L’idée de « primaires de la gauche » enfonce chaque jour un peu davantage ceux qui les suivent dans la confusion. Jean Christophe Cambadélis demande désormais à ses amis de faire pression sur moi pour que j’accepte d’y participer. « Le problème ce n’est pas nous, c’est lui », dit-il à mon sujet ! Fine ruse visant à donner le change à son opposition interne qui a voté en faveur de ces primaires. Il a d’ailleurs qualifié cette prise de position de « tempête dans un verre d’eau » puisque tout le monde au PS serait « d’accord pour ces primaires ».
Fort bien, mais alors pourquoi la porte parole du PS, Juliette Maedel, a-t-elle déclaré que la « primaire a fait flop » ? Qui croire ? Jean Christophe Cambadélis nous annonce-t-il que François Hollande va participer à cette primaire ? Il sait bien qu’il n’en est pas question ! Sans Hollande, les frondeurs acceptent-ils de soutenir une primaire qui désignerait un candidat contre lui ? Ils savent bien que non ! Alors quel est le sens de toute cette confusion délibérément fabriquée au fil des déclarations ?
Je laisse chacun répondre pour m’éviter de voir toute mon interpellation réduite à la conclusion que j’en tire ! Mais je ne suis pas le seul à penser qu’il y a une grosse anguille sous roche ! Dans un bref message sur Facebook, Marie George Buffet relève : « Je suis très étonnée de l’engouement suscité par une primaire à gauche. Outre que cela nous inscrit dans l’ultra présidentialisation du pouvoir politique de la Vème République, cela nous conduit à malmener le suffrage universel en réduisant le champ de ses choix. Ainsi, certains conditionnent la tenue de cette primaire, à la présence de F Hollande et de JL Mélenchon, il faudra donc choisir entre celui qui met en œuvre une politique et celui qui la combat et après, selon le résultat, on met nos idées, valeurs dans la poche, un mouchoir dessus et on fait du vainqueur notre candidat à la présidentielle !!!!! Alors, certains disent que la primaire serait réservée à certain-es, sans Hollande. Alors qui est admis ? Sur quels critères ? On a, je l’espère, mis le projet politique en une de ces critères… »
Je tiens le même raisonnement, on le sait. Comme elle, je souligne la nécessité de sortir de la Vème République et des traités européens pour vraiment tourner la page du monde de la monarchie présidentielle et de l’austérité permanente pour pouvoir parler d’un projet commun pour le futur. Pour moi, 2017 est une formidable opportunité démocratique pour tout changer ! Je refuse de voir cette opportunité ramenée à un obscur jeu politicien de petits chevaux jouant de la peur de l’extrême droite pour amnistier tout bilan et faire taire tout projet. Je ne fais pas de procès d’intention aux auteurs de la proposition de primaire.
Mais je sais lire ! Et je demande que mes lecteurs vérifient eux-mêmes combien les propos de Daniel Cohn Bendit confirment ce que je viens de dire. Mettons de côté le caractère insultant de ce qu’il dit à mon sujet, puisqu’il est bien connu que l’agressif c’est moi et que je ne reçois que ce que je mérite. Voyez plutôt comment la logique qui anime son projet finit par trouver préférable de voter… Juppé. Cette option n’est pas venue sur ses lèvres dans un de ces moments d’égarement qu’on lui connait. Il l’a réitérée tout aussi méthodiquement dans Le Monde. Les extraits ci-dessous se passent de commentaires.
Extrait de l’interview de Daniel Cohn-Bendit dans Les Inrockuptibles du 20 janvier 2016 :
« Comment est née l’initiative de l’appel pour une primaire de toutes les gauches dont vous êtes l’un des initiateurs avec Yannick Jadot, Michel Wieviorka et Thomas Piketty ?
Daniel Cohn-Bendit – D’un grand nombre de discussions qui se terminaient toujours ainsi : si on continue, on va droit dans le mur. La gauche est en pleine décomposition et personne ne s’y retrouve. La seule chance d’inverser la tendance est de mettre en place un grand débat pour trouver le meilleur candidat qui ait une chance d’arriver, au moins, au deuxième tour de la présidentielle.
Cela signifie-t-il un autre candidat que François Hollande ?
Non. Parmi les initiateurs de l’appel, il y a des sensibilités différentes. Certains pensent en effet qu’il ne serait pas le meilleur. Pour moi, le meilleur serait le vainqueur de la primaire. Il ne faut pas se faire d’idées : Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent n’ont aucune chance de gagner une primaire des gauches ouverte. Le meilleur candidat n’est pas celui qui prétend l’être parce qu’il a le programme le plus radical. Le meilleur est le plus apte à trouver un équilibre entre les positions contradictoires à gauche. Hollande pourrait se relégitimer en démontrant qu’il est ce candidat.
François Hollande n’a pas réagi. Mélenchon a déjà signifié qu’il ne participerait pas. Peut-on faire une primaire de toutes les gauches sans le leader du Front de gauche ?
C’est difficile. Mélenchon est le meilleur allié de François Hollande. Ils ont un accord tacite. En refusant tous les deux la primaire, ils imposent une élection présidentielle catastrophique pour la gauche. Mélenchon s’en fout. Il a Podemos et Tsípras dans le viseur. Il espère conquérir l’hégémonie sur la gauche après la catastrophe de 2017. Miser sur le catastrophisme est une position traditionnelle de l’ultragauche. Mais il oublie qu’entre-temps, une autre joue sur le même catastrophisme, mais risque, elle, de se trouver au second tour, voire à l’Elysée, alors que Mélenchon n’a aucune chance.
Ce reproche lui est souvent fait. En est-il conscient ?
J’ai arrêté de réfléchir sur Mélenchon. Quand il s’est présenté dans le Nord contre Marine Le Pen, il a toujours prétendu qu’il allait gagner. Il n’a jamais tiré les conséquences du fait qu’il s’est pris une raclée à chaque fois. Il n’est pas intéressé par le fait de trouver une autre majorité en France. Mélenchon joue sur la décomposition de la société et se pose en sauveur suprême. Je n’ai jamais oublié la fantastique affiche du FG avec sa photo qui disait “Prenez le pouvoir !”. Le pouvoir, c’est lui. Il n’y a que ça qui l’intéresse.
Ces primaires pointent ses ambitions personnelles ?
Et celles de Hollande. Si les conservatismes partidaires des uns et des autres continuent, on va se retrouver dans une situation catastrophique où tout le monde à gauche sera soulagé de voter Alain Juppé. On le dénonce – de droite, trop vieux – et en même temps, tout roule pour lui. Ce n’est pas le pire candidat…
Mais ce n’est pas un très bon candidat de gauche non plus…
Peut-être que la France a besoin d’un moins pire candidat de droite. »
Extrait de l’interview de Daniel Cohn-Bendit dans Le Monde du 20 janvier 2016 :
« Juppé est souvent épargné dans vos interventions.
On se trouve dans une situation tellement folle que c’est la primaire de la droite qui élira le prochain président de la République ! Donc si on me demande ma préférence, je choisis le moins pire : Juppé, lequel ne prétend d’ailleurs qu’à un mandat. Ça calmera temporairement ce pays pour que se reconstitue une gauche, des gauches, une force écologique, bref, une alternative. Le cauchemar absolu serait un deuxième tour Sarko-Le Pen ! »