L’aciérie Ascoval, dans le Nord, produit des barres d’acier pour celle d’Hayange, en Moselle. Ces deux usines associées sont les principaux fournisseurs de rails de la SNCF et d’une partie du réseau ferré européen. Nul ne peut ignorer le caractère stratégique de ces deux usines. La rentabilité garantie promise par cette industrie ouvre les appétits.
Le gouvernement n’a pas levé le petit doigt pour les protéger. Résultat, elles ont changé de main deux fois en un an. En juillet 2020, elles ont été reprises par le groupe britannique Liberty Steel. Inquiet lors de la faillite du groupe britannique, j’ai interrogé le gouvernement via une question écrite en juin dernier. La réponse fut laconique : «Aujourd’hui, plusieurs offres d’industriels sérieux ont été reçues et permettent d’espérer le meilleur pour ces deux sociétés françaises stratégiques. » Puis, en août 2021, elles ont été rachetées par le groupe allemand Saar Stahl. Mais au lieu d’ «industriels sérieux» et d’avenir meilleur, la suite du dépeçage ne s’est pas faite attendre. L’occasion fait le larron, comme on dit. Et il faut dire que c’est une occasion en or. Ascoval a bénéficié de 150 millions d’investissements ces dernières années. Il s’agit de l’une des aciéries les plus modernes d’Europe. Ses fours sont électriques et pourraient être convertis à l’hydrogène produit à partir d’énergies renouvelables.
L’avenir est au vert pour cette filière industrielle. En effet, le ferroviaire est un allié de la bifurcation écologique. À trajet équivalent, un train pollue 100 fois moins qu’un avion et 40 fois moins qu’une voiture. En France, le chantier est immense car les réseaux sont vétustes : les voies ont en moyenne 30 ans, les caténaires 40, les appareils de voies 29 et les appareils de signalisation 26. Il n’y a donc aucun mal à remplir le carnet de commandes. Et c’est déjà le cas. Ces derniers mois, Ascoval a multiplié sa production et son chiffre d’affaires par cinq.
Le gouvernement n’a pas non plus lésiné sur le saupoudrage d’argent public. Avant sa reprise, l’État a débloqué un prêt de 20 millions d’euros pour payer les salaires. Pour finir de séduire le groupe allemand, le conseil régional des Hauts-de-France a effacé une partie du prêt de 12 millions d’euros accordé à l’aciérie. Les élus insoumis ont été les seuls à réclamer que cela soit assorti de conditions écologiques et sociales. En vain.
Les vautours arrivent à cette étape. La logique de marché a fait flamber les prix de l’énergie. Jamais à court d’idées, le groupe allemand y a vu une aubaine. Il a émis l’idée de délocaliser « temporairement » 40% de la production en Allemagne. Cerise sur le gâteau : les hauts-fourneaux allemands tournent au charbon. Où est passé Macron champion de la Terre ?
Heureusement, la direction a fait marche arrière. La mobilisation paye. Mais il faut rester vigilants. Ils ont tenté une première fois cette manoeuvre de pillage. Ils peuvent donc recommencer. D’autant qu’il n’y a qu’un pas entre une délocalisation «temporaire» et une délocalisation tout court.
Les 270 salariés d’Ascoval et les 430 salariés d’Hayange ont raison d’être soupçonneux. Si la production de matière première vient à partir en Allemagne, qui peut croire un seul instant qu’elle continuera de revenir en Moselle pour être laminée en rails ? Ils commencent par tirer un bout du fil et finissent par détricoter toute la pelote ! Tout le monde se méfie désormais du propriétaire. Ces entreprises doivent rester dans le giron français. Si je suis élu, j’appliquerais mon programme. Toute tentative de délocalisation d’entreprises stratégiques contraire aux intérêts fondamentaux de la Nation sera contrée par des peines de réquisition d’intérêt général. Il suffira d’exécuter les articles du code pénal prévus à cet effet. Action, réquisition !