Quelle soirée ! Une taule électorale en France et une autre au Venezuela ! Il y a une semaine, la droite dure l’emportait en Argentine. La semaine d’avant, la droite ultra dure l’emportait en Pologne où il n’y a plus un député de gauche dans le Parlement. Vague noire.
En France, le résultat de dimanche est celui d’une mobilisation parfaite de l’extrême droite stimulée par l’onde de choc des attentats et le pilonnage médiatique. Combinée à l’effondrement de l’engagement électoral de la population et à une abstention de masse, le tableau se lit désormais comme une insurrection civique froide sur le mode « Qu’ils s’en aillent tous ». Le résultat calamiteux du Front de Gauche et des Verts est le fruit d’un refus obstiné de faire une campagne nationale, sous un label commun, dans un système d’alliance unifié et visible par tous et partout. Quatre combinaisons d’alliance pour treize régions, c’est un record !
J’avais annoncé que nous serions humiliés. Nous le sommes ! Et moi spécialement qui suis invité à endosser un score et à rendre des comptes sur une situation à laquelle je n’ai pourtant aucune part. Je ne peux même pas protester quand le calcul des résultats attribue 4,5% des voix au Front de Gauche en lui retirant deux régions où le score commun est accordé aux seuls Verts têtes de liste. Certes, j’en tire bien des leçons pour la suite puisque je n’ai pas l’intention de cesser le combat. Mais pour l’instant, il s’agit de franchir l’étape de dimanche prochain en évitant d’aggraver un rapport de forces déjà pitoyable face à la droite et l’extrême droite.
Chacun d’entre nous porte une décision compliquée au bout de son bulletin de vote. Partons de l’idée que chacun fait pour le mieux, en conscience. De toute façon nous sommes tous d’accord pour vouloir la déroute de la droite et de l’extrême droite. Aucune piqure de ciment n’est nécessaire sur ce thème. Mais nous ne tirons pas tous la même conclusion concrète de cette option. Il y a bien des avis contraires dans nos rangs. N’ajoutons pas à l’humiliation que nous valent nos campagnes aussi désastreusement éparpillées, les dégâts que nous infligeraient par-dessus le marché la vindicte et les noms d’oiseaux. On s’est assez tiré de balles dans le pied comme ça. Après cette élection, la vie et les luttes vont être plus dures. Inutile donc de s’ostraciser. Personne ne sera de trop.
Ici, je me contente de donner mon éclairage et de dire rapidement comment je vois ce que je vis comme vous. Mais bien sûr, avant cela, je reviens un peu sur le vote du premier tour et de quelques enseignements que j’en tire à chaud.
Nos partis, nos listes ont pris leurs décisions. Chacun dans leur coin et dans leur région pour ne pas changer de méthode désastreuse. Pour ma part, je suivrai les consignes. Je crois à l’intelligence du collectif. Et je mesure tous les inconvénients qui résulteraient de ne pas les suivre. Pour nous et pour les populations impliquées.
Le débat a été très vif à l’intérieur de chaque organisation du Front de Gauche pour savoir quoi faire au second tour. Les uns opinaient qu’il fallait refuser tout accord de fusion de listes avec le PS, responsable du désastre, et donc se retirer. En effet nous ne passons la barre des dix pour cent, qui permet le maintien de notre liste, que dans un seul cas : Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Les autres pensent qu’il fallait faire ces fusions de listes à condition de conserver notre identité, c’est-à-dire de voir respectée la proportionnelle des suffrages du premier tour dans la répartition de la liste et de pouvoir rester libre ensuite de ne pas participer à la majorité. Les deux positions ont leur force d’argumentation. Sur le terrain, diverses méthodes ont conduit nos organisations et nos listes à choisir partout la fusion de listes. Et celles-ci sont donc en campagne à présent. Ce qui a fait pencher la balance, me semble-t-il, c’est le coup de fouet représenté par la fuite du PS et la solidarité spontanée qui s’est exprimée à l’égard de Jean-Pierre Masseret. Soudain il est apparu que pire que la compromission, il pourrait y avoir la disparition.
Je ne donne pas de consigne car je ne m’en reconnais pas l’autorité. Surtout après une campagne où ma ligne d’action a été n’a pas été retenue. Mais je ne veux pas vous cacher ce que je vais faire personnellement et je veux vous dire pourquoi. Pour ma part, je vote en Île-de-France. J’ai réfléchi aussi sérieusement que je le pouvais. En conscience, je vais voter pour la liste à laquelle participent mes camarades, celle que conduit Claude Bartolone. Si cette liste l’emporte, ils pourront former un groupe au Conseil régional et continuer le travail dans l’hémicycle et dans les luttes. Ils ne participeront pas à l’exécutif ni à la majorité. Sans pour autant être dans l’opposition systématique. Bref, la ligne appliquée pendant six ans dans la précédente mandature sous la présidence de groupe de notre camarade Pascale Le Neouannic. Je voudrais que cette liste gagne.
Car je sais ce qu’il en coûterait à nos populations franciliennes si Pécresse l’emportait. Pécresse est une candidature d’apartheid social. Sa manière de pointer du doigt « le 93 » dans les derniers jours en dit long sur ses racines dans le Versailles des « versaillais ». Et son programme ne s’en cache pas. Je ne connaissais pas cette femme politique jusqu’à ce jour aux Invalides où je suis sorti des Invalides derrière elle. J’ai eu la stupeur de l’entendre dire au cardinal Vingt-Trois : « L’an prochain, vous nous ferez une crèche au Conseil régional ! ». Bien sûr, ce n’est pas aussi désastreux que ses annonces concernant les crédits aux associations sociales et culturelles. Mais cela témoigne d’un esprit de revanche anti-laïque très nauséabond. Dans d’autres régions c’est plus compliqué, j’en conviens.
Encore une fois, le système politico-médiatique s’accommode très bien de l’océan d’abstention. Les abstentionnistes sont analysés comme un simple « réservoir de voix », une masse sans visage ni contenu politique. Puis le soir du vote, le nombre de ceux qui ne sont pas allés voter sert d’apéritif médiatique, pour passer le temps en attendant 20h et les « premières estimations » qui ouvrent les bavardages. À partir de là, ils disparaissent du tableau. Le sens politique d’une abstention de masse dans un contexte comme celui que nous vivons n’est pas pris en compte.
C’est pourtant le premier message de cette élection. Car moins d’un électeur sur deux est allé voter ! 49,91% exactement. Si l’on met de côté le FN, les partis représentés au Parlement sont massivement repoussés. Au premier tour, moins d’un tiers des citoyens inscrits sur les listes électorales a voté pour EELV, le PS, l’UDI ou Les Républicains ! 32,7% seulement des inscrits une fois additionnés tous ces votes là ! C’est un niveau très bas historique, bien en dessous du plancher déjà atteint aux départementales du mois de mars où ils ne représentaient que 35%. Depuis 1997, ils rassemblaient pourtant en moyenne environ 50% des inscrits : un citoyen sur deux leur faisait confiance. Ce n’est plus qu’un sur trois désormais. Avec l’abstention, et le vote FN, c’est la troisième expression du mouvement sans visage : « Qu’ils s’en aillent tous ! ».
Mais pour les commentateurs et les survivants électoraux, seuls existent ceux qui se sont déplacés et exprimés. Le contenu social de la répartition des rôles entre électeurs et abstentionnistes ne mériterait pas d’être étudié. « L’analyse » sociale des résultats est résumée par les boucles de slogans ressassés par les médias qui veulent se la jouer « étude profonde de la situation ». Le lundi matin c’était le refrain : « les ouvriers votent Front national », « les jeunes votent Front National ». Bref, « Les chiens votent Front national ! », « Certains chats aussi ! ». Autant de honteux mensonges. Plusieurs médias firent même des micros trottoirs avec ces « nouveaux électeurs » alors même qu’à l’oreille se reconnaissaient la langue spéciales des militants chevronnés. Les porte-micros ne sauraient pas reconnaitre un âne qui ferait le bouc.
Montée du FN : la responsabilité des médias
Montée du FN : la responsabilité des médiasInvité de France Info, Jean-Luc Mélenchon a souligné la responsabilité des médias dans la montée du Front national. Retrouvez la vidéo de l'émission complète ici : bit.ly/1XYoxWE
Posté par Jean-Luc Mélenchon sur jeudi 10 décembre 2015
Mais il y a aussi que la situation serait autrement plus dérangeante s’il fallait la regarder en face. La vérité des faits montre alors un contenu de classe de l’abstention tout à fait clair ! 60 % des ouvriers s’abstiennent et 70 % des jeunes de 18 à 35 ans en font autant ! Dans le détail, le chiffre atteint même le vertigineux sommet de 76% d’abstention chez les 18-24 ans, les plus jeunes ! A l’inverse, les plus de 65 ans sont allés voter à 70% ! Ce sont les classes populaires et les jeunes qui s’abstiennent le plus. C’est-à-dire les gens les plus confrontées à la précarité sociale et aux conséquences de la politique de François Hollande et Nicolas Sarkozy depuis huit ans. L’abstention dépasse les 55% chez les non-diplômés, dix points de plus que chez les diplômés à Bac+5 et Bac+8. Ce n’est pas une affaire d’intelligence ou de compréhension, comme le sous-entendent souvent avec leur mépris de classe ceux qui aiment mettre cette réalité en avant. Ces niveaux de qualification commandent une identité professionnelle. Mais l’abstention est inférieure à 50% chez les chefs d’entreprises, cadres et profession libérales…
Pour les idées de gauche, cette abstention populaire brise l’ancrage historique de masse le plus profond. Sans remise en mouvement de cette fraction du peuple, le pire est certain.
Passer l’abstention de masse sous silence est une manœuvre de nos adversaires. Effacer le peuple des insatisfaits, c’est masquer son insurrection froide. Taire l’éloignement des jeunes de la vie civique, c’est vouloir croire que tout peut continuer comme avant. Dérouler à longueur de journée des absurdités comme « le FN est le premier parti ouvrier » ou « chez les jeunes » c’est, en vérité, inciter à voter pour lui !
Une autre leçon est le lien entre l’abstention et le niveau observé du vote Front National. L’abstention reste un allié pour l’affichage de scores de l’extrême-droite. Par exemple, dans les grandes villes du Languedoc : à Béziers, le FN obtient 45% des voix mais l’abstention est plus forte avec 46% seulement de participation, à Perpignan le FN obtient 41% mais avec participation de seulement 43%. Le FN mobilise ses électeurs plus que les autres partis. C’est ce que les analystes appellent « l’abstention différentielle ». C’est le critère décisif. Dans une société en plein marasme, le parti qui se mobilise le mieux crée la dynamique des idées. Le harcèlement sondagier fait le reste et entraine la force vers la force, surtout quand est répété du matin au soir que la victoire parait à portée de main.
Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, la participation bondit de 10 points par rapport à 2010 et Marine Le Pen dépasse les 40% des voix. Elle ne se contente pas de mieux mobiliser ses troupes déjà convaincues. La force va à la force. Elle progresse donc. Certes, au niveau national, elle n’atteint pas son record de 2012 de 6,4 millions d’électeurs même si elle s’en approche avec 6 millions de voix. Mais aucun autre parti ne retrouve une telle proportion de ses électeurs de la présidentielle ! Mais surtout, dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, là où la victoire lui est promise depuis des semaines, elle obtient 909 000 voix contre 783 000 au premier tour de la présidentielle ! Même chose en PACA ou Marion Maréchal-Le Pen obtient 720 000 voix contre 650 000 à sa tante en 2012.
On vérifie donc ici une vieille règle. Pour avoir une chance de peser dans une élection, il faut d’abord mobiliser les siens. C’est une leçon de base incontournable. Le Pen y parvient, et d’élection en élection en fait un argument pour entrainer autour d’elle. La force va à la force. Comment ? En nationalisant la campagne, les slogans, les propositions… Et même le matériel : sa photo figurait sur les affiches et les professions de foi de tous les candidats de son parti. Et son nom figurait aussi sur tous les bulletins de vote ! Culte du chef dans la pure tradition d’extrême droite ? C’est certain. Pour autant, l’effet mobilisateur et clarificateur pour les électeurs est évident. Même la liste dans la région la plus difficile pour le FN se trouve ainsi regroupée dans un ensemble cohérent et dynamique. Le pilonnage médiatique fait le reste en donnant son contenu national à sa campagne. C’est ce qu’on appelle l’effet de « simple exposition » qui amplifie l’écoute de qui est vu et revu. C’est redoutable.
Et nous ? Qui ça ? « Nous », c’est quatre stratégies différentes pour 13 régions, aucun label commun, aucune campagne nationale. Une personnalisation régionale autour des candidats locaux. Et on voudrait que les électeurs s’y retrouvent et se sentent forts ? Qu’ils aient l’impression d’aider à un mouvement global même dans le plus petit village de France ? Dans certaines régions s’est ajouté à cela un conflit ridicule pour savoir lequel serait le plus « Front de Gauche » entre liste du PCF et liste du Parti de Gauche et Europe Ecologie-Les Verts. Bilan: en additionnant toutes les variétés de listes contenant tout ou partie de Front de Gauche, on arrive péniblement à 1,4 million de voix. C’est l’étiage du Front de Gauche depuis sa création. Très loin des 4 millions d’électeurs que nous avons réunis à la présidentielle en 2012. Mais observez les chiffres. Le PS a obtenu 23% avec…. 5 millions de voix. Faites le calcul : si nous avions mobilisé nos électeurs de 2012 autant que Marine Le Pen l’a fait avec les siens nous serions au coude à coude avec le PS et la gauche serait à près de quarante pour cent. Mais les méthodes de cette campagne comme celles des précédentes ont rendu cette mobilisation impossible.
Du coup, nos électeurs de 2012 sont les plus abstentionnistes ! Selon l’institut de sondage IFOP et son sondage « jour de vote », 55% de mes électeurs de 2012 se sont abstenus au premier tour des élections régionales. C’est le record parmi tous les électorats ! Le seul où l’abstention dépasse 50%. Pendant ce temps, seuls 35% des électeurs Le Pen de 2012 se seraient abstenus, et 38% de ceux de Nicolas Sarkozy. On avait déjà constaté cette démobilisation dans notre camp au moment des européennes de l’an dernier venant après les calamiteuses élections municipales. Mais le mal s’est aggravé. Un tiers des électeurs du Front de Gauche qui s’était quand même déplacé aux européennes n’est plus venu voter cette fois-ci ! Là encore, c’est le taux le plus fort parmi les différents électorats.
Les raisons de cette abstention sont aussi demandées par l’IFOP. Bien sûr, L’IFOP propose une liste de réponses. Cela oriente les réponses comme on le comprend. Mais la liste balaye large. La première raison d’abstention parmi les abstentionnistes est « manifester votre mécontentement à l’égard des partis politiques ». Elle est invoquée par 21% des abstentionnistes. C’est aussi la première raison de mes électeurs de 2012 devenus abstentionnistes. Parmi eux, ce taux monte à 35% ! Personne ne fait autant que nous pour ce qui est de vouloir donner un « bon coup de balai »! Dans ces conditions, Inutile de dire que le retour au bon vieux cartel des organisations est d’avance condamné.
Dans ce contexte, la destruction de la gauche politique franchit un pas. La fuite, sur ordre du Premier ministre, des listes que seul le PS pouvait déposer pour le second tour en PACA et Nord-Pas-de-Calais-Picardie est une faute lourde. Son ampleur ne se mesurera pas dans l’instant mais sa force dévastatrice est assurée. C’est un suicide politique pur et simple. C’est décider de confier à la droite le soin de battre le Front national après avoir dit sur tous les tons que celui-ci incarne le danger principal. Si la gauche ne sert à rien, ni contre le chômage, ni contre le danger politique principal, quand pourrait-elle servir à quelque chose ? La réponse est dans la question. Croire qu’une force plutôt qu’une autre passera à travers les gouttes de cette disqualification serait une illusion.
Je sais que ce point de vue est largement partagé. Cette décision consternante correspond évidemment à une visée stratégique. C’est la ligne Valls. C’est la ligne de l’Internationale socialiste. C’est la ligne des « socialistes » italiens devenu « démocrates » sous la direction depuis lors d’un démocrate-chrétien : Mattéo Renzi ! Renzi est soutenu par Valls comme par Bayrou. Leur but, c’est la formation d’un grand ensemble « démocrate », c’est-à-dire au maximum un parti commun à l’italienne, au minimum une alliance gouvernementale sur le modèle allemand.
Ne croyez pas que cette invention sorte de l’œuf. Elle est à l’œuvre dans les rangs de tout le PS international depuis le règne de Tony Blair. L’épisode français est certes le dernier de la série, à contre temps selon moi, mais il est inscrit dans une continuité de longue main. Dans mon livre En quête de gauche, en 2007 j’avais analysé ce processus, ses étapes et ses racines. Je n’ai jamais douté que mes adversaires d’alors dans le PS aient autant de continuité dans les idées et la pratique que moi… Ce décalage du champ politique du PS n’a jamais pu se faire à froid dans le passé compte tenu de notre opposition. Avec le thème « faire barrage au front national » Valls et Hollande tiennent leur programme commun avec le centre droit. Une vielle obsession arrive à maturité.
D’ores et déjà cette manœuvre produit son fruit : la prise de position des centristes en faveur du retrait mutuel des listes de droite ou du PS pour « faire barrage au Front national ». Le motif pour des connivences approfondies est tout trouvé. Il ne faut donc pas sous-estimer ce qui est en train de se passer ni croire que ce soit seulement un moment électoral. On va vite voir l’impact de cette affaire dès le lendemain du deuxième tour à droite.
Si l’on se souvient bien (mais qui a de la mémoire ?) cette disparition des listes au second tour n’était pourtant pas le premier choix de l’état-major qui dirige la rue de Solferino. C’était seulement le point de vue de Manuel Valls. Très étrangement, avant même que la direction nationale du PS se soit exprimée le PS lillois, totalement pusillanime, annonçait le retrait de sa liste. Il avait pourtant promis le contraire contre l’avis donné par Valls en pleine campagne. Car c’était à l’évidence un coup de poignard de la part de Valls à l’endroit de l’équipe Aubry. Dès lors, le Premier ministre n’a eu aucun mal ensuite à soumettre la direction du PS. Son point de vue s’est imposé sans recours. Au point de penser qu’il pouvait aller plus loin encore. Et c’est ce qu’il fait contre jean-Pierre Masseret dans le Grand Est.
On aura vu alors l’incroyable : le Premier ministre PS et le premier secrétaire du PS appeler à voter à droite contre leur propre candidat PS sortant ! Là encore, l’utile et opportun rejoint l’agréable pour la droite du PS. Masseret est une bonne cible pour Valls. Venu du « non » au référendum de 2005, il représente une longue tradition de la gauche du PS. Son invocation du parti de Jaurès et de Blum a paru pathétique aux jeunes yuppies solfériniens. Son écrasement est un dividende savoureux pour Valls, un sacrifice sans coût, et un magnifique gage donné à la droite dans un secteur du pays où les fricotages avec les centristes et les concordataires sont réels depuis si longtemps !
Partant de là, comment aborder son devoir dans ces régions ? D’abord, prenons acte qu’aucun vote de gauche n’y est plus possible puisqu’aucune représentation de la gauche n’existe plus. Il n’y a plus de vote possible pour ses idées dans ces régions. Dès lors, aucune consigne politique n’a de sens. Au contraire le mot d’ordre « faire barrage au FN » fonctionne comme un grossier chantage dont la conclusion contre-nature ne peut être oubliée un instant. Le vote au deuxième tout se joue donc exclusivement dans le registre de la morale ou de la philosophie personnelle. On peut considérer que vouloir l’échec du Front national est un but suffisant et peu importe de mettre en place pour cela des gens que l’on combat le reste du temps en dépit du fait qu’ils ne vaillent pas mieux.
Je comprends donc ce raisonnement. Il a sa dignité. Mais je souligne qu’il est de l’ordre de la morale personnelle. Et dans ce cadre deux options se présentent aussi. L’une impose de ne pas demander aux autres d’obtenir par leur vote le résultat auquel on ne veut pas participer. L’autre est de ne pas se renier soi-même en élisant quelqu’un dont on pense qu’il est nuisible à l’intérêt général.
Quoiqu’il en soit, aucune consigne strictement politique n’a sa place pour des gens qui ont été privés délibérément de tout choix conforme à leurs propres idées. Dès lors, c’est aux candidats de droite de dire et de faire ce qu’il faut pour convaincre de voter pour eux et non à nous de faire leur travail en leur donnant un chèque en blanc. Que messieurs Bertrand et Estrosi trouvent et disent ce qu’il faut pour mériter le vote des électeurs de gauche. Qu’ils prouvent qu’ils n’ont rien à voir avec les idées et les propositions du Front national. S’ils ne le peuvent ou ne le veulent, quelles raisons aurait une conscience de gauche honnête de voter pour eux ? Comment voter pour les uns contre les autres si les deux ont les mêmes propositions et les mêmes obsessions ethnicistes ?
Le président du parti Les républicains Nicolas Sarkozy a dit mardi soir à Rochefort qu’à ses yeux « le vote pour le FN n’est pas un vote contre la République » et que « le vote FN n’est pas immoral ». Il a ajouté que l’immigration « trop c’est trop ! » et s’est vanté d’avoir été « le premier à parler des racines chrétiennes de la France ». La différence avec les propos du FN est difficile à voir, non ? Nombreux sont ceux qui m’ont laissé des messages pour me dire qu’en région Provence-Alpes-Côte-D’azur ils ne voient pas la différence entre Estrosi et le FN. Un bon résumé de ce que j’ai entendu venant de ce coin de France se trouve dans ce post intitulé « Pourquoi je ne voterai pas Estrosi pour “faire barrage au Front national” ». Un autre ami me dit que pour obliger « les républicains » à se mettre à distance du FN mieux vaut qu’ils perdent. Cela leur fera constater combien les électeurs de gauche ne leur pardonnent pas ce qu’ils auront dit et fait avant pour séduire les électeurs du Front National. Je reproduis ces arguments parce que je trouve qu’on ne les entend pas et que ce n’est pas digne d’une démocratie adulte de traiter tout un peuple par la peur du loup que l’on a soi-même fait entrer dans la bergerie.
Comme vous le savez bien tous, les médias n’ont aucune responsabilité dans la montée du FN, la disqualification de tout point de vue qui n’est pas celui du tripartisme. Non. Aucun. La réduction au silence de notre point de vue, le rabâchage à tout propos et hors de propos des gloses sur le péril islamiste n’ont aucun rôle dans la poussée de la xénophobie et du racisme, les dizaines de « unes » sur madame Le Pen, le pilonnage incessant sur ses scores à venir : aucune incidence ! Quant à la diabolisation de tout point de vue qui messied aux importants et à leurs griots médiatique, c’est seulement un symptôme de ma paranoïa « anti-journaliste » bla bla.
C’est donc aussi tout à fait par hasard que tous ceux qui ont été désignés comme tête à claques du deuxième tour par le parti médiatique sont immédiatement traités comme de vulgaires Mélenchon pour ce qui est des photos destinées à les représenter. C’est ainsi que le paisible Jean Pierre Masseret hier peint dans les traits de l’aimable hobereau du grand est entré dans le club des gueules cassées médiatiques. Une moue ayant été capturées en vol une fois est aussitôt devenue l’illustration incontournable de dizaines d’articles. Jeudi c’est Claude Bartolone, qui entrait par la grande porte avec une de ces photos de vocifération qui sont la joie des iconographes de la caste des médiacrâtes. Si je m’y arrête c’est parce que ces photos sont la preuve de ma thèse sur le sujet. Dans la mesure où le traitement iconographique d’un personnage public change selon la position politique qu’il a adopté, alors c’est qu’il s’agit bien d’une volonté délibérée.
78 commentaires
Siamy
Quelle poisse que vous nous refassiez le scénario 2012 « votez pour lui comme si c’était pour moi. » Avec cette fois-ci la subtilité qui consiste à ne pas donner de consigne de vote, mais à vous positionner en toute franchise électeur PS. C’est du « qui m’aime me suive » ? Vous ajoutez à la confusion générale, mais au point où nous en sommes…
laule200
A trop ressasser sous le coup de la déception notre jugement s’obscurcit. Au point d’omettre la seule condition préalable à l’ouverture d’un champ libre pour la vraie gauche, ou plutôt deux. Disparition du PS, il n’y a qu’à laisser faire. Renouvellement complet des apparatchiks qui verrouillent nos propres formations, passez la main ! A ceux qui resteront de changer le logiciel et d’élargir leur base.
godest colette
Bretagne. Je ne voterai pas pour le pyromane qui demande aux électeurs de se sacrifier pour éteindre l’incendie. Agiter un épouvantail c’est se moquer des électeurs, leur déniant la capacité de comprendre la politique et les mécanismes économiques et d’en discuter. Pourtant ça marche.
Les communes de la baie de Lannion se battent ensemble depuis 5 ans (citoyens et élus) contre l’extraction d’une dune de sable coquiller qui mettrait en péril l’écologie et l’économie de la mer. Le préfet a lancé une consultation dans les mairie des communes concernées, puis 5 jours après, sans avoir pris le temps d’analyser les témoignages, signe l’application de l’autorisation Macron. A cette annonce parue dans la presse le 4/12 les habitants sont écoeurés et en colère, puis le dimanche ils votent Le Drian pour faire obstacle au FN (même ceux qui ont le plus à perdre). A noter que 9 citoyens (FDG et EELV) ont réuni tous seuls en 9 jours et sans autres moyens que les réseaux socio mille personnes sur la plage le dimanche 22/11 pour faire une photo en écrivant avec leurs corps SOS SAVE OUR SAND. Photo qui circule à l’occasion de la COP 21.
Pour tous ces dénis de démocratie je ne voterai pas Le Drian.
William Burias
« Et moi spécialement qui suis invité à endosser un score et à rendre des comptes sur une situation à laquelle je n’ai pourtant aucune part. »
Personne ne vous oblige à parler au nom du Front de gauche. Libre à vous de refuser.
jacky BAILLY JONES
Bravo Jean-Luc. De tout coeur avec toi, encore et toujours ! Courage mon ami la route va être longue et difficile mais les fidèles que nous sommes le resteront.
eliante94
Voter PS, au moment où Manuel Valls veut interner les personnes fichées S ? Ce n’est pas sérieux, ni digne de vous.
DUM JP
Bon billet de JLuc Mélenchon pour débattre. Mais cependant, sur le terrain j’ai observé l’absence des militants du PG pour la campagne de la région Aquitaine Limousin Poitou Charentes dans les Landes. Je suis surpris d’une telle attitude, en effet, on peut mettre tout sur le dos du PCF, mais ce sont les communistes qui ont le pied au plancher pour le tractage, les affichages et les initiatives. Quand même bizarre comme situation ! Non ?
J’en ai assez des égos, car tout le monde veut la première place ou des places entières en oubliant l’intérêt général. C’est vrai qu’il n’y a pas eu une main mise nationale sur la campagne, les tracts et profession de foi. Je suis contre le culte de la personnalité, mais les gens en fait sont pour le sauveur suprême. Nous sommes dans un pays où l’ignorance et l’inculture gagne, assommée par les nouvelles technologies et les lois du marché consuméristes. Ne trouvez pas drôle quand même que pour le 6 et le 13 décembre les grandes surfaces, magasins sont ouverts ? Croyez vous que les salariés ont envie d’aller voter ? Et les badauds qui reniflent la bonne affaire, croyez vous qu’ils la conscience d’aller voter ? Je suis amer pour le résultat du FG, mais nous ne pouvons pas faire le bonheur des gens à leur place. EELV qui franchi à peine les 5% fusionne avec le PS. Au revoir la LGV, l’A65, la privatisation de l’A63. Blanc sein pour continuer la saignée des hôpitaux, des services publics de l’énergie. Dimanche sans moi.