Le gag de la fondation du PS : Macron dès le 1er tour !
Je ne vous le cacherai pas : j’ai le retour de Guyane triste. J’ai aimé l’ambiance guyanaise ! Quand bien même est-elle surchargée des misères auquel reste vouée la moitié de la population. Elle vit en effet sous le seuil de pauvreté face à une vie souvent plus chère que dans l’hexagone. Mais je n’ai croisé que des gens allant et passionnés pour ce qu’ils font. Profs, élèves, agent de service public, paysans, syndicalistes, personnel hôtelier, agents de toute tâche sur la base spatiale, salariés des médias, tout le monde respirait cette étrange ambiance de confiance en soi et de goûtt du futur.
Et puis ce tir réussi d’Ariane 5 emportant ses 11 tonnes de satellites, record du genre ! Et ces élèves venant à ma rencontre et me racontant leurs ambitions scolaires. Et aussi ces militaires fiers de leurs missions de protection sur un territoire grand comme le Portugal couvert au deux tiers par la forêt amazonienne ! Je regardais par le hublot de l’hélicoptère ce monde tout neuf avec un drôle de goût dans la bouche. Celui d’un rêve impossible : m’impliquer ici, comme dans une nouvelle vie recommencée à zéro sur cette page verte à écrire ou dans les vertiges de l’aventure spatiale. Car la terre de Guyane inspire cette poésie des commencements à portée de main. Et je veux le souligner de nouveau : tout cela malgré le poids d’un quotidien ici qui n’a rien d’un merveilleux conte exotique. Je renvoie sur ce point qui cela intéresse au commentaire que j’en ai fait dans mon précédent post. L’équipe qui m’accompagnait a également produit un abondant matériel de compte rendu au fil des jours. J’en parle encore cette-fois ci.
Mais à cet instant, et pour ouvrir ce post et ses sujets, je parle de tristesse du retour. Je veux bien la situer. Car finalement c’est peut-être moins celle pour ce que je quitte que pour ce que je retrouve. Cette ambiance glauque, grise et morbide du pays médiatique de Zemmour et Le Pen, des passes arrière sondagières, de coups tordus de l’info-propagande rabâchant les thèmes et les personnalités de l’extrême droite en boucle. Pas une lueur d’espoir ou d’enthousiasme à l’horizon. Et maintenant le bouquet final : « à quoi bon voter pour la gauche éparpillée ! Mieux vaut voter dès le premier tour pour Macron pour faire barrage ». Bien joué les « spins doctors » macronistes. Et bravo à la fondation du PS si mal nommée « Jean Jaurès ! » C’est encore les socialistes qui ont lancé un sondage. Un sondage de plus. En fait une manœuvre qui met à nu la tentation macroniste qui n’a jamais lâché le PS depuis le premier jour de ce quinquennat. Comme le montrait Olivier Faure quand il prétendait vouloir participer à la nouvelle majorité macroniste. Un sondage qui participe de la campagne interne anti-Hidalgo puisqu’il prétend que 50% des électeurs du PS seraient prêts à voter Macron dès le premier tour. L’alternative à la parisienne ne serait pas Hollande mais bien son successeur. Malin ! Un sondage pipeau aussi qui prétend trouver 40% d’électeurs insoumis pour approuver cette thèse stupide après cinq ans d’opposition frontale.
En fait cette rumeur macroniste préfabriquée courait à Paris depuis un bon mois. J’étais prévenu mais je n’y croyais pas. J’ai dû changer d’avis. Quand Laurent Ruquier m’a fait le numéro de l’unité à gauche impossible et de « puisque c’est comme ca je me demande s’il ne faut pas voter Macron dès le premier tour pour assurer le coup face à l’extrême droite», je n’avais donc pas été surpris. Car il avait déjà fait le coup à un autre invité peu de temps avant. Ma réponse sur le plateau resta distante et argumentée car il y régnait déjà une ambiance insupportable du fait de l’agressivité de Léa Salamé cherchant à régler je ne sais quel compte avec moi. Je peux ici reprendre ma réponse à cette thèse fumeuse. Voter Macron dès le premier tour pour « assurer » en face de Le Pen Zemmour ? C’est stupide. Dans tous les sondages qui conduisent à cette conclusion Macron est certain d’être présent au second tour. La question qui se pose est donc plutôt de savoir qui lui sera opposé. Rien d’autre. Qui ? Un extrême droite ? Un droite ? Bref un de plus qui soit plus ou moins du même côté des admirateurs de Pétain et de Mauras ? Ou moi ? Sans commentaire.
Mais on voit bien comment s’est construit la séquence. Elle est partie des jérémiades sur l’unité impossible de la gauche (« à cause des égos »). Elle s’achève dans le « vote Macron dès le premier tour » recommandé par les fléchages du PS. Là-dessus arrivent les sondages qui annoncent des scores misérables pour toute autre candidature. Que la méthode de calcul expulse la moitié des électeurs sans que les médias qui les rabâchent en disent un mot de recul critique prends alors un autre sens. Ils tombent à pic. Il s’agit bien de couper les ailes qui ne veulent pas voler du bon côté. Le faire en désespérant d’avance toute tentative de vote d’alternative. En décourageant. En démotivant les milieux populaires. Le tout au profit des centre-villes cossus et des petits bourgeois pusillanimes qu’influencent le PS et la Fondation Jean Jaurès. La bataille est donc plus difficile. Car tout le monde comprend qu’il s’agit là d’une entreprise de prophétie auto-réalisatrice : dégoûter les gens d’aller voter au prix d’une abstention favorisant le vainqueur annoncé.
Rien ne serait pire que de se laisser impressionner et de baisser les bras. Tous les artefacts finissent par se dégonfler devant la réalité. Et cette réalité c’est celle des question sociales : revenus prix de la vie et ainsi de suite. Cette réalité c’est celle du changement climatique et de la crise sanitaire. C’est elles qui rattraperont inéluctablement la campagne électorale pour peu que le pouvoir hypnotique de la propagande sécuritaire et anti-musulmans s’enraye un tant soit peu. C’est notre tâche d’aider à l’émergence du sérieux et du raisonné.
Faire campagne et se hisser au second tour reste un objectif atteignable. On en connait la méthode. Au plan média : ne jamais croire qu’ils feront campagne à notre place. Refuser les émissions traquenards. Et tout pour l’action de terrain en milieu populaire. Davantage de « caravanes d’inscription sur les listes électorales » dans les quartiers populaire, davantage de correspondants d’immeubles comme ceux que ces caravanes permettent de recruter d’ores et déjà.
Il faut avant tout bien comprendre ce qui se passe : tout le monde est en campagne. Chaque classe défend âprement ses intérêt avec ses moyens. Rien de ce que nous voyons et combattons n’est le résultat d’un malentendu. Juste une facette de la lutte. Seuls les naïfs pouvaient croire que 9 milliardaires auraient décidé de perdre de l’argent en achetant 90% des médias pour le seul idéal d’une information équitable ! Que des millions d’argent public se déverseraient sur des « instituts de sondage » pour améliorer les performances de la sociologie de l’opinion.
La vie chère est la première préoccupation des Français. Les prix de l’énergie, du carburant, de l’alimentation augmentent et les salaires stagnent. Dommage, trop de médias restent collés à Zemmour et à ses sujets glauques et si peu rattachés à la vie quotidienne. Il est pourtant vital que le débat ait lieu sur ce sujet. Comment les différents candidats comptent-ils répondre à l’appauvrissement généralisé des couches moyennes et populaires de notre société ? Quelles sont leurs propositions pour répondre aux revendications des gilets jaunes, particulièrement celle de vivre dignement d’un revenu du travail ? Mes propositions sont connues.
Au début du mois de septembre, je fus le premier à prendre au sérieux la question du pouvoir d’achat. J’ai avancé dans Le JDD une loi d’urgence sociale à mettre en oeuvre immédiatement. Cette loi contiendrait notamment le blocage des prix de l’énergie, du carburant et des produits alimentaires. C’est même possible de le faire par décret puisque l’article 410-2 du code de commerce prévoit la possibilité de bloquer les prix lorsqu’il y a « une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation anormale du marché dans un secteur déterminé ». Cet article a d’ailleurs été utilisé pendant la crise sanitaire concernant le prix des masques et du gel hydroalcolique. Mais aussi en 1991 par Michel Rocard pour, déjà, bloquer le prix de l’essence à la pompe.
Alors évidemment, il faut que quelqu’un paye. Par le blocage des prix, je propose en fait une baisse des prix par une baisse des profits des fournisseurs d’énergie, des entreprises pétrolières et de la grande distribution alimentaire. Je pense qu’ils peuvent se le permettre. Ainsi, le bénéfice de Total au troisième trimestre 2021 a été multiplié par 23 par rapport à la même période en 2020 ! Il avait pourtant pour son résultat de l’année dernière distribué déjà 7,6 milliards d’euros à ses actionnaires. Si on considère les 4 principaux fournisseurs d’énergie, 10% de leurs profits suffiraient à redonner à tous les foyers qui se chauffent au gaz 500 euros. Quant à la grande distribution, une enquête du Parisien notait en 2019 des marges de 40% sur des produits aussi élémentaires que des pâtes, de l’eau ou du café.
Mais la question des profits est bien le tabou du débat public sur le pouvoir d’achat. En effet, il semble bien que je sois le seul à l’aborder. Les propositions des autres candidats rivalisent d’invention et d’ingéniosité pour surtout ne pas prendre aux multinationales et à leurs actionnaires. Macron est le premier à ce jeu. « L’indémnité inflation » annoncée par son Premier ministre Jean Castex, est un sommet d’arnaque. Un chèque de 100 euros, pour les Français qui vont le recevoir, cela ne fait jamais qu’une aide de 8 euros par mois quand on la rapporte sur un an. En revanche, pour le budget de l’État, c’est un trou de 3,8 milliards d’euros. Qui payera ? Nous tous ! Jean Castex l’a bien précisé lors son intervention : il maintient l’objectif de réduction du déficit pour l’année prochaine. Donc ces 3,8 milliards d’euros, Macron compte bien les faire manger aux Français en baisses de services publics ou en taxes s’il est réélu. Mais après l’élection évidemment !
En tout cas, faire payer le budget de l’État permet de ne pas parler ni d’augmentation des salaires, ni de baisse des profits, ni de blocage des prix. Macron est loin d’être le seul dans ce cas. À droite, Xavier Bertrand propose une prime pour les bas salaires, payée par l’État. Son cout est de 5 milliards d’euros, à payer par nous tous, donc. Valérie Pécresse propose elle carrément de supprimer les cotisations sociales pour la retraite sur les salaires. Elle prévoit de financer cela par 25 milliards d’euros « d’économies budgétaires ». L’équivalent de la moitié du budget de l’Éducation nationale à retirer du budget de la Nation plutôt que de toucher aux profits ! Yannick Jadot se contente de proposer une petite rallonge sur le « chèque énergie » qui ne concerne que 6 millions de foyers. Pour le reste, on a compris que son équipe était favorable à une hausse supplémentaire des carburants. De l’écologie pour ceux qui ont les moyens.
Marine Le Pen, elle, a carrément annoncé la couleur le 12 septembre sur TF1 : « augmenter les salaires, ça veut dire faire peser une charge sur les entreprises ». Donc pas d’augmentation de salaire pour la châtelaine de Montretout. Elle met plutôt en avant l’idée d’une baisse de la TVA sur l’énergie et les carburants. Pourquoi pas dans l’absolu. Mais encore, une fois, ce sera à tous les contribuables de compenser le manque à gagner. Dès lors, ce que vous gagnerez à la pompe, vous le payerez sur votre feuille d’impôt. Et puis il n’est pas sûr que les entreprises baissent les prix dans la même proportion. On se souvient que lorsque Nicolas Sarkozy avait baissé la TVA pour la restauration, l’effet avait été décevant voir inexistant sur les prix. Anne Hidalgo a choisi curieusement la même proposition que madame Le Pen.
Un candidat ne parle pas du tout du pouvoir d’achat : c’est Eric Zemmour. On se souvient de lui bafouillant quelques fiches d’économie néolibérale mal apprises par coeur lors de son débat face à moi lorsque j’avançais mes propositions sur le sujet. Depuis, il n’a pas développé plus. Pour lui, un seul sujet compte : sa guerre civile fantasmée avec les Français musulmans. Mais après tout, diviser le peuple sur des délires religieux et racistes, c’est encore protéger les profits !
Les COP se suivent et se ressemblent. Hélas. Cela fait trente ans que les conférences internationales et les rapports scientifiques tirent la sonnette d’alarme climatique. Pour quel résultat ? Il y a 5 ans, les États participants à la COP21 s’accordaient pour contenir le réchauffement climatique en dessous de 2 °C, voire le limiter à 1,5 °C. L’Accord de Paris était signé dans un tonnerre d’applaudissements. Pourtant, à la veille de la COP26 qui se tiendra à Glasgow, le bilan n’est vraiment pas bon.
La pandémie n’a été qu’un répit en trompe-l’œil. En 2020, les émissions de gaz à effet de serre sont au plus haut. Si cela se poursuit, l’Organisation météorologique mondiale prédit un réchauffement d’environ 4 degrés d’ici à la fin du siècle. Cette nouvelle donne climatique pourrait s’imposer plus vite que prévu. Ainsi, dans le premier volet de son rapport publié en août 2021, le GIEC estime qu’au rythme actuel d’émissions, la barre de 1,5°C de réchauffement sera atteinte avant 2030.
On n’en finit plus de lister les perturbations déjà à l’œuvre : inondations, montée des eaux, incendies géants, ralentissement du courant océanique… Pour s’arrêter à +1,5°C et son lot de conséquences irréversibles, il faut diviser par deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le temps est compté : on doit le faire en moins de 10 ans. Concrètement, cela signifie multiplier le niveau d’ambition par 7. Autant dire que la pente est raide ! Or, les engagements actuels sont très loin d’être suffisants. Même s’ils étaient atteints, ils nous conduiraient tout droit vers un réchauffement de +2,7°C à la fin du siècle.
Évidemment, le problème de ces engagements c’est leur caractère purement déclaratoires. L’Accord de Paris ne prévoit aucun mécanisme de sanctions. Résultat, la litanie des promesses se transforme en compétition d’affichage diplomatique. Les objectifs de neutralité carbone à horizon 2050 voire 2060 sont faciles à brandir. Ils ne coûtent rien à court-terme. Et même s’ils étaient atteints, ils permettraient seulement de contenir le réchauffement à +2,2 °C. Nous ne sommes donc pas dans les clous de l’Accord de Paris.
La COP26 doit permettre de rehausser à nouveau les ambitions. Il faut l’espérer. Mais sans dimension contraignante, cela sera un nouveau coup d’épée dans l’eau. D’ors et déjà, le ver est dans le fruit. En effet, l’article 6 de l’Accord de Paris permet la mise en œuvre de mécanismes autorisant les pays à s’acheter des crédits de droit à polluer pour tenir leurs engagements. La compensation carbone et la régulation par le marché sont un leurre. En effet, autoriser les entreprises à planter des arbres pour continuer à polluer est une fausse solution. Il faut donc y renoncer.
Au contraire, il est urgent de créer du droit international contraignant. 2000 scientifiques et 700 ONG réclament un traité de non-prolifération des énergies carbonées. J’y suis pleinement favorable. La Bolivie propose aussi l’instauration d’un international de Justice climatique et environnementale depuis 2009. Des négociations en faveur d’un traité pour contraindre les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement patinent depuis 2014. Qu’attend-on ?
La COP26 doit aussi se pencher sur d’autres aspects non moins cruciaux. Je parle des financements. Il s’agit d’aider les pays en développement à opérer la bifurcation écologique et à s’adapter aux conséquences du changement climatique. Cela presse car celles-ci sont déjà concrètes. Ainsi, à Madagascar, un million de personnes subissent la première famine au monde causée par le changement climatique. Pour cela, les pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars chaque année de 2020 à 2025. Mais cette somme ne sera pas réunie avant…2023. Pendant ce temps, les 1% les plus riches de la planète polluent 100 fois plus que la moitié la plus pauvre de l’humanité.
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, il faut sortir des énergies fossiles. Pour l’heure, celles-ci sont arrosés de 11 millions de dollars de subventions publiques par minute à l’échelle mondiale. Autant d’argent qui n’est pas investi dans les énergies renouvelables et la modification en profondeur de nos façons de produire. Pire, d’ici 2030, les prévisions mondiales de production de charbon, de pétrole et de gaz sont deux fois supérieures à celles compatibles avec une limitation du réchauffement à +1,5°C. Pourtant, les gouvernements ont les moyens d’agir. En effet, via les entreprises d’État, ils contrôlent plus de la moitié de la production mondiale de combustibles fossiles.
Le lobbying anti-climat continuer de tourner à plein régime. Certains États cherchent carrément à influencer la rédaction du dernier rapport des scientifiques du climat. Greenpeace révèle ainsi que l’Organisation des pays exportateurs de pétrole a tenté de faire supprimer la conclusion suivante : « Si le réchauffement doit être limité à 2°C, environ 30 % du pétrole, 50 % du gaz et 80 % des réserves de charbon resteront incombustibles ». Mais supprimer les phrases n’enterre pas les problèmes. Côté français, Total avait connaissance de son impact climatique depuis 50 ans. Qu’ont-ils fait ? Rien sinon pire : user pendant longtemps de la stratégie du doute pour empêcher toute avancée.
Avec Macron, auto-proclamé champion de la Terre, la France est loin d’être exemplaire. Le gouvernement français continue de subventionner massivement les énergies fossiles et ne prévoit pas d’y mettre un terme avant 2035. Il été condamné en octobre 2021 pour inaction climatique. Entre temps, Macron a décidé d’abaisser encore les ambitions climatiques de la France. En un tour de passe-passe, il a revu à la hausse les émissions de CO2 autorisées jusqu’en 2023. La loi Climat votée cet été est déjà obsolète. À ce rythme, la France n’atteindra pas la neutralité carbone avant 2085.
Pourtant, le rapport RTE et Négawatt démontrent qu’atteindre le 100% renouvelables et la neutralité carbone en 2050 est tout à fait possible. Nous avons « huit ans pour élaborer les plans, mettre en œuvre les politiques et finalement y parvenir. Le temps presse dangereusement » insiste la directrice du Programme des Nations Unies pour l’Environnement. 2030 commence en 2022.
La compagnie Montagne d’Or réclame 4,5 milliards de dédommagements à la France : que va faire le gouvernement ? Ce projet de mine géante en Guyane au cœur de l’Amazonie a déjà fait l’objet d’une question écrite de ma part adressée au Ministère de la Transition écologique. C’était le 19 janvier 2021. Pas de réponse dix mois plus tard. Manque de personnel ? En tous cas la question s’est aggravée depuis. Je résume la situation.
La Compagnie minière Montagne d’Or projette d’extraire au moins 80 tonnes d’or sur 12 ans. Pour ce faire, il faudrait défricher 1 513 hectares dont un tiers de forêt primaire, soit l’équivalent de 32 Stades de France afin de creuser une fosse de 2,5 km de longueur, entre deux réserves forestières intégrales. Plus de 2 000 espèces végétales et animales sont menacées par l’utilisation des 78 000 tonnes d’explosifs, 46 500 tonnes de cyanure et 142 millions de litres de fuel. L’intérêt économique est limité. Un rapport du WWF sur le potentiel de développement économique durable de la Guyane, daté de novembre 2018 en atteste. Il considère que “le secteur extractif est le secteur marchand qui dispose des plus faibles effets d’entraînement sur le reste de l’économie locale, notamment parce que ce secteur importe à hauteur d’environ 75 % les biens et services dont il a besoin pour produire, au lieu de les acheter à l’économie locale”.
En 2019, le Président de la République Emmanuel Macron avait estimé qu’il n’était, « en l’état, pas compatible avec les ambitions écologiques de la France ». Depuis, l’État est resté aux abonnés absents. Comme pour les questions écrites sur le sujet. Le gouvernement aurait pu ne pas renouveler les concessions minières de la compagnie pour mettre un terme définitif au projet. Il s’est seulement abstenu de répondre dans les délais. Comme pour les questions écrites encore. La compagnie minière a contesté cette non-réponse. Mais aucun représentant de l’État n’était présent à l’audience du tribunal administratif le 3 décembre 2020. Résultat, le jeudi 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Guyane a obligé l’État à prolonger les concessions. En effet, il a considéré que l’État « ne produit aucune pièce justificative » et constaté le « défaut de contestation sérieuse du ministre ». La cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé cette décision en juillet 2021. Il revient désormais au Conseil d’État de trancher définitivement.
Mais la situation s’aggrave. Le site spécialisé IA Reporter vient en effet de révéler le 16 octobre dernier que l’entreprise russe Nordgold a initié un contentieux contre la France en juin 2021. Elle réclame 4,5 milliards d’euros de dédommagements à la France en réparation de la décision du gouvernement français de ne pas prolonger la concession minière. Le traité France-Russie de protection des investissements entré en vigueur en 1991 requiert d’abord de rechercher un règlement à l’amiable. À défaut de solution satisfaisante dans les six mois, le différend pourra alors être renvoyé devant un tribunal d’arbitrage.
Pour reprendre les termes d’un communiqué commun de l’Institut Veblen et de la fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, quand le ministère compte-t-il « sortir de la centaine de traités de protection des investissements qui permettent ce type d’attaques contre les politiques publiques françaises à travers un mécanisme de justice d’exception » ?
Une passionnante crise morale vient de surgir en plein cœur de la classe médiatique. On ne peut prévoir s’il s’agit d’un spasme d’agonie ou d’une tendance profonde et durable de sursaut moral. Le premier quotidien régional de France, « Ouest-France », vient de décider de ne plus commander ou publier de sondages.
Ce journal a beau être l’un des plus hostiles au mouvement insoumis et un des plus politiquement « sectaire » du pays, sa décision mérite d’être saluée par les insoumis. Elle marque un coup d’arrêt sur la pente vers la déchéance morale prise avec enthousiasme et ardeur par la quasi-totalité de la sphère médiatique. On en connait les composantes. C’est la course au sensationnel, le journalisme de provocation. C’est l’absence totale de recul ou de sens critique sous la pluie des bombardements d’infos gouvernementales avalées tout rond. C’est pour finir le gavage aux sondages. Une addiction routinière sans aucun recul ni sur leurs contradictions ni sur leurs conditions techniques ni même sur l’absence de publication de la notice légale à ce sujet. Et ainsi de suite. Mais « Ouest France » ne cantonne pas sa critique au seul bombardement contradictoire et paralysant des sondages. Il met en cause tout ce que cela implique : désintérêt pour les programmes et les idées, commentaires sans fin sur des faits sans réalité. C’est une bombe.
C’est sans doute une excellente autopromotion mais elle explose un paysage qui semblait figé pour toujours en direction du plus lamentable. Car aussitôt la logique de système se montre toute nue sous les yeux de tous. Le contexte médiatico-sondagier est celui d’un effet de système. Certes, évoquer un effet de système c’est courir le risque de l’accusation de complotisme. C’est devenu en effet l’argument médiatique ultime de l’interdiction de penser. Elle est surveillée en permanence par une armée d’experts auto-proclamés à longueur de plateau d’info en continu. Dés lors, je me contenterai d’évoquer les pièces du puzzle et je laisse à qui me lit le soin de nommer et de commenter le tableau qu’il me verra faire surgir.
Inutile de penser au complot. Toute la scène s’est construite au fil d’un processus dont les ingrédients sont parfaitement bien identifiés. Voyons cela. Primo, les plateaux d’info en continu doivent « produire » des heures de présence à l’antenne. Cette production a un coût. Secundo il s’agit de faire « moins cher » là aussi. L’heure la moins chère est celle qui consiste à réunir autour d’un journaliste élevé au rang de star et très bien payé (entre 10 000 et 30 000 euros) des rangées de « chroniqueurs » ou « experts » intervenant gratuitement avec l’autorité de leur titre. Impossible alors de mettre en cause leur compétence sur le sujet. La starisation du journaliste est censée garantir le sérieux. Tertio, de leur côté, les « experts-marionnettes » y gagnent en notoriété. Ce n’est pas rien. Car celle-ci constitue leur valeur ajoutée dans leur propre milieu pour leur propre compétition professionnelle. Résultat ? Tout le monde y trouve son compte, quel que soit l’intérêt de l’émission ou la valeur des analyses qui y sont présentées. Le système est autobloquant, on n’y passe pas une feuille de papier a cigarettes entre les rouages qui l’animent.
Évidemment cela fonctionne aussi longtemps que les faits n’apportent pas de démentis trop rapides ni trop catégoriques. Dans ce domaine, le sondage politique est un matériau facile et peu coûteux à convoquer. Son commentaire peut être sensationnel, de longue durée et ne recevoir aucun démenti avant… le soir de l’élection. Là, le moment est délicat. Le système a produit sa parade. La critique des erreurs monstrueuses d’évaluation fait partie du spectacle rituel des lendemains d’élection. Mais notez que des heures de commentaires deviennent alors de nouveau possibles. Ils ont le doux parfum de l’autocritique. Ils produisent aussi une image valorisante des gens capables de mettre en cause leurs certitudes de la veille. Certes, seuls les sondeurs payent le prix de la honte. Et les électeurs le payent du prix de leur choix conditionné par des bobards. Les sondeurs y sont habitués. Et il leur suffit de quelques jours pour récupérer leur superbe. Et comme le spectacle doit continuer et que les mêmes causes produisent les mêmes effets on peut parler « d’effet manège » pour nommer ce mécanisme répétitif.
Encore une fois, il n’y a aucun complot à l’œuvre. Juste un enchainement d’intérêts malsains et irresponsables.
Du point de vue du sondeur, la production de pronostics politiques est de peu d’importance commerciale. Les « enquêtes politiques» représentent une part très faible de leurs revenus. Ceux-ci sont pour l’essentiel en provenance de deux sources. D’abord, les contrats avec le gouvernement et les collectivités publiques. Ensuite, ceux du commerce privé qui interroge pour connaitre les préférences des consommateurs. Quel est alors l’intérêt de ces « instituts » dans l’arène politique ? C’est simple et très matériel. C’est la publicité que leur donne le fait d’être cités comme des références incontestées et incontestables par des palanquées « d’autorités » que sont les journalistes stars et les experts ! Il est donc essentiel pour eux d’être de la partie et de produire un bon frisson de base pour dynamiser le spectacle que donnent ensuite les commanditaires. L’enjeu essentiel est alors d’annoncer « les premiers » tel ou tel évènement bluffant : tel candidat passe en tête, tel autre s’effondre… Et ainsi de suite, sans rime ni raison, d’une semaine sur l’autre.
Cela ne veut pas dire que tout ce qu’ils font ne veut rien dire et n’aurait aucune signification utile pour l’analyse politique. Mais à condition du sérieux. Et cela se vérifie dans la notice technique. Taille de l’échantillon, composition de celui-ci, pourcentage de participation au vote et ainsi de suite. Vient ensuite la boîte noire. Celle du secret complet. C’est l’arrangement final, le « redressement » qui s’opère hors des regards à la fin de l’enquête, à partir des données brutes collectées parfois de façon assez… approximative. Ici règne le pifomètre sous le sceau du « secret professionnel ». Rien n’en est dit, aucune donnée n’est accessible. Unique et rare privilège ! On comparera avec l’industrie pharmaceutique obligée de faire figurer sur chaque flacon la composition du produit que vous consommez.
Le moment « Ouest-France » n’épuisera pas son effet d’un coup. Que va-t-il se passer à présent ? Très peu sans doute. Le système médiatique est trop lourdement engagé, trop profondément enkysté dans ses routines et ses prébendes pour être capable d’évoluer. Une généralisation de cette remise en cause est impossible dans la sphère médiatique audiovisuelle actuelle. Et cela dans quelque domaine que ce soit. « Ouest-France » n’a besoin de personne et c’est sa force. Les faibles n’ont pas ses marges de manœuvre. On ne peut imaginer le service politique de France 2 sans ses faux témoins, ses traquenards, ses interminables vendettas et ses coups de billard où les personnalités politiques sont de la chair à canon médiatique et les jouets de luttes internes des chefferies de services.
Dorénavant il semble qu’il y ait pire. La chaîne d’extrême droite CNEWS vient de le montrer. Elle a inauguré une émission dont Zemmour a été le premier invité. Une monstrueuse clownerie. Le joli monde des médias n’en dira pas davantage qu’au moment où des émissions de divertissement comme Quotidien se sont imposées comme des « temps d’information ».
Comme tous ceux qui suivent ce que j’en écris depuis des années, à mes yeux, le système médiatique, nonobstant ses différences et ses diversités, est avant tout et pour l’essentiel la seconde peau du système économico-politique dont il assure la protection. À cela s’ajoute dorénavant l’omni présence de l’appareil sondagier. Il est devenu le pelage protecteur des errances de la classe médiatique. Travail d’Hercule d’affronter ce monstre. Christophe Barbier avait résumé l’inutilité de mon combat sur le sujet : « on ne peut pas gagner contre les médias ». En effet, et je vois bien que croire le contraire est suicidaire. La seconde peau finira avec ce qu’elle protège et pas avant. Qui déciderait d’en faire un trophée s’expose au pire. Pour les connaisseurs : cette seconde peau devient alors ce que fut la tunique de Nessus pour Hercule : un poison lent, mais violent. Mieux vaut procéder autrement.
La façon avec laquelle nous avons renouvelé nos méthodes de combat à propos de l’appareil sondagier semble porter ses fruits. Pas de choc frontal, mais une critique argumentée sur la base même des données qui sont censées justifier la « scientificité » de chaque enquête. Nous l’avons fait à partir du travail de statisticiens, de sociologues et de mathématiciens insoumis. Sur cette base il est impossible aux sondeurs concernés d’échapper a l’exposé de leurs turpitudes. Le doute est désormais installé de tous côtés au point d’avoir provoqué une indigestion morale jusque dans la classe médiatique.
Notre cible n’est pourtant pas l’appareil sondagier en général. Certes, il ne semble guère plus capable en général d’intelligence des situations ni de compromis que la sphère purement médiatique. Il pense lui aussi jouir d’une rente à perpétuité. C’est en bonne partie vraie car médias et sondeurs se tiennent par la barbichette. Les uns ont trop besoin des autres et vice versa. Mais ils sont eux aussi à leur tour atteint par le mécanisme général de rejet et de mépris dont nous avons besoin qu’ils soient tous frappés. Sinon comment protéger notre propre espace d’existence et la survie de notre courant d’idées dans l’histoire ?
En effet, une nouvelle fois, nous faisons l’objet d’une tenaille sans fin : « la gauche ragnagna est divisée donc elle va perdre ». De nos programmes respectifs rien ou si peu. Du correctif que seule une presse libre pourrait opposer à un pouvoir macroniste aussi intrusif et bourreur de crâne : rien ou presque. Le contraire : le refrain sempiternel de la défaite annoncée pour tout ce qui n’est pas Macron. Que la gauche ne soit pas davantage divisée qu’en 1981 et que la droite et l’extrême droite le soient bien plus que jamais n’est pas dans les refrains de l’heure. On comprend pourquoi. Il faut donc non seulement faire notre travail militant avant tout mais aussi faire ce qu’il faut pour enrayer les pièces essentielles de la machine adverse. L’élection en cours est d’une nature et d’une consistance sans précédent. Les possibilités sont considérables. Toutes les possibilités. Cela du fait même de l’instabilité et des secousses que provoquent dans les profondeurs des consciences les abus de pouvoir permanents du régime et de sa deuxième peau médiatique pour tout cadenasser. La crise morale ouverte par « Ouest-France » est soit le chant d’un cygne déjà moribond ou bien un signal avant-coureur de l’ampleur du malaise qui couve dans toutes les couches de la société.