Le rythme de la campagne s’accélère et les moments au clavier deviennent plus difficiles à ménager. Un temps de pause devient un luxe. Les jours s’enchaînent sans trêve, d’émissions en meetings et réunions de travail.
Quelle formidable équipe pour cette campagne ! Le chef d’orchestre, Manuel Bompard, est tout simplement magnifique. Chaque talent est donc utilisé au mieux de sa forme pour peu qu’il se propose. La tenue de la deuxième session du Parlement Populaire trouve son rythme et je crois qu’Aurélie Trouvé nous apporte un savoir-faire travaillé dans la diversité des milieux aussi divers que ceux qui se rassemblent dans le Parlement populaire. Personne ne fait autre chose que de faire campagne. Au contact. Par réseaux, quartiers, structures. Du coup c’est une formidable machine qui agit de soi-même. Sa diversité devient sa force démultiplicatrice.
Aucune manipulation n’atteint sa cible dans nos rangs. Ni un sondage grotesque qui nous place seul dans son genre à huit pour cent et le PS à deux et demi ! Et pour nous, avec un taux de participation de nos électeurs de 2017 le plus bas jamais vu dans aucune enquête. Les échos des méthodes plus que discutables de la soi-disant « Primaire populaire » non plus. Même pas de rires devant les martingales et effets multiplicateurs de cette étrange équipe quand elle prétend avoir gagné en 2 heures 16 000 inscrits supplémentaires de plus donnant le numéro de leur carte bancaire ! Ainsi sont totalisés d’un coup 450 000 électeurs. Francis Letellier interroge dans un tweet : « bourrage des urnes version 2.0 » et une longue suite de commentaires sur Twitter disent la stupeur suspicieuse devant cette croissance de champignon. Mais personne n’en parle autour de nous.
Dans ces conditions, mon propre plan de travail peut se dérouler dans une ambiance studieuse mais détendue. Pendant ce temps, le double plan de la série des meetings de députés insoumis et des réunions publiques déploie son activité. Partout des salles pleines, des personnes remotivées, une jeunesse fortement engagée sur une ligne de rupture avec le système. Bref. Nous faisons campagne et la conviction gagne du terrain. Le respect de l’esprit de la démocratie paye. Il faut convaincre.
Le meeting de Nantes est une réussite amplement saluée de tous côtés. Ici, je laisse de côté la question de son impact proprement politique, sinon pour dire qu’il aura en toute hypothèse un effet de mobilisation dans l’opposition populaire. Je parlerai de l’exécution du projet. Il a nécessité une grande discipline d’action tout au long d’une très longue chaîne de personnes impliquées depuis la conception jusqu‘au déroulement du jour de la réalisation. Un art d’autant plus délicat qu’il mêle tout au long des jours des professionnels des entreprises prestataires et des nuées de bénévoles dont les disponibilités ne sont pas toujours les mêmes. Sans compter que la nouveauté restait totale de notre côté jusqu’au bout.
Ainsi, quand tout a été mis en place, je n’ai réalisé que la veille et à l’occasion de la « répétition » ce que serait mon rapport a l’immersion dans des images aussi immenses. L’immensité c’est un écran de deux cent mètres de longueur totale et de six mètres de haut. Au total, Je m’étais prévu et imaginé comme une sorte de « voix off ». J’ai réalisé que c’était impossible compte tenu de la force des images. Mieux valait « entrer en dialogue » avec elles comme pour les commenter plutôt que de les ignorer. D’où le cri « Thalassa », non préparé mais issu du relâchement de contrôle que j’avais prévu au moment de l’apparition de l’image de la mer. Je me connais.
Cependant le plus ajusté est d’avoir imaginé cette première partie organisée par Clémentine Autain et Christian Benedetti. Textes, chansons, images tout préparait une « convocation » de l’émotion et plus exactement de l’émotion canalisée. Tout cela fonctionna pour préparer à accepter l’émotion que les images géantes ensuite suggèreraient. En tirant vers le beau et le romanesque, on installait ce qui ensuite fut notamment l’émerveillement de la vue depuis l’espace et l’entrée en mer.
En ce sens, le meeting est un tout dont aucune partie ne peut être dissociée des autres puisqu’elle se font écho dans la réalisation. Une telle composition fait sens par elle-même. Elle fonctionne comme un manifeste de ce « populisme » dont se réclament maints parmi nous. Celui-ci ne sépare jamais les affects et les raisonnements dans l’expression comme dans la captation du message politique. Pas plus que la poésie de Brassens ne se conçoit sans la musique qui la porte à l’oreille flattée ou à la raison qu’invoque l’humour ou le sens du texte.
Bien sûr, nous aurons eu comme d’habitude les jérémiades des pisse-vinaigres d’après lesquels nous aurions sacrifié le fond a la forme. Curieusement, ce fut aussi l’argument de Blanquer ce qui suffit à en situer le niveau. D’autres semblent découvrir à cette occasion ce que sont les coûts d’une campagne présidentielle quand la pose d’une simple pince lumineuse coûte 150 euros. Ils se gardent bien de nous dire à quel prix ils trouveraient l’addition justifiée et moralement acceptable. Tous peuvent se rassurer. Notre campagne prévoit un budget moyen final et par conséquent, ce qui est cher ou très cher et ensuite compensé par ce qui l’est moins ou pas du tout. En 2017 notre bilan fut celui du plus faible coût de campagne par électeurs. Jamais aucun compte en déficit n’a été présenté sous ma conduite depuis plus de trente ans de responsabilité politique et de compagnonnage politique avec Marie-Pierre Oprandi, la trésorière « historique » de notre longue marche depuis 2005.
Pour moi, pour l’équipe hors pair qui m’entoure, le résultat attendu est politique. À la gauche traditionnelle, crépusculaire, celle des salles glauques et des moulins à paroles sans âme, nous assumons préférer une mise en scène qui fonctionne comme un moment d’éducation populaire joyeux. Le tout organisé dans un authentique grand spectacle gratuit pour ceux qui s’y associent.
Le rassemblement de Nantes a bien accompli ce que nous attendions de lui et c’est ce qui compte. Après une rentrée très tôt dès le 3 janvier, il couronnait une semaine de dur combat avec le vote en accéléré du Passe-vaccinal. Notre groupe s’y est illustré par son activisme et sa pugnacité. Le déroulé de la semaine a permis plusieurs belles émissions de télé à plusieurs des députés Insoumis dans le même temps où ils se déployaient sur le front des luttes sociales.
Était-ce seulement un coup de préparation réussi après la séquence déjà très performante accomplie en Guadeloupe et Martinique ? Il fallait le vérifier. Le meeting de Strasbourg en fut le test ! Il prenait place dans la séquence du démarrage de la présidence française de l’Union européenne par Macron. L’enchaînement de coups fonctionna une fois de plus. Ce furent d’abord les interventions dans l’hémicycle européen, ma conférence de presse suivie par dix mille personnes présentes en même temps sur les réseaux sociaux et plus de cent mille visiteurs y passant dans le fil de sa durée. Puis vint le meeting qui remplit trois espaces m’obligeant à trois interventions successives. La comparaison avec le meeting d’EELV qui peina à rassembler plus de 250 personnes est probante. Il est vrai que les Verts n’ont aucune culture organisationnelle des pratiques de masse. Mais ils étaient dans une ville gagnée par eux aux municipales et un jour de présence de tout le groupe Vert au Parlement européen après une intervention de leur candidat devant le chef de l’État et concurrent. Je ne sais pas comment EELV interprète ce résultat. Pour ma part je l’enregistre par comparaison avec notre capacité à capter l’attention telle qu’on l’a observée par cette participation de masse. C’est elle qui est mise en relief et porte le sens de ce que nous faisons. La composition de la salle confirme l’impact de ce que nous cherchons à obtenir dans les secteurs de la population que nous visons. Nantes a ouvert un passage émotionnel et argumentaire. La brèche est bien là. Il s’agit de l’élargir pour que la pression sociale trouve un point de passage.
Une énième étude tire la sonnette d’alarme sur le glyphosate. On en trouve la trace dans 99,8% des urines des Français. Cette étude a été publiée le 13 janvier 2022. C’était le jour de la niche parlementaire du groupe insoumis. Nous l’avons donc utilisée comme preuve accablante supplémentaire pour exiger l’interdiction du glyphosate. Mais les macronistes n’ont rien voulu savoir. D’après le ministre Denormandie, tout est complexe et nous sommes trop « simplistes » !
Une chose est très simple à comprendre : le désastre est total. Faute d’interdiction, les ventes de ce pesticide ont augmenté de 42% entre 2019 et 2020. Désormais, 90% des cours d’eau français sont pollués aux pesticides. Une autre étude de Santé Publique France, publiée le 16 décembre dernier, est passée inaperçue. Elle était pourtant tout aussi effrayante. Ainsi, des résidus de glyphosate sont détectés dans les urines de 93 %… des enfants ! Pourtant, les responsables de l’enquête ont conclu à une diminution des pesticides. Facile : ils ont analysé des insecticides interdits depuis plus de 10 ans et fait l’impasse sur les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles !
Mais la dissimulation ne s’arrête pas là. Je veux parler ici d’une pollution plus invisible encore que celle des pesticides. Connaissez-vous les métabolites ? Ce sont les descendants chimiques des pesticides. Des centaines de pesticides se transforment en dizaines de milliers de métabolites. Ceux-là ne sont pas moins toxiques. Certains d’entre eux ont même une durée de vie plus longue.
Quand on prend la peine de les analyser, on découvre à quel point la pollution est sous-estimée. L’eau en est saturée à tel point qu’on en retrouve aujourd’hui dans celle que nous buvons. Par exemple, depuis 2018, dans 8 villages des Pays-de-Loire, l’eau « potable » est diluée avec une autre moins polluée pour rester dans les normes. Depuis, la situation s’est aggravée. Pour ne pas couper l’eau aux habitants, le préfet a fini par autoriser le dépassement du taux autorisé de pesticides dans l’eau. Bienvenue en absurdie !
Pourtant, ces métabolites ne sont pas tous recherchés lors des contrôles de qualité des eaux. Mais pourquoi donc ? L’explication se trouve du côté des fabricants. Une longue et minutieuse enquête du média Bastamag nous offre des explications précieuses. Evidemment, faute d’y être obligés, les fabricants rechignent à communiquer les « signatures chimiques » des pesticides qu’ils produisent. Sans code, pas d’analyse ni de détection possible. Autrement dit : pas vu, pas pris. Heureusement, les associations anti-pesticides se cotisent pour financer des analyses de pointe.
D’autant que certains élus et responsables peu scrupuleux se rendent complices de l’agro-industrie. Ils font pression pour que ces métabolites soient classés « non pertinents ». Non-pertinents signifie moins toxiques. C’est le moyen que le lobby des fabricants de pesticides a trouvé pour que le seuil de conformité, c’est-à-dire le taux autorisé de métabolites dans l’eau, soit revu à la hausse. Plus ce taux est important, moins l’eau analysée est jugée polluée. Cela amoindri l’exigence de qualité. Ce petit tour de passe-passe ne dupe personne.
Dans cette affaire, la macronie s’illustre une fois de plus par son soutien actif aux marchands de pesticides. En effet, en France, c’est l’Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (Anses) qui définit quels sont les métabolites pertinents. Sous le contrôle du ministère de la Santé bien sûr. En 2019, sur huit métabolites étudiés, l’agence a décidé que seuls trois d’entre eux étaient pertinents. Elle a aussi placé la France dans la fourchette très haute de taux de métabolites « acceptés » par les pouvoirs publics. Merci qui ?
On réalise à quel point le rôle des lanceurs d’alerte est précieux. Ils sont surtout courageux. J’adresse ici une pensée à Valérie Murat. Cette militante anti-pesticides a été sommée de payer une amende de 125 000 euros pour avoir dénoncé la présence de pesticides dans certains vins de Bordeaux. En représailles, les fabricants l’ont attaquée pour « dénigrement ». La justice a décidé qu’elle ne pourra pas faire appel de cette condamnation tant qu’elle n’aura pas réglé la totalité de l’amende.
Personne n’est dupe. Cet acharnement vise bien sûr à la faire taire. Mais tous ceux que l’on cherchera à bâillonner pour avoir défendu l’intérêt général bénéficieront du soutien sans faille des Insoumis. Surtout, le moment venu, je serais implacable. Les pesticides les plus signalés seront interdits. Un plan national de dépollution générale sera engagé, dans les Outre-mer comme dans l’Hexagone. Le passage à une agriculture écologique s’appuiera sur des normes exigeantes. Enfin, les victimes seront indemnisées et les responsables seront châtiés. Si vous préférez l’inverse, votez Macron.
J’ai pu développer ma proposition concernant l’impôt sur l’héritage sur RTL le 9 janvier dernier. La réforme que je propose permettrait de rapporter à l’État 10 milliards d’euros. Grâce à cette somme, nous pourrions financer l’allocation d’autonomie que le programme « L’Avenir en commun » veut verser aux jeunes de plus de 18 ans et aux lycéens professionnels : 1063 euros par mois pour tous. Ainsi, en luttant contre la société d’héritiers, nous pouvons constituer et verser un « héritage de la société », c’est-à-dire une allocation permettant aux jeunes de conquérir leur autonomie et surtout, de se former.
Comment arriver à une telle somme ? D’abord, il s’agit de comptabiliser pour chaque héritage l’ensemble des dons et héritages reçus au long de la vie. Car aujourd’hui, il y a une remise à zéro du compteur tous les 15 ans. Cela permet aux plus grosses fortunes de planifier leurs donations. De la sorte elles profitent plusieurs fois d’un abattement sur les 100 000 premiers euros légués. En fait beaucoup de gens ne peuvent pas profiter de cet abattement plusieurs fois dans leur vie pour la bonne raison qu’ils ne possèdent pas plusieurs fois 100 000 euros ! La moitié des ménages français possède moins de 120 000 euros de patrimoine. Ils ne paient déjà rien et pas davantage avec notre système. Mais aujourd’hui à coups de donations qui exemptent, les plus gros héritages payent moins de 10 % d’impôts sur ce qui est transmis.
Nous choisirons quant à nous 120 000 euros comme seuil. Qui reçoit moins ne paye rien. De cette façon la moitié de la population pourra léguer l’ensemble de son patrimoine sans aucun impôt sur les successions pour ses descendants. Puis, nous renforcerons le barème que pour les 1% des patrimoines les plus élevés. Enfin, nous créerons un héritage maximum, c’est-à-dire une tranche à 100% au-dessus de 12 millions d’euros. C’est-à-dire 100 fois le patrimoine moyen. Rappelons encore que quelqu’un qui reçoit 12 millions d’euros reçoit d’un coup l’équivalent de 8 siècles de SMIC. Ça laisse de quoi voir venir.
J’ai fait une proposition complémentaire sur RTL pour régler une situation que beaucoup trouvent injuste. Il s’agit de cas d’héritages indirects. Parfois il s’agit de personnes avec lesquelles le lien affectif est, lui, bien direct. Pour ce cas qui existe de plus en plus dans la société moderne, nous devrons créer un statut d’adoption sociale. Qu’un parrain, un beau-parent, un frère ou une sœur, un ami puisse adopter socialement son filleul, l’enfant de son conjoint, son frère, sa sœur ou son ami. Ainsi, le lien d’entraide réciproque sera formalisé par un statut qui réglera notamment les inégalités dans l’héritage.
Le Conseil d’Analyse Économique, un organisme qui dépend du gouvernement a confirmé dans une note qu’il était possible d’augmenter les recettes de l’impôt sur les successions de 10 milliards d’euros en ne touchant qu’à ce que payent les 1% des plus gros héritages. Notre réforme diffère légèrement de celle qu’il propose. Contrairement à lui, nous préservons le Pacte Dutreil qui protège la transmission des entreprises familiales, même si on pourrait y faire quelques ajustements. Et surtout, nous instaurons l’héritage maximum pour les 0,01% héritages les plus importants, une mesure qu’il ne propose pas.
C’est un choix profondément politique. Nous l’assumons. Pour nous, une limite doit être apportée à l’accumulation. Aujourd’hui l’héritage est redevenu le principal facteur de reproduction de la domination de classe. On laisse faire ? Une société d’héritiers et de rentiers on a déjà connu. C’était l’ancien régime monarchique.