Je veux faire entrer dans la campagne présidentielle un débat sur l’état de nos outils de défense nationale et singulièrement la dissuasion nucléaire. Ce thème a une actualité immédiate et de long terme. Mais, généralement, on ne parle pas de défense dans les grands médias ou au Parlement. C’est en partie lié au fonctionnement de la monarchie présidentielle. Elle concentre dans les mains d’une seule personne, le pouvoir pour notre Nation d’entrer en guerre. La situation relève alors davantage de la magie que de quoi que ce soit de raisonnable. Comment penser les problèmes si on n’en parle jamais ? Dans la presse aussi, le plus souvent, tout est figé, tout est tabou. Un groupe de mots sacrés est en place autobloquant tout débat. Quand on prononce une parole divergente des États-Unis, on est instantanément traité d’anti-américanisme primaire. Cela ne va pas plus loin.
Mais dernièrement, j’ai eu trois espaces dans lesquels développer mes vues sur la dissuasion, sur LCI dans l’émission d’Amélie Carrouer, puis dans un entretien à La Tribune, enfin à France 24. J’en dis donc un mot ici en ramassant ma thèse.
La sécurité du monde et la place de notre pays sont en jeu dans l’élection présidentielle. La France est un pays de seulement 67 millions d’habitants. Elle a donc intérêt à être vigilante. Et nous sommes présents sur tous les continents et toutes les mers. Nous sommes donc une nation directement impliquée dans la marche du monde entier.
Les dirigeants français actuels traitent cela avec beaucoup de désinvolture. Le pire était François Hollande. Il ne s’y intéressait pas et en avait une vision faite beaucoup de purs préjugés de buvette. Il a, par exemple, signé un mois après avoir été élu, un accord à Chicago pour l’OTAN, acceptant qu’on installe des batteries anti-missiles en Pologne. On nous vendait ça comme une machine à contrer des missiles… iraniens. Il avait avalé cela tout rond, en disant « j’ai fait connaître mes réserves ». Mais aussitôt l’Europe était de nouveau susceptible d’être un champ de bataille avec l’accord des Français.
Pourtant, si on accepte les missiles anti-missiles en Pologne et qu’ils menacent 70% du processus de défense des Russes, cela veut dire qu’on menace les Russes. Et donc qu’ils vont répliquer. On accepte qu’une partie de la bataille ait lieu en Pologne. Et cela contredit la doctrine française de la dissuasion nucléaire justement faite pour ne pas accepter un combat à nos frontières. De la même manière, les bombes nucléaires nord-américaines en Allemagne ne sont pas une affaire pour les Français, car ils installent une cible aux portes de la France.
Les questions de défense nécessitent de la lucidité, du caractère et du courage. François Mitterrand avait su s’affirmer. Il avait cette phrase terrible : « Les fusées sont à l’Est, les pacifistes à l’Ouest ! ». Ce n’est pas selon moi le meilleur moment de sa présidence, mais il l’assumait. Il permettait le débat. Le Général de Gaulle avant lui avait assumé une position d’une incroyable provocation : créer la force nucléaire française « tout azimut ». Les journalistes lui disaient : « tout azimut !! Mais aussi pour les Américains ? ». Évidemment, la réponse était oui. Je partage cette position. La France défend ses frontières toute seule. Et elle doit prendre tous les moyens d’exercer des repérésailles qui dissuadent ses ennemis de l’attaquer. Tout le monde est obligé de vivre en paix avec les Français parce qu’ils sont capables de répliquer avec une violence insoutenable. Bien sûr, une première objection serait que cette violence n’a pas la même signification quand on l’applique à un pays comparable au nôtre ou à une immense nation. Une arme nucléaire n’a pas le même sens si vous devez tirer 4 à 5 fois avant d’obtenir le même résultat qu’avec un seul tir que recevrait la France.
Jusqu’à une date récente, l’efficacité réelle de la dissuasion nucléaire s’arrêtait là. Une autre question est celle de la visibilité des moyens de transport des armes nucléaires. Donc de la vulnérabilité de l’arsenal nucléaire. En 1996, la France a retiré les missiles sol-sol du plateau d’Albion. Trop visibles. Nous avons gardé une force nucléaire qu’on transporte par avion et une autre sous la mer. La force aérienne est évidemment la plus vulnérable. Pour les sous-marins, tout repose sur leur indétectabilité. S’ils ne le sont plus, tout ce que nous avons en mer ne sert plus à rien.
Or, nous avons désormais des raisons d’avoir de forts doutes sur le caractère non détectable des sous marins français. Nous avons appris que les câbles sous-marins étaient des détecteurs et nous nous demandons si depuis l’espace il n’est pas possible de voir également. Il y a donc une question très sérieuse sur l’efficacité de la dissuasion nucléaire comme système de défense. Voilà pourquoi je propose que la France prenne l’initiative pour réouvrir les discussions internationales sur le désarmement nucléaire multilatéral. Nous pouvons le faire en rejoignant par exemple le Traité International d’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) en tant que membre observateur. Bien sûr, il ne s’agit pas de proposer notre désarmement unilatéral. Mais les puissances nucléaires doivent s’interroger : à quoi bon conserver la capacité de nous auto-détruire plusieurs fois si ces armes ne fonctionnent plus ni comme méthode de dissuasion, ni comme engins d’attaque efficace ?
D’autant plus qu’un changement radical dans le domaine spatial s’est produit. L’espace était démilitarisé par un accord signé notamment par la France et les États-Unis. Les Américains ont décidé de le déchirer et de créer un état-major de l’Espace. Macron en a fait autant. Un état-major de l’espace pour l’OTAN a été installé à Toulouse. Puis, on a appris que les Chinois avaient tiré sur un satellite, puis que les Américains et les Russes récemment savaient aussi le faire. Si on est capable de détruire un satellite, cela veut dire qu’on a la capacité de couper toutes les connexions qui dépendent de ce satellite. Une bonne partie des systèmes de détection et de mise en relation de l’armée française sont liés à l’espace ! Et pas seulement de l’armée française d’ailleurs. Et à l’inverse, depuis l’espace on peut tirer sur la terre. La dissuasion se passe aujourd’hui dans l’espace. Il suffirait d’un tir sur la centrale de Nogent et il n’y aurait plus de France. Nous serions totalement désorganisés par le déménagement de 12 millions de personnes. Je ne dis rien ici de ce qui se passerait pour un coup au but dans le couloir chimico nucléaire de la vallée du Rhône. Plus besoin de dissuasion nucléaire si on est capable de la pratiquer dissuasion depuis l’espace. Et autant de raison de démanteler le réseau des centrales françaises qui sont autant de cibles destructrices pour notre pays.