Montebourg à la dérive
Évènement de dernière minute ce dimanche : une déclaration d’Arnaud Montebourg contre les transferts de salaires vers la famille dans les pays d’origine de celle-ci. Ce serait pour obliger les gouvernements de ces pays à accepter de récupérer leur ressortissants expulsés de France dont aujourd’hui ils ne veulent pas toujours accepter le retour au point de départ. Une mesure cruelle. En quoi des milliers de gens sans moyens seraient-ils responsables des actes de leur gouvernement ? Et comment ne tenir aucun compte de ce qui se passera si de telle masse de population se retrouvent sans ressources ? On peut légitimement penser que cela serait une incitation forte à de nouvelles émigrations de survie !
À peine l’idée était elle lancée que Zemmour et le Pen en réclamaient la paternité antérieure. Car évidemment comme d’habitude sur le plateau aucun expert n’avait pensé à le dire. Non par complot mais parce qu’ils n’en savaient rien ! C’est désormais souvent la règle dans une bonne part du monde du journalisme politique. Ils ne suivent rien, ne lisent rien et ne bossent pas les sujets avant d’arriver sur le plateau. Donc Montebourg pouvait raconter ce qu’il voulait sans être chahuté sur ses reprises du programme de l’extrême droite. De plus, pas un des arguments de pur raisonnement que je viens d’avancer n’a donc été cité. Pourtant, à condition d’avoir une fois dans sa vie parlé avec une personne immigrée, tout le monde connaît comme moi le poids de l’argent qui retourne au pays dans les us et coutumes de l’immigration.
Enfin, pour un responsable politique qui s’intéresse aux affaires du monde, on doit savoir au moins de quoi on parle au plan macro-économique et géopolitique. Le transfert de salaire des migrants est la principale ressource des pays à revenu faible et intermédiaire (excepté la Chine). Il s’est élevé à 550 milliards de dollars en 2019, c’est a dire bien plus que toutes les aides publiques au développement. Pour certains pays, ces transferts dépassent le 25 % de leur PIB ! Selon l’économiste principal au pôle macroéconomie et gestion des finances publiques de la Banque mondiale, les envois de fonds des migrants sont en passe de devenir incontournables en matière de financement du développement. D’après cette note, ces flux sont au moins 3 fois plus importants que l’aide publique au développement et il prévoit que dans 5 ans, les transferts d’argent de cette nature dépasseront les montants réunis de l’aide publique au développement et des investissements directs de l’étranger vers ces pays. Dans certains pays, la part du PIB que représentent les envois de fonds dépasse largement celle des exportations de marchandises.
Des causes profondes sont à l’œuvre qu’il n’est pas au pouvoir de Zemmour, Le Pen ou Montebourg d’inverser. Par exemple, l’écart de revenu moyen par habitant entre un pays à revenu élevé, 43.000$, contre 795 dans un pays à faible revenu, soit une proportion de cinquante-quatre pour un ! Les déséquilibres démographiques aussi sont là où l’on voit que 55 millions de personnes seront en âge de travailler dans les pays à revenu faible et intermédiaire tandis que cette catégorie diminuera de 40 000 000 de personnes dans les pays à revenu élevé. Enfin le changement climatique, car on estime que déjà 143 000 000 de personnes ont été déplacées dans leur propre pays en raison des dérèglements du climat. Sans oublier le résultat des conflits et des violences puisqu’un nombre record de 7 millions huit-cent mille habitants ont été contraints de fuir leur foyer en 2018.
Les envois de fonds sont donc une planche de salut pour ces pays. c’est d’ailleurs l’aide la plus efficace puisqu’elle va directement aux familles ! Raison pour laquelle l’Organisation des Nations Unies a reconnu l’importance essentielle de ces envois pour la réalisation des objectifs de développement durable. S’il y a un problème avec ces transferts, c’est plutôt la ponction que les banques opèrent sur lui ! Elles prennent en effet en moyenne 7% pour un transfert de 200 dollar au sud du Sahara ! Le tarif moyen est de 9,3% points mais il peut attendre plus de 18% sur 5 directions les plus coûteuses. Ce qui s’apparente à une véritable prédation sans objet. En tous cas pour ce qui me concerne ma ligne ne bouge pas : il faut donner aux gens le moyen de vivre et travailler au pays. Et pour cela il faut qu’ils en aient les moyens.
Au point que la question se pose : cette pression à l’immigration économique n’est-elle pas le but visé par Montebourg et, au fond, ne se contente-t-il pas d’être cohérent ? Car le même homme dans la même émission, toujours sans interruption insolente de la part de qui que ce soit a pu dire : « ma position c’est de dire qu’on a une immigration économique qui est insuffisante aujourd’hui ». Ce qui n’est pas rien non plus et mériterait une discussion d’ensemble, me semble-t-il. J’admets cependant que ce moment semble avoir été assez improvisé dans l’esprit du café du commerce plutôt que dans celui d’un présentation programmatique sérieuse. Car la suite du propos sentait fort l’impro quand Montebourg parle de Zidane et d’Aznavour comme des immigrés naturalisés alors que les deux sont nés Français… Au demeurant, cette trouvaille ne figure pas dans le livre programme qu’il va bientôt distribuer. S’il parle de la sorte cependant, on peut penser qu’il le fait exprès. Son idée est de signaler une qualité par un point fort. Cette qualité c’est d’être compatible avec la droite (alias « les républicains de l’autre rive ».
Nous entrons dans le cycle du débat de la droite. Quatre débats à la télé pour choisir leur candidat. En fait, la droite traditionnelle, réfugiée dans le fortin LR joue son va-tout. Si un personnage se détache, le parti LR peut espérer perdurer. Sinon il subira le sort du PS en voie de dissolution électorale entre Macron, EELV et LFI. Pour LR ce sera la dissolution électorale dans les eaux du Zemourisme ou du macronisme.
Il y a une logique de situation. LR et le PS ont dominé la scène politique pendant cinquante ans. Les deux chacun leur tour ont installé le néolibéralisme en France. La bourgeoisie traditionnelle qui portait la droite y a laissé sa peau, le monde salarié sous statut stable la sienne. Ces deux-là ont détruit leur écosystème. La conclusion politique s’est jouée en 2017. Le système politique français s’est effondré. Depuis lors, ni l’un ni l’autre des géants d’hier n’a reconstitué quoi que ce soit de ses forces ou de son programme ou de ses structures. L’un et l’autre se sont contentés de croire possible leur retour mécanique dans les faveurs des électeurs. Pour autant, ils n’ont rien changé de leur pires habitudes en matière de lutte interne pour prendre le contrôle du label. De la sorte aucun renouvellement réel n’a eu lieu dans leurs dirigeants ni cadres intermédiaire qui ne savent toujours rien faire d’autre que de gérer un héritage. D’aucuns ont cru possible l’alignement du PS derrière EELV. De fait, le centre gauche ne peut fonctionner en deux pôles. Mais qui cède à l’autre est menacé de disparaître tout simplement tant ces deux formations et leur porte-paroles sont devenues interchangeables.
C’est moins vrai maintenant que Jadot rapproche ses positions de celles du programme insoumis. De ce côté du tableau, les choses bougent. Cela a un sens politique. Les catégories sociales que Jadot pense attirer rompent avec l’euro-béatitude. Mais aussi avec l’illusion d’un capitalisme indépassable. Notamment la jeune génération, née et grandie dans l’angoisse du changement climatique et de la sixième extinction. Un changement de cette nature est-il possible à droite ? La droite traditionnelle pourrait-elle récupérer un discours de recentrage sur une économie nationale relocalisée ? Elle pourrait alors s’arracher a l’attraction macroniste qui est entièrement construite sur la ligne libérale et eurolâtre qui est assez mal assimilée par les bases de la droite traditionnelle.
Cela paraît peu probable. Au bout du compte, la droite LR se contente de reprendre les refrains libéraux sur les retraites et ainsi de suite sans un mot sur le bien-être social de qui que ce soit. C’est la surenchère antisociale entre Bertrand, Pécresse, Barnier sur ce terrain avec des âges de départ en retraite proposés entre 64 et 67 ans. Pécresse propose de supprimer 200 000 postes de fonctionnaires, Ciotti 250 000 : moins de policiers, de profs ou d’infirmières ? On connaît la musique. Et pour le reste, elle court derrière Zemour. Au point de voir Éric Ciotti s’affirmer pour un vote Zemour au second tour. Ca ne donne pas la clef pour devenir identifiable.
Cependant ce serait une erreur de croire la droite diluée avant l’heure. Sa capacité de résistance du fait de ses ancrages profonds dans des intérêts matériels non moins profonds en fait un ensemble bien moins volatil que le PS et ses légions de travailleurs sous statuts disparus dans le néant de la précarité structurelle. On l’a bien vu avec un Fillon ressortant à Vingt pour cent de cinq semaines bashing personnel. C’est bien pourquoi la macronie est en état d’alerte. Car pour elle son objectif c’est d’être la droite et le centre à elle toute seule, selon une logique à l’œuvre depuis bien longtemps d’ailleurs dans la compétition entre UDF et RPR puis entre UMP et Modem ensuite. En ce sens, son futur se joue dans ce moment où LR pourrait penser reprendre la main.
C’est pourquoi on doit s’attendre à quelques beaux coups tordus. Déjà le service public gouvernemental a donné le « la » en diffusant la veille du premier débat de la primaire LR un documentaire sur « l’affaire Fillon ». Ainsi est injecté dès le départ un parfum qui est censé coller aux basques de LR. La méthode Macron est toute là-dedans : fractionner à fond tout ce qui est en face de lui : de la gauche à la droite, tout réduire en poussière électorale. Pendant ce temps le fond de l’air reste aux thèses de l’extrême droite : 230 articles de presse par jour pour Zemmour depuis septembre, sans compter les heures de télé. La droite s’y perd en répétition et double emploi. Et il faut bien dire que venant de la gauche traditionnelle cela ne vaut guère mieux. Le tournant sur la sécurité et l’immigration de Roussel et Montebourg n’aide guère à desserrer l’étau.
L’augmentation des prix de l’énergie a d’amples répercussions pour la vie quotidienne de millions de Français. Récemment, une étude montrait comment 60% des Français baissaient le chauffage en dessous du niveau de confort pour tenter d’alléger les factures. C’est pourquoi j’ai proposé depuis le début du mois de septembre une loi d’urgence sociale incluant un blocage des prix de première nécessité tels que ceux de l’énergie domestique.
Cette semaine, la lutte pour un droit inconditionnel à l’accès à l’énergie reçoit une aide de poids. C’est la Fondation Abbé Pierre qui lance une campagne pour ce droit. La Fondation, reconnue par tous pour son rôle et son expertise dans la lutte contre la pauvreté et le mal-logement, demande l’abolition des coupures d’électricité. Aujourd’hui, environ 300 000 foyers se font couper l’électricité par an (le dernier chiffre date de 2019) en raison de factures impayés. 300 000 de plus vivent la même chose pour leur abonnement de gaz. Soit 600 000 coupures chaque année. On se souvient comment le fast-cheking de BFM avait prétendu le contraire le soir de mon débat avec Zemmour.
Le directeur des études de la fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue, décrit bien les conséquences de coupures d’électricité sur la vie quotidienne : « vous n’avez plus les moyens de vous chauffer si vous avez un chauffage électrique. Vous ne pouvez plus vous éclairer. On ne peut même pas faire des démarches pour chercher du boulot, pour essayer de contacter les travailleurs sociaux. Pour les ménages qui les subissent, c’est une humiliation et une source d’angoisse. Pour ceux qui les craignent, c’est une épée de Damoclès ». Ainsi on voit bien comme je le disais que « L’électricité est plus que jamais un bien de première nécessité » comme le dit la Fondation Abbé Pierre dans son communiqué.
Une fois de plus on constate combien la pauvreté n’est pas qu’un phénomène « monétaire » (pas de sous !). C’est un état qui englobe tous les aspects de la vie. Jusqu’à la santé psychique. Pour éradiquer la pauvreté, il faut mettre en place des droits universels. Comme donc, le droit à l’accès à l’énergie. La Fondation Abbé Pierre propose un service minimum de l’électricité de 1000 kilowattheure qui seraient fournis dans toutes les résidences principales, quelle que soit la situation financière des ménages. Manuel Domergue explique : « Cela permettrait aux ménages d’avoir accès à la lumière, à un frigo ou un congélateur pour conserver des aliments, de charger un téléphone ou utiliser un ordinateur. Des choses basiques ».
Je souscris à cette proposition d’interdire les coupures d’électricité. Mon programme, L’Avenir en Commun, va plus loin. Comme pour l’eau ou pour le gaz, je propose pour l’électricité la gratuité totale des premiers kilowattheures. Pour financer cet accès garanti à l’énergie, il faudra sûrement revenir sur la privatisation de l’énergie. Des entreprises privatisées et fournisseurs d’énergie comme Engie ou Total ont versé cette année respectivement 1,3 et 7,6 milliards d’euros à leurs actionnaires. En créant un pôle public de l’énergie, il y a donc moyen de récupérer largement les sommes pour financer la gratuité d’un minimum garanti d’énergie. Dès à présent en confisquant 10 % des bénéfices des fournisseurs on pourrait rendre 500 euros à chaque abonnés du gaz. C’est exactement la somme de ce qu’ils ont dû payer de plus depuis 2017.
Si je cite la proposition de la Fondation Abbé Pierre dans cette note de blog, c’est parce qu’eux même ne cachent pas leur objectif d’interpeller les candidats à la présidentielle. Je trouve cette démarche saine. Manuel Domergue explique : « Pendant la campagne présidentielle, on a envie qu’émergent des thèmes qui concernent la vie quotidienne des Français et de montrer qu’il peut y avoir des acquis sociaux nouveaux à conquérir ». C’est pourquoi j’espère que de nombreux candidats répondront à l’idée de la Fondation. En positif ou en négatif, nous avons tout à gagner à avoir un débat approfondi sur cette question avant l’élection présidentielle. Si nous ne faisons que tourner en rond autour des questions absurdes de Zemmour, ce sera une élection gâchée.
J’étais dans ma préparation de l’émission sur BFM. J’ai à peine vu passer l’info sur le moment : la mise en examen de Bastien Lachaud pour « escroquerie » à propos de ma campagne présidentielle de 2017. Bastien gagnait 1900 euros dans son poste à l’association « L’Ère du peuple » qui était prestataire de service de la campagne. S’est-il enrichi personnellement ? Non et le juge en a convenu. Il s’agit donc d’une « escroquerie »… sans but matériel. L’association s’est-elle enrichie par cette campagne ? Non. Tous impôts et taxes payées, l’association a réalisé un profit de… 6000 euros ! Il s’agit de nouveau d’une « escroquerie » sans motif. Voilà campé le tableau de l’escroc et de l’escroquerie pour lesquels Bastien Lachaud est mis en examen et trainé dans la boue ! Que Médiapart se sente obligé de claironner l’info, admettons-le, car la presse est libre comme chacun le sait bien. Ce journal nous est hostile sans qu’on sache pourquoi depuis sa fondation. C’est bien son droit. Mais pourquoi se sent-il obligé de publier des insinuations flétrissantes et fausses ? Par exemple quand Médiapart écrit que la prestation de « L’Ère du peuple » était vendue plusieurs fois plus cher que le salaire à l’heure de Bastien Lachaud ! Une pure Intox malveillante. Voici pourquoi.
1/ Intox d’abord parce que jamais dans aucune entreprise une prestation n’est vendue au prix coûtant de l’heure de salaire de celui qui l’accomplit. Médiapart par exemple n’est pas vendu à ceux qui s’y abonnent au prix total des salaires payés à ses employés. Médiapart y ajoute ses frais de sièges et ses coûts de toutes sortes pour produire l’info. Il en va de même pour « L’Ère du peuple » et il ne peut en être autrement.
2/ Intox ensuite parce qu’il est interdit en campagne électorale de vendre une prestation en dessous du prix de marché. Sinon c’est un délit de sous-facturation comme celui qui a été reproché à Bygmalion. Le prix de vente des prestations de « L’Ère du peuple » a donc été celui du marché, ni plus ni moins. Et cela par obligation légale. Non pas en vue de bénéfices. Le bilan final des comptes de l’association le prouvent.
3/ Intox enfin quand Médiapart recopie le motif de mise en examen sans aucun recul ni moindre esprit critique. Il aurait pu préciser que la liste des grand mots de cette mise en examen « escroquerie, usage de faux », etc., tout repose sur le motif de mise en examen de départ. Lequel ? Bastien est accusé d’avoir fait un « prêt illicite de main d’œuvre » en faisant travailler des gens pour et sous les ordres d’une autre entité : le compte de campagne. Grossière méconnaissance du monde des militants en campagne qui ne changent ni de nom ni de situation selon qu’ils militent bénévolement ou sous contrat de travail. Mais quand bien même on l’aurait oublié à Médiapart, il n’en reste pas moins qu’un tout petit peu de connaissance en droit du spécialiste de la justice qui nous salit devrait le conduire à une tout autre conclusion.
En effet Bastien étant employé, il est donc du point de vue du droit la victime du prêt illicite de main d’œuvre. La victime. Il suffisait pour le savoir de demander à Martine Orange du journal Médiapart qui est une spécialiste, elle, du droit du travail. Personne n’a l’air de s’étonner de cette nouveauté appliqué aux seuls insoumis : accuser quelqu’un d’un supposé délit dont il est juridiquement la victime. Tout cela, Médiapart et ses repreneurs à l’AFP, France Inter et France 2 du 20 Heures et tous les organes du « service public » gouvernemental auraient pu le savoir au prix de cinq minutes de recherche. Toute cette « affaire » ne tient pas debout et, comme il reste beaucoup de monde qui fait du droit dans la justice, le recours de Bastien Lachaud pour nullité de la procédure engagé contre lui a les meilleures chances d’aboutir. Le niveau de corporatisme et de copinage que réclame le fait de donner raison au « juge » de cette affaire compte tenu de ses états de service et de son parcours est bien peu probable car la Justice n’est pas à ce point malade dans ce pays. Tout cela donc fera « pschitt ! ».
Dès lors, cette manœuvre n’a qu’un but : faire diversion au moment où les proches du président sont dans l’œil du cyclone judiciaire et, bien-sûr, salir les insoumis.
En effet, renseignement pris, la mise en examen de Bastien Lachaud date d’un mois. Mais elle sort maintenant dans Médiapart. Hasard ? C’est le même jour où ce média publie des relevés d’écoutes téléphoniques dans une affaire en cours d’instruction. Dans ce relevé intervient madame Macron. Ces relevés violent le secret de l’instruction dans l’enquête sur son interlocutrice madame Marchand. Ces fuites ne peuvent avoir d’autres sources que judiciaires ou policières. Tout cela sent le deal à plein nez : je te passe le sel si tu me passes le poivre. Un tweet du journal de prendre la pause indignée « alors quand on parle de madame Macron, l’AFP n’en parle pas mais de Mélenchon oui ». De l’art de prendre les gens pour des imbéciles !
J’ignore si Médiapart a publié tout cela pour avoir son scoop sur madame Macron ou si c’est seulement (ou aussi) pour mener son interminable vendetta contre les Insoumis. Mais quelque chose est certain. Et je le sais de sources de l’intérieur même de la place : la reprise en « alerte » puis dépêche par l’AFP, l’introduction dans le journal de 20 heures de France 2 et de France Inter n’ont eu lieu que sur instruction et sur insistance de la haute hiérarchie. Tel est ce monde d’intrigues et de services mutuels où se forme un continuum qui unit magistrats bavards en mal de notoriété, policiers intéressés et journalistes « d’investigation » spécialistes du copié-collé de pièce d’instruction. En bout de chaîne, des gens honnêtes, des militants intègres sont persécutés et salis à grands jets de pseudos infos. J’ai été victime du même procédé dans « l’affaire » et l’enquête préliminaire sur le paiement des indemnités dues aux pauvres policiers victimes de nos décibels lors des perquisitions. Tout cela a été ensuite « classé sans suite ». Mais les médias du gouvernement qui avaient relayé « l’info » n’en ont rien dit.
Mais qui compense le mal fait par le cirque médiatique ? À Bastien Lachaud, à nous tous Insoumis, à moi puisque mon nom est cité autant de fois que les radios et télés gouvernementales reprennent « l’info » ? Personne évidemment.
Personne ne le compensera. Car toute cette pantalonnade n’existe que pour nuire et faire diversion. On m’a recommandé de me tenir à l’écart de cette mise en examen de Bastien Lachaud. Je ne le ferai pas. Je me fais au contraire un devoir de m’exprimer par fidélité en amitié et respect pour l’homme et le militant politique hors pair qu’est Bastien Lachaud. Il est mon camarade de combat depuis qu’il a 20 ans. Aujourd’hui remarquable député de Seine-Saint-Denis, il est un des membres les plus bosseurs de la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale et un militant animaliste de premier rang. Il est l’organisateur de tous les évènements de notre actuelle campagne présidentielle comme il l’a été de la précédente. Il n’a jamais escroqué personne ni bénéficié d’aucun avantage matériel du fait de son activité.
J’avais prévenu. Cette campagne sera sale. L’ambiance fascistoïde anti parlementaire, les mises en cause juridiques infamantes vont se succéder. Qui, sauf un « juge » peut traiter quelqu’un « d’escroc » et de « faussaire » sans aucune preuve avant tout procès et dans tous les médias sans que nul ne puisse répliquer ni se défendre ? Un tel privilège est trop goûteux et flatteur pour que l’intéressé y renonce après une carrière incohérente et sans gloire. En Équateur, Rafael Correa a fait l’objet de 25 inculpations pour l’éliminer ; on se souvient pour Lula avec un juge français en stage d’apprentissage chez le ministre d’extrême droite avant qu’il organise la perquisition chez moi.
Je sais qu’il se prépare un feuilleton avec des mises en examen perlées au fil de la campagne. Certains candidats (au pluriel) ne se privent pas de compter dessus pour me voir éliminer de la prochaine élection de ce que je sais de l’intérieur. Cela ne sera pas sans réplique. Elles seront proportionnées et surtout argumentées comme l’est celle-ci. Notre but n’est pas d’empêcher que cela ait lieu. On n’y peut rien. Les fuites illégales d’information ne sont jamais sanctionnées ni même enquêtées par la Justice. Elle donnent lieu à divers trafics qui créent un système bien connu où tout le monde tient tout le monde par la barbichette. Il faut compter que les gens petit à petit le comprennent et soient lucides sur l’existence de ce système. Exactement comment cela s’est fait pour la police et l’IGPN ou les sondages. Notre but doit d’être d’élever le niveau de conscience de ceux qui nous font confiance pour qu’ils comprennent mieux le monde dans lequel ils vivent et le rôle des grands mots comme « indépendance » des médias ou de la Justice. À échelle de masse, un clou chasse l’autre. Ce type d’info salissante s’oublie vite dans le flot de boue quotidien qui coule en continu. Seules restent la prise de conscience, la lucidité, l’identification des adversaires et donc la conviction politique que cela peut construire. La conscience se construit par la riposte à ceux qui veulent l’aveugler.
Le vert fini toujours par passer au rouge. C’est sans doute valable aussi pour Yannick Jadot. Il faut reconnaître ses progrès considérables ! En visite dans une usine textile, il parle de changer nos moyens de production. Pour cela, il propose de planifier la réindustrialisation du pays. Je me félicite d’être rejoint sur ce point. Le nombre de ceux qui s’habituent à ce vocabulaire augmente et nombre de militants électeurs d’EELV apprennent ainsi à l’accepter. Il est temps.
Cela presse en effet. Sous le régime du trio infernal Sarkozy – Hollande – Macron, une usine a été délocalisée chaque semaine. En 10 ans, 500 000 emplois industriels ont été détruits. À raison, Jadot défend donc la nécessité du « protectionnisme ». Car à l’inverse, la logique du marché ouvert du moins-disant social et environnemental qui y règne ne poursuit qu’un objectif : celui de l’accumulation des profits. Encore une fois, il faut saluer ce pas de Jadot dans le sens d’une écologie de rupture avec le capitalisme financier. Le mot « protectionnisme » présent dans notre vocabulaire depuis 2016 nous a coûté assez de remarques désagréables de tous côtés (y compris EELV) pour qu’on apprécie le changement. L’adoption du mot par un homme qui s’en tenais à distance est donc une bonne affaire pour la reconstruction globale du paysage des mots qui formatent les consciences.
Yannick Jadot veut aussi favoriser le « made in France ». Il insiste sur le rôle de l’État et de la commande publique pour y parvenir. Évidemment, le premier souci des entreprises, c’est de remplir leur carnet de commande ! Seul l’État peut leur offrir de la visibilité. Pour cela, il doit fixer des objectifs à partir des besoins. Toute la chaîne de production se met ensuite en action pour y répondre. À l’inverse, le libre-marché sème la pagaille et le désastre. Le textile n’y a pas échappé. Entre 1996 et 2015, l’industrie textile française a supprimé les deux-tiers de ses effectifs et la production a chuté de moitié.
Aujourd’hui, 75% des vêtements et chaussures consommés en France sont importés. Évidemment, cela à un coût social, mais aussi écologique. Ainsi, Un jean parcourt en moyenne 65 000 km avant d’être acheté par un Français. Il passe en moyenne par 12 pays différents. Bonjour les émissions de gaz à effet de serre. D’autres impacts sont moins connus et tout aussi dévastateurs. Ainsi, la culture du coton consomme le quart des pesticides produits dans le monde. La production d’un jean nécessite l’équivalent de 7 ans de la consommation d’eau d’un être humain. Heureusement certains résistent. J’ai souvent pris l’exemple de l’usine 1083 dans la Drôme et de ses jeans 100% français.
Pour y remédier, Yannick Jadot défend donc à son tour le « made in France ». Nous en avons effectivement les moyens. La France est par exemple le premier producteur mondial de lin. C’est une culture d’avenir : elle utilise moins d’eau, d’engrais et de pesticides que celle du coton. Mais presque toute la production part pour être filée en dehors du territoire national.
Mais Yannick Jadot défend aussi le « made in Europe ». À minima dit-il. Son raisonnement atteint ici ses limites. A-t-il oublié le cataclysme provoqué en France par la suppression des quotas de l’Union Européenne sur les importations de textiles chinois en 2008 ? D’autant que la concurrence n’est pas seulement chinoise. Elle est aussi européenne. Ainsi, en 2015, un tiers des importations françaises viennent de pays européens à bas coût social.
En fait, on touche sur ce point la limite du raisonnement et de la crédibilité des affirmations de Jadot. Il affirme incarner une candidature « proeuropéenne ». Or, les traités européens interdisent tout changement en profondeur de nos façons de produire et d’échanger. D’abord, sa proposition de modulation de TVA pour aider à relocaliser est une usine à gaz en vérité impraticable. Mais surtout, il n’est nullement garanti que les gardiens de traités européens le permettent. En effet, toute valorisation des produits français dans les marchés publics face à d’autres est condamnée par avance. En effet, la discrimination entre différents produits circulant dans le marché intérieur européen en fonction de leur provenance est considérée comme une entrave à la concurrence. Yannick Jadot le sait parfaitement. On peut donc penser qu’il va progressivement avancer dans notre direction aussi pour réclamer la fin de ces traités.
Et ce n’est pas le seul hic. Pour réindustrialiser le pays, il faudrait un plan d’investissement massif au service de la bifurcation écologique. Mais cela est incompatible avec les règles budgétaires européennes. Cerise sur le gâteau, les traités européens consacrent le libre-échange pour l’intérieur de l’Union comme pour ses relations avec les pays tiers. À l’opposé du protectionnisme donc.
L’évolution de Yannick Jadot est une nouvelle convergence bienvenue avec la vision de l’économie portée par le programme insoumis « L’Avenir en Commun ». En effet, l’économie ne doit pas être une fin en soi. Au contraire, elle doit être mise au service du progrès écologique et social. L’harmonie entre les êtres humains et avec la nature se trouve au bout du chemin. Mais je le redis : il y a une cohérence logique entre la réindustrialisation du pays et la remise en cause des traités européens. Autrement, toute volonté de bifurcation écologique et de protectionnisme sonne creux. Yannick Jadot doit aller au bout de ce qu’il amorce. C’est à dire qu’il doit aller au bout de la cohérence des idées qu’il adopte. C’est le prix à payer pour être une alternative gouvernementale.