À Bordeaux, les coulisses de la surprise.
Ce n’était pas prévu. On avait donc réservé la meilleure salle en centre-ville en pensant déjà se mettre nous-mêmes au défi ! C’était d’ailleurs la seule disponible à cette date qui ait une jauge permettant d’accueillir plus de mille personnes. C’était donc plutôt un pari ambitieux quand on a fait la réservation car c’était en décembre dernier. Les choses ont tourné autrement. L’ambiance est désormais porteuse. Il y avait à un moment autant de monde dehors dans la rue qui n’a pu entrer que dedans selon… BFM. On a senti le coup arriver dans l’après-midi en voyant clignoter nos indicateurs (mails ouverts, sms répondus, inscriptions sur l’évènement Facebook). Et, bien sûr, les réactions des gens dans la rue l’après-midi qui nous saluaient et donnaient des « à ce soir » montrant que l’info circulait à haute intensité. Les sujets d’étonnement n’ont pas manqué. Comme ce groupe de jeunes gens bien enthousiastes et assez bruyants. En fait les apparences étaient encore une fois bien trompeuses. Car ils avaient lu « L’avenir en Commun », et ils en commentaient des passages à leurs voisins de rue en attendant l’ouverture des portes de la salle. Pour nos équipes, le meeting était un défi technique. Il s’agissait cette fois ci de tout réaliser avec des équipes de militants bénévoles. Sécurité, organisation, régie technique, réalisation vidéo, captages et retransmissions, langage des signes et vélotypie : la plupart de tout cela s’est fait « en interne ». C’est de cette façon qu’on peut abaisser le coût moyen de nos évènements et tenir notre feuille de route financière. Le seul hoquet, d’ailleurs rapidement surmonté, est venu d’un des rares prestataires.
Présents sur place, les observateurs ont pu noter et scruter par eux-mêmes la vie des coulisses de l’évènement. La jeunesse des effectifs et leur maturité technique et politique ont souvent impressionné. Normal. Notre système recrute les militants à tous les âges et ne créé pas de discriminations d’âge pour confier des responsabilités. Une expérience fabuleuse s’est ainsi acquise et accumulée au fil de nos campagnes. De plus, la présence dans l’action de deux députés organisant les taches matérielles (Bastien Lachaud, responsable des évènements de campagne et Caroline Fiat, responsable de la sécurité sanitaire des évènements) fortifie l’esprit d’équipe et la simplicité des rapports humains, puisqu’il n’y a pas d’échelle de distinctions entre les tâches proprement politiques et celles qui en sont le versant matériel concret. Pour ma part j’y suis très attaché depuis toujours (combien de fois ai-je autrefois ramassé les canettes après nos rassemblements à l’extérieur !) De fait je n’ai jamais pris au sérieux les dirigeants incapables de mettre la main à la pâte. Même depuis que je suis aussi éloigné qu’à présent de l’organisation, je continue à observer et à noter qui fait quoi. Et qui ne fait pas quoi…
En tous cas, je vois bien ce que cela génère comme type de relations militantes. Dans cette fraternité d’action, il n’y a guère de place pour le fiel et l’esprit de clan comme j’ai pu le connaître ou l’observer ailleurs. Et plus que tout, je note le brassage social que l’action concrète rend possible. Bref j’ai retrouvé dans ce mouvement la joie simple de mes débuts dans l’engagement militant. À l’époque, je participais à la création du PS de années soixante-dix. Je militais dans une section dirigée par une assistante sociale, dans une fédération animée par un prof de fac avec un unique permanent, dessinateur industriel de son métier.
Les coulisses aujourd’hui pour moi se résument au temps passé dans la loge à préparer le discours en mangeant des fruits secs… On coupe la journée par une sortie parfois. Ensuite on prépare les coupures entre les chapitres du discours. Je ne le lirai pas. Cela restera un plan que je suivrai si besoin une fois mes feuilles placées sur le pupitre qui a dorénavant remplacé le mange-debout des meetings de l’an passé. J’ai un mal de chien à mémoriser ce que je n’ai pas noté moi-même par écrit. Les annotations parfois peuvent remplacer cette écriture générale. Il faut pourtant bien imprimer et réimprimer le plan jusqu’à ce que je sois certain de maîtriser l’enchaînement des parties de ce que je vais dire. La préparation se décompose dès lors en trois parties. La première est la lecture des fiches techniques, une à une, sur chaque aspect de la question que je vais aborder. Puis on établit le plan et ses principales déclinaisons. Cette phase est la plus longue. On recommence autant de fois qu’il faut jusqu’à avoir stabilisé définitivement le déroulement. Enfin, je reprends tout et j’annote manuellement, principalement sur les transitions et les mots forts que je veux introduire dans le fil du discours. À ce moment parfois il faut recommencer tout le plan parce que je comprends que l’enchaînement qui s’impose à l’esprit n’est pas celui qui fonctionne pour un plan écrit. Au total l’exercice dure plusieurs heures. Parfois toute la journée, entrecoupé par les visites, les coups de téléphone et les délégations à recevoir. Puis, pour moi, c’est la prise de parole. Et après cela le bilan quand j’ai repris mon souffle et mangé de nouveau des fruits secs. Je me fais raconter la salle, le public, les réactions de chacun et de la presse. Une fois, deux fois, dix fois. Jusqu’à être complètement imprégné de ce qui s’est passé, car sinon je n’en saurais rien. Et je ne peux faire campagne sans ressentir ce qui se passe d’étape en étape dans la foule qui nous entoure. Car celle-ci est le condiment essentiel de l’esprit d’une campagne. Le nombre ne fait pas qu’assister à la réunion, il lui donne son sens il construit son énergie et son message. Bordeaux m’a beaucoup parlé.
Le train Bordeaux-Paris devait partir avec une heure de retard. On s’était donc dépêchés pour rien. Car finalement il est parti à l’heure. On s’est réjoui. Mais les passagers du train précédent, annulé, étaient invités à « s’installer librement ». On a donc vécu pleinement la cohue et les mauvaises humeurs. Contrepartie : pas de contrôle du passe sanitaire ni des billets qui d’habitude aggravent la pagaille ordinaire. Installé dans un wagon largement rempli par les militants des équipes techniques en déplacement pour le meeting de Bordeaux, j’attendais avec patience et résignation le moment ou un « incident sur la voie » ou bien « un animal sur les rails » ou bien « une personne qui a fait un malaise dans le train précédent » viendrait compléter le chaos désormais traditionnel en train. Hélas, le système ferroviaire est bien sinistré par les exploits de la modernité néo-libérale. Mais je m’y tiens : pas d’avion, autant que possible.
J’ai eu le temps d’écouter le passage de Jadot sur France Inter. Désolant. Son propos et ses éléments de programme ne sont pas en cause dans mes raisons d’être affligé. C’est autre chose qui me désole. Pourquoi médit-il à notre sujet ? Pourquoi dit-il que nous voudrions « exploiter les grands fonds marins ou l’espace » quand tout ce j’ai pu présenter et détailler dit exactement le contraire ? Qui lui prépare ses fiches argumentaires ? Pourquoi ne vérifie-t-il pas ? Quel besoin de jeter du fiel pour s’affirmer ? Et ce sont encore les mêmes questions à propos de la Russie et de la Chine pour lesquelles il m’attribue une adhésion à leur régime politique. Comment se fait-il par exemple qu’il ait oublié ma cosignature avec Noël Mamère d’une pétition pour la libération des activistes de Greenpeace dont il était le directeur des campagnes ? Pourtant ils venaient d’être arrêtée en Russie pour avoir occupé une station de forage de pétrole en mer ! Pour ne dire que ça.
Pourquoi fait-il tout cela ? Imaginez que je l’accuse d’être muet sur Assange, sur le centre de torture de Guantanamo ou sur le blocus criminel contre Cuba ? Supposez que je mette en cause ses mouvements de menton bellicistes à propos de l’Ukraine et ses élans va-t-en guerre contre la Russie… Supposez que je relève l’étrange et unique référence faite dans toute la classe médiatico-politique qu’a faite Jadot en disant qu’il faut arrêter le projet de gazoduc avec la Russie « Northstream-2 ». Si je disais que seules les ambassades US l’auront noté comme un bon point de pure allégeance aux intérêts commerciaux américains. Pourtant même les Verts allemands tiennent à distance l’escalade sur ce point. Imaginez si je disais que ce propos signale l’influence des agences d’influence des USA ? Si je le faisais, je suppose qu’on lirait ensuite « Mélenchon tire à boulets rouges sur Jadot ». Lui peut me dénigrer sans être jamais interpellé sur le sens d’un tel niveau d’accusations infamantes et pourtant sans objet.
N’empêche : pourquoi quelqu’un d’instruit, de documenté fait-il cela ? C’est simple et on l’a entendu sur France inter. La médisance est une arme pour disqualifier plutôt que pour convaincre quand on ne peut pas le faire avec des arguments. Mais elle est ensuite un confortable abri. Un palais pour refuser ensuite de répondre à une question simple mais énorme: Yannick Jadot appellera-t-il à voter pour moi dans le cas où j’arriverai au second tour ? Quand la question lui est posée il répond avec ce chapelet d’insinuations sans fondement. Et le tour est joué. Bien sûr, aucun journaliste sur le plateau n’insiste. On ne voit pas tout de suite que la réponse est : non. Non point parce que Jadot est d’accord avec Hidalgo pour maintenir la retraite Sarkozy-Hollande à 62 ans pour 43 annuités. Ça ferait nul. Non : ce sera à cause de Poutine et de l’Ukraine… Alors tout est dit ? Non, je crois que la pression des gens documentés autour de lui qui a déjà donné ses fruits en produisant un beau tournant à propos de la planification ou de la nationalisation va continuer à s’exercer. Il le faudra bien. Si j’arrive au deuxième tour, je proposerai aux Verts de gouverner avec nous et donc de former une majorité parlementaire. Il me semble qu’ils y seront assez naturellement favorables.
Alors à quoi bon rendre l’ambiance glauque avant cela ? N’y a-t-il pas d’autres manière de valoriser nos différences ? Par exemple sur les traités Européens que Jadot soutient. Pourquoi ne le fait-il jamais en argumentant ? On peut faire une campagne positive sans agression mutuelle ? Car ne faudra-t-il pas rassembler après le deuxieme tour ? Fusse aux législatives au premier ou au deuxième tour ? Je crois exprimer un point de vue asse largement partagé. Car beaucoup de gens, même en désaccord avec nous, n’aiment plus cette ambiance de lynchage verbal avec des arguments de bas étages. Jadot devra renoncer bientôt à ces facilités, je l’espère. Parce qu’elle ne lui seront pas pardonnées par les électeurs qui réfléchissent de façon ouverte. Ceux-là ont déjà puni sévèrement le PS qui avait adopté le même choix de médisance à notre égard naguère et pendant les cinq années écoulées. Le PS ne s’arrêta même pas en constatant comment il avait encouragé la chasse de l’extrême droite contre l’« islamo-gauchisme » qui s’est abattue ensuite sur tous ceux qui refusaient la haine des musulmans. Faudra-t-il la guerre avec la Russie pour que tant de gens raisonnables le reste du temps réalisent ce qu’ils sont en train d’encourager ? La paix est un bien précieux dont nous sommes tous responsables. Pour le confort de la polémique contre moi, il vaudrait mieux éviter les surenchères verbales qui facilitent le travail des propagandistes en faveur de la guerre.
Comme vous l’avez sans doute compris après m’avoir suivi dans quelques émissions, l’économie m’intéresse et j’en analyse les rebonds depuis plusieurs décennies. La formation initiale que m’ont donnée les économistes de la mouvance trotskiste dans ma jeunesse m’a bien servi pour entrer dans un domaine qui n’était pas le mien au départ dans mes études. Grâce à ce qu’on m’a expliqué des analyses d’un homme comme François Chesnay j’ai toujours gardé un œil sur les fondamentaux qui m’avaient été signalés comme décisifs dans l’évolution d’une situation économique globale. Je lis donc avec intensité en ce moment tout ce qui se rapporte à l’évolution de la bulle financière mondiale qui risque d’éclater.
La conjonction entre cet évènement et les dysfonctionnements et blocages de l’économie matérielle « réelle » comme conséquence de la pandémie me semble former un cocktail bien explosif. Le correspondant du « Monde » aux États-Unis estime que depuis New York, le krach est commencé avec la dégringolade des valeurs des entreprises de technologie. C’est dans ce secteur que se faisaient les progressions et les taux de profits d’une part et comme d’autre part les spéculateurs jouent à présent à la baisse ça ne prend pas le bon chemin. Enfin, comme tout le système de la finance a toujours une paille pour pomper dans les verres qui se remplissent vite et se goinfre de titres sur ces « actifs technologiques », la contagion est garantie.
Bien sûr et comme d’habitude les banquiers centraux ouvriront les vannes pour compenser par des injections massives de liquidités les pertes qui pourraient envoyer au tapis tout le système. C’est ce qu’ils ont fait en 2008 après Lehmann Brothers et en 2020 avec l’effondrement des économies dans la crise de la Covid-19. Donc mêmes maux mêmes remèdes. Mais que vaut le remède ? On constate en effet que l’extincteur ne fonctionne plus aussi bien. Et même pire : il n’est pas certain qu’il fonctionne encore. En effet d’une crise à l’autre, d’une injection massive à l’autre les courbes qui constatent les effets montrent que l’on tend vers une situation où elles ne bougent presque plus quand on actionne la pompe à billets pour refinancer les mourants. Des milliards de dollars quasiment jetés par les fenêtres sur les gens par Biden ne produisent pas le décollage durable attendu. Ni dans la production ni de la consommation d’investissements privés des ménages ou des entreprises. Ce phénomène m’avait déjà été signalé dès 2010 par un des créateurs de la banque du sud qui s’en inquiétait. Il n’est donc pas sûr du tout qu’une nouvelle crise puisse se surmonter de nouveau par ce moyen.
Mais alors, comment faire ? D’autres indicateurs contribuent à l’incertitude. Comment l’inflation, notamment celle sur les carburants, va-t-elle se surmonter ? Et celle qui atteint tant de produits de première nécessité pour les familles ? Il n’y a pas tant de moyens : ou bien les salaires augmentent au détriment du capital ou bien rien n’est fait et la consommation se tarira, l’accumulation s’interrompra. Reste le blocage des prix. Le capital n’en veux pas. Plus dure sera pour lui l’ardoise finale entre les chocs sociaux à prévoir et les pertes commerciales assurées de leur fait et de celui du recul de la consommation. La paix achetée au prix du blocage n’aura pas lieu ? Elle coûterait moins de souffrance populaire. Mais l’ardoise finale sera quand même payée par le système.
Et le carburant ? L’affaire s’est amorcée de loin. Il y a eu l’arrêt de consommation soudain à cause de la période des confinements. Alors le pétrole s’est vendu à perte. Des cohortes de navires pleins à craquer étaient paralysés en mer et les cuves à terre débordaient. Les traders se mordaient les doigts d’avoir cru à un placement sécurisé avec l’or noir. Ils ont donc bloqué leurs commandes (« marché à terme ») à 12 mois et à six mois puisque personne n’avait l’air d’en vouloir à brève échéance. Là-dessus l’économie redémarre et la demande de pétrole et d’essence bondit. Du coup les prix en font autant. Mais le pouvoir français, Macron et Lemaire, se disent que ça ne durera pas. Leur raisonnement : les commandes étant reparties, la production de pétrole va suivre et les prix redescendre dans les six mois se disent-ils. C’est pourquoi il misent sur un reflux des prix pour le mois d’avril.
Gloups ! Ce n’est pas ce qui se passe. Au contraire. Mais qui donc a intérêt aux cours élevés ? D’abord les producteurs de pétrole. Et tout au long de la chaine tous ceux qui ont perdu de l’argent dans la phase précédente et qui ont besoin de se refaire une santé. Les producteurs n’agitent pas la pompe. D’ailleurs ils ont peu investi dans leurs équipements de pompage et les machines ne sont plus si performantes ni si flexibles. Ensuite, autre profiteur de crise, l’industrie pétrolière US qui a besoin d’un baril à soixante dollars pour rendre rentables les forages de pétrole de schiste qui ont rendu ce pays autonome à ce prix. Enfin les spéculateurs qui parient à la hausse et attendront comme la dernière fois le cap des cent dollars le baril pour s’inquiéter.
Bref, considérée du point de vue du système, la situation n’est pas si désagréable exception faite pour le consommateur. C’est toujours de là que naissent les crises : tout le monde n’a pas le même intérêt à les maitriser ni à les pousser dans le même sens. Car l’urgence n’est pas la même. Celui qui a du blé à vendre peut attendre le meilleur cours pour le faire. Tandis que celui qui a besoin de pain ne peut faire attendre sa faim avec la même patience. On sait ça depuis la controverse Necker/Turgot et le début de la révolution de 1789.
Dans ce contexte, la guerre d’Ukraine peut jouer son rôle. En fait il s’agit d’une vaste gesticulation destinée à accélérer l’intégration de l’Ukraine dans le giron de l’OTAN. Mais aussi à interrompre le plus grand projet de coopération Russie/Union européenne qu’est le pipeline gazoduc Nord Stream 2 qui amène le gaz russe en Europe. L’Allemagne en est super dépendante. Les USA en sont fort marris. Ils préféraient que leur gaz de schiste soit notre combustible. Imaginez la conséquence d’un choc même « seulement « commercial » avec la Russie sur ordre des USA. Je doute que cela fasse baisser le prix du gaz pendant un bon moment. Je suis donc certain que cette inflation du prix viendra ajouter à l’exaspération des consommateurs. J’en reste là pour cet instant de sorte que mes lecteurs puissent s’en faire une idée le temps de digérer ce plat d’informations et d’analyse. Puissent-ils perdre toute naïveté quand on leur parle de guerre pour la sécurité en Ukraine. Et pourquoi.
Mardi 18 janvier, en marge d’une conférence de presse où je présentais notre stratégie européenne, une drôle de question m’a été posée. Le jour même, une « étude » sur les effets du passe-sanitaire avait été publiée. Elle émanait du Conseil d’analyse économique (CAE), un organisme directement rattaché à Matignon. Qu’annonce-t-il ? Surprise : la politique mise en place par son commanditaire est jugée efficace. Et pour être certain que la nouvelle tourne bien sur les chaines d’informations en continu, le Conseil d’analyse économique a eu le bon goût de joindre à son étude quelques chiffres chocs : le passe-sanitaire mis en place à l’été 2020 aurait permis de sauver 4000 vies et 6 milliards d’euros de PIB !
Lorsqu’on m’a posé la question de ma réaction à ce rapport, j’ai spontanément répondu « par un grand éclat de rire ». En effet, je connais les biais et le caractère souvent très contestable de tels « résultats » obtenus par l’économétrie. Voyons cela de plus près.
Cette étude se propose de calculer ce qu’aurait été le taux de vaccination sans le pass sanitaire. Et d’en déduire des effets en termes de nombre de formes graves du covid, de nombre de morts et de résultat économique. Ce faisant, elle est d’abord un aveu : le pass sanitaire n’avait pas d’autre objectif que d’imposer la vaccination obligatoire en rendant impossible la vie des non-vaccinés.
Le raisonnement est simple, voir simpliste : sans pass sanitaire, moins de personnes auraient été vaccinées, donc plus de personnes auraient été en réanimation et plus seraient décédées. Mais le Conseil d’analyse économique part de l’hypothèse qu’en l’absence de pass sanitaire, aucune autre politique sanitaire n’aurait été mise en place. Il compare une politique, celle de Macron, non pas avec son alternative que nous avons proposée, mais avec le statu quo. Ainsi, une politique de « l’aller vers », pour permettre aux personnes éloignées du monde médical d’accéder au vaccin, aurait pu augmenter aussi le taux de vaccination. Par ailleurs, la mise en place d’une société du roulement, la généralisation des masques FFP2, des demi-groupes à l’école auraient aussi ralenti la circulation globale du virus.
L’étude du CAE, derrière ses prétentions scientifiques, exprime donc bien seulement une opinion politique, favorable au pass sanitaire. Le volet économique est encore plus frappant. L’étude calcule une corrélation entre augmentation du taux de vaccination et croissance économique à partir des données des pays de l’OCDE et du G20 : 0,052 point de PIB par point de vaccination supplémentaire. Cette approche statistique peut avoir un intérêt, mais ne recoupe pas la réalité. Le passage d’un taux de vaccination de 98% à 99% aurait-il un impact quelconque sur l’activité économique ? Évidemment, non. Surtout, il s’agit ici d’effets indirects. C’est surtout l’absence de confinement généralisé sur tout le territoire qui préserve le PIB. Mais éviter de telles restrictions était tout à fait possible sans pass sanitaire. Encore une fois nous avons proposé une stratégie globale pour y parvenir.
Le rapport du CAE ne dit rien non plus des effets négatifs du pass sanitaire. Il y a de nombreux surcoûts pour les entreprises, qui auraient pu être documentés. Dès juillet 2021, la Fédération Hospitalière Française (FHF) alertait sur les 60 millions d’euros de surcoût par mois pour les hôpitaux pour organiser le contrôle des pass sanitaires. On sait aussi que pour la SNCF, cela représente plusieurs millions d’euros. Il y a eu aussi cet été des baisses de fréquentation et de consommation à cause du pass : 15% d’activité en moins pour la restauration et au-delà, 55% des PME qui disent avoir subi une baisse d’activité à cause du pass sanitaire. Mais tout cela n’est même pas considéré par le Conseil d’analyse économique.
Cette étude méritait bien ce grand éclat de rire. Elle nourrit un récit propagandiste sur la politique de Macron mais ne permet pas d’éclairer le débat pour confronter les différents points de vue. Elle organise un paysage caricatural : soit la politique sanitaire de Macron, soit le chaos et la mort. Comme ses équivalents dans le domaine purement économique, son message est simple : il n’y a pas d’alternative. Heureusement, les esprits sont désormais bien entrainé pour repérer ce type de bourrage de crâne et ne pas en tenir compte.