une vision alternative du monde. Notre programme transforme la façon dont on vivra, dont on produira et consommera. Nous montrons combien les gens ont un intérêt à notre victoire.
Nous avons des lois d’urgence sécuritaire, des lois d’urgence sanitaire : il est temps d’avoir une loi d’urgence sociale.
Le social constitue donc votre priorité ?
Absolument. On est en pandémie et les milliardaires se sont encore enrichis! Nous avons des lois d’urgence sécuritaire, des lois d’urgence sanitaire : il est temps d’avoir une loi d’urgence sociale. Quand tant d’indicateurs sociaux virent au rouge, quand 10 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, on est bel et bien en état d’urgence sociale. Détresse psychologique, dégradation de la santé, destruction des services publics, explosion des trafics… Une partie de la société glisse vers le néant. Sans parler de l’impact social de la crise écologique.
Que mettrez-vous dans cette loi d’urgence sociale ?
La pandémie a révélé des états de dénuement incroyables. Il faut au pays un choc de consommation populaire. Et immédiatement, le blocage des prix sur les produits de première nécessité. Jusqu’en 1986, la loi le permettait. Ce n’est pas possible que, l’énergie, le gaz, l’électricité, les carburants ou des denrées alimentaires indispensables soient inabordables.
Quoi d’autre ?
Il faut augmenter le Smic tout de suite pour le porter à 1.400 euros net mensuels. En dix ans, il n’a connu aucun coup de pouce, alors que les revenus des puissants se sont envolés de façon ahurissante. Troisième idée urgente : reporter de deux ans le remboursement des prêts garantis par l’Etat. Des milliers d’entreprises vont se fracasser sur le mur de la dette. J’ai déjà alerté : la dette privée en France est plus dangereuse que la dette publique. Il faut tout faire pour éviter le chaos économique.
Taxerez-vous les plus riches ?
Cette année est une année blanche pour des millions de gens qui ont perdu leur revenu, ou tout juste gardé celui de l’an passé ou moins. Décrétons une année blanche aussi pour les profits du CAC 40 : tout ce qui excède la progression moyenne du CAC 40 est réquisitionné. Il y en a pour plus de 50 milliards d’euros. Ça permettrait de financer 1 million d’emplois dans les métiers du lien, du soutien scolaire… Et avec 1 million de personnes en plus au travail, on bouche aussi le trou de la Sécurité sociale.
N’est-ce pas confiscatoire ?
Oui, c’est une mesure rugueuse… comme l’est la situation actuelle! Il n’y a aucune raison pour qu’une poignée de gens accumulent encore quand la richesse du pays s’effondre de dix points.
Autre mesure rugueuse, la nationalisation de certains secteurs comme les autoroutes. Arnaud Montebourg et Marine Le Pen la proposent. Et vous ?
C’est dans le programme de tout le monde, sauf celui d’Emmanuel Macron! Je vais plus loin : je demande la nationalisation des biens communs, l’air, l’eau, qui appartiendraient alors à tous… Tout dégât commis devra être réparé et pas simplement compensé comme avec les droits à polluer. L’entrée dans l’ère de la priorité écologique et sociale nécessite ce type de mesures radicales.
Vous prônez l’ »union populaire ». Comment votre campagne va-t-elle la matérialiser ?
L’union populaire, c’est une stratégie pour porter des mesures qui sont ultra-majoritaires comme l’a prouvé le sondage sur nos projets. Le 16 et 17 octobre, nous aurons une convention. Le programme sera bouclé et nous passerons à la mise au point des « plans » par sujet. Par exemple sur l’énergie ou l’alimentation. Il s’agit d’être prêts à gouverner. Nous créons un parlement de campagne de l’union populaire. Il aura un rôle consultatif. Il y aura des Insoumis, mais pas seulement, loin de là. Au départ, il comptera une cinquantaine de personnalités. A la fin de la campagne, ce parlement devra se demander s’il se transforme en un nouveau mouvement politique.
Comment jugez-vous la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement ?
Très mauvaise! Macron, par son métier, est un courtier financier. Il croit que le marché est seul apte à régler les problèmes. Aucune de ses décisions n’est allée contre les diktats du marché. Pour son gouvernement, la puissance publique était avant tout vouée au contrôle de la population. La dérive autoritaire du régime s’est donc aggravée de façon spectaculaire. A l’arrivée, la performance n’est pas fameuse! Ils se sont trompés sur tout : les masques, les tests… En période de crise, les collectivistes comme moi sont plus efficaces que les hyper-individualistes comme Macron.
Le « quoi qu’il en coûte » ne vous a-t-il pas fait réviser votre jugement ?
Bidon! Ça a essentiellement consisté à financer le chômage technique généralisé. Mais a-t-il créé en urgence un pôle public du médicament, recruté des milliers de personnes pour aider dans les hôpitaux, réquisitionné les entreprises de biens de santé? Le « quoi qu’il en coûte », je sais à qui il en coûte! A la fin c’est : « Vous allez payer tout ça avec vos cotisations sociales et vos impôts »! Mais on n’a rien demandé aux profiteurs de crise. Par exemple, on aurait pu rétablir l’ISF cette année, on ne l’a pas fait. Le « quoi qu’il en coûte », c’est un coup de menton pour impressionner. Pas davantage.
Pourquoi n’êtes-vous pas allé manifester contre le passe sanitaire, auquel vous êtes opposé ?
Je suis contre le passe. Il répand une illusion : faire croire que ses titulaires ne présentent plus de danger pour les autres. C’est faux! Mais le passe sanitaire crée une société de contrôle généralisé. Fichage généralisé, contrôles intempestifs absurdes, etc. Je l’ai dit sur tous les tons et j’ai voté contre. Appeler à manifester? Non! C’est un mouvement populaire spontané. Si une organisation politique cherchait à se l’approprier, elle le rabougrirait, comme fait aujourd’hui l’extrême droite. Nombre d’Insoumis y participent. Je leur dis de faire attention à côté de qui ils marchent. Qu’ils soient avec la majorité des manifestants qui ne veut pas servir de caution à l’antisémitisme et au racisme.
Ne craignez-vous pas aussi d’être accusé d’être antivaccination ?
Je suis souvent accusé de tout… Je n’ai jamais été antivaccin. Je suis pro-sciences. Mais « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », dit Rabelais!
Que pensez-vous de l’obligation vaccinale des soignants, qui entre en vigueur le 15 septembre ?
Les syndicats et les personnels soignants me disent que c’est insupportable. Et aussi que c’est impossible à faire, sauf à aggraver la crise, de licencier ceux qui ne veulent pas être vaccinés. Cette mesure brutale est contre-productive! Et puis faire des héros d’hier – les personnels soignants – les salauds d’aujourd’hui, c’est écœurant…
Mercredi, Jean Castex a semblé repousser une réforme des retraites d’ici à l’élection présidentielle. Êtes-vous soulagé ?
J’ai combattu cette réforme inutile et cruelle. Faire travailler les gens plus longtemps, c’est les user davantage, et empêcher la génération montante de prendre la place des aînés. Pourquoi Macron a-t-il voulu la relancer? Dans son calepin, il n’y a pas que la case : je veux. Il y a aussi la case : est-ce que je peux? Il ne doit pas croire que ça se passera tranquillement. Il aura à faire avec l’opposition des syndicats, des Insoumis et des communistes. Ce serait une bataille politique et sociale d’ampleur, en pleine pandémie. Voilà pourquoi Castex a lâché prise. Ce sera un des sujets de l’élection présidentielle. Que les votes tranchent! Les Insoumis veulent la retraite à 60 ans. Aux Français de décider.
La réforme de l’assurance chômage est « indispensable », dit le gouvernement. Vous demandez son retrait ?
Mille fois oui! Nous irons manifester… Avec cette réforme, 1,7 million de personnes auront moins de sous qu’avant. Ce n’est pas le moment de brutaliser davantage les gens. Elu, j’abrogerai ça aussi.
Vous appelez la gauche à manifester. En étant aussi divisée et aussi faible, a-t-elle la moindre chance de se hisser au second tour de la présidentielle ?
La gauche traditionnelle joue dans un bac à sable. Elle ne s’unirait qu’en trompant tout le monde, car il y a des divergences profondes sur l’essentiel. Cette gauche traditionnelle est dominée par un centre gauche flou et mou. Elle s’est effondrée en 2017 et, depuis, n’a pas su se réinventer. Nous leur avons tendu la main pour les faire sortir de leurs ambiguïtés. Un nouveau Front populaire! PS et EELV ont tourné le dos. Nous avons donc compris que nous perdions notre temps. Puis ils ont dansé le tango de l’unité à l’appel de Jadot. Comédie sans suite. Normal : le désaccord est profond sur la sortie des traités européens, le nucléaire, le changement de la Constitution et combien d’autres choses. Alors l’union sans engagement clair démobiliserait le peuple. Au contraire, la stratégie d’union populaire remobilise les gens sur du concret franc et net.
Anne Hidalgo, qui déclare sa candidature aujourd’hui, n’a-t-elle pas renouvelé le logiciel social-démocrate ?
Attendons de voir ce que dit, au juste, Mme Hidalgo. Il est délicat de se prononcer sur quelqu’un qui n’avance aucune idée politique particulière. La seule chose que j’ai entendue de sa part, c’est qu’il fallait continuer la guerre en Afghanistan. Ce n’est pas raisonnable. Le reste de son programme, qui le connaît? Son risque, c’est d’être siphonnée par la candidature EELV. Pour l’instant, l’électeur de centre gauche n’a pas tranché entre eux.
Pour Arnaud Montebourg, c’est vous qui êtes le problème de la gauche : vous ne pouvez pas gagner, estime-t-il. Que lui répondez-vous ?
Il disait déjà ça en 2017. Et il a fini par voter pour moi! Mais il m’aide : il élargit l’audience des idées que nous avons en commun comme la VIe République. Et il met le PS au pied du mur. J’estime que sa candidature sert notre action.
La Fête de l’Humanité a lieu ce week-end. Pouvez-vous encore vous réconcilier avec Fabien Roussel, qui sera candidat du PCF à la présidentielle ?
PCF et LFI sont un vieux couple : la dignité nous interdit de casser la vaisselle en public. 90% de nos programmes sont similaires. Mais je suis blessé et amer. C’est un crève-cœur de ne pas partir ensemble à la présidentielle. Deux fois, j’ai été leur candidat. Le pôle populaire doit rester devant le centre gauche. Nous sommes passés de 3% à 10% en 2010 puis de 8% à 19% en 2017. Je renouvelle ma proposition d’un programme partagé et d’un accord législatif avant la présidentielle. On peut le faire tout de suite, avec des bases simples : la reconduction de tous les sortants et la répartition du reste.
Dans la primaire des écologistes, espérez-vous une victoire de Sandrine Rousseau ou d’Éric Piolle ?
Leurs débats étaient intéressants. Cependant je vois bien que la question sociale ne les obsède pas… Mais je demande aux Insoumis de respecter leur vote et de ne pas s’en mêler. Au moins par cohérence : car pour voter, il faut signer en faveur d’une Europe fédérale. Ce n’est pas la position de notre programme.
Que vous inspire la compétition à droite…
Il y a une zemmourisation générale de ce camp. Eric Zemmour lui fournit les arguments et le cadre de pensée. La contagion va vite. Le chef de l’Etat lui-même a plongé dedans : pour prendre la main sur la droite, il lui chante du Zemmour. En décembre, Macron a déclaré que Pétain était un grand militaire et Maurras un grand intellectuel. Ce sont deux antisémites, deux traîtres et deux criminels. Cet appel du pied électoraliste est un révélateur.
Vous voulez toujours débattre avec Eric Zemmour ?
Comme Mme Le Pen est aux abonnés absents… Et mieux vaut l’original qu’une pâle copie. Oui, il faut lui disputer pied à pied le terrain des idées.
Ne craignez-vous pas de faire la campagne de trop ?
Pourquoi? Au contraire, je suis porté par les circonstances. Des millions de gens n’en peuvent plus. Ils ne veulent plus des faux-semblants du centre gauche et de la droite. Ils veulent changer leur vie. Ils compteront sur moi. J’ai du caractère, je ne me laisserai pas intimider par les puissants. Comme l’écrivait Victor Hugo : « J’effaroucherai le bourgeois, peut-être. Qu’est-ce que ça me fait si je réveille le peuple ? »