Entêtement dans le nucléaire et enterrement de l’éolien en mer. Au secours ! C’est la transition énergétique par les nuls ! La même semaine, on a ainsi appris deux terribles nouvelles pour l’écologie et l’industrie verte dans notre pays. D’abord, EDF sera bien engagée dans le projet absurde de construction de deux réacteurs nucléaires EPR au Royaume-Uni. Ensuite, Areva se débarrasse de sa filiale dans l’éolien en mer au profit de l’allemand Siemens. Après l’abandon à General Electric de la branche énergies marines d’Alstom en 2014, c’en est donc fini de l’espoir d’une filière industrielle française puissante dans l’éolien en mer si rien ne change en 2017. C’est tout l’inverse qu’il faudrait faire. C’est ce que diront les partisans de la sortie du nucléaire à Flamanville en Normandie lors du weekend d’action du 1er et 2 octobre prochain. Beaucoup de ceux avec qui je mène campagne y seront.
Hinkley point. Retenez ce nom. Ce sera peut-être le cercueil d’EDF. C’est le nom du projet de deux réacteurs nucléaires au Royaume-Uni. La Première ministre britannique Theresa May a confirmé ce projet jeudi 15 septembre. EDF sera le principal maître d’œuvre du chantier. Plus de 21 milliards d’euros doivent être investis dans ce projet dont les deux-tiers entièrement à la charge d’EDF. C’est un montant vertigineux. Le journal Le Monde écrit que cela fera de ce complexe nucléaire « l’objet le plus cher de la planète » ! C’est un projet absurde : nous n’avons pas créé EDF pour construire des centrales nucléaires au Royaume-Uni mais pour produire de l’électricité en France.
C’est un projet suicidaire. Cet investissement est insupportable pour EDF compte tenu de sa situation financière actuelle et des besoins futurs. L’entreprise est endettée à hauteur de 38 milliards d’euros. C’est surtout absurde au regard des besoins en investissement en France dans les centrales nucléaires existantes, qui se chiffre à 100 milliards d’euros. Sans compter l’argent qu’il faudrait pour sortir du nucléaire et investir dans les énergies renouvelables. D’ailleurs, la totalité des syndicats d’EDF s’opposent à ce projet, même ceux qui défendent le recours à l’énergie nucléaire en France ! Même Laurence Parisot, ancienne présidente du MEDEF, s’est opposée à ce projet au sein du conseil d’administration d’EDF dont elle est membre. Imaginez la scène, Sud, CGT et l’ancienne présidente du MEDEF d’accord : c’est que l’affaire doit être grave, non ? Et le directeur financier d’EDF avait démissionné au printemps pour protester contre ce projet. Seuls la direction générale d’EDF et le gouvernement Hollande s’entêtent dans ce projet. Pourquoi ? Au profit de qui ?
C’est un projet irresponsable. Ces réacteurs doivent être de technologie « EPR ». À l’heure actuelle, aucun réacteur de ce type ne fonctionne. Et les deux chantiers d’EPR en cours en Europe sont des fiascos industriels et des gabegies financières sans nom. En Finlande, les coûts ont dérapé de 5 milliards d’euros et plombé Areva. En France, à Flamanville, en Normandie, le chantier de l’EPR est en retard de six ans : il devait ouvrir en 2012 et n’ouvrira pas avant 2018, dans le meilleur des cas ! Et le coût a été multiplié par trois, à plus de 10 milliards d’euros contre 3,4 milliards prévus au départ. Sans compter les multiples révélations de malfaçons, d’accidents du travail, de recours à des travailleurs détachés surexploités.
Il est plus que temps d’arrêter les dégâts. Un grand rassemblement est prévu les 1er et 2 octobre prochain à Flamanville justement pour dénoncer ce fiasco et exiger la sortie du nucléaire. Des partisans de la sortie du nucléaire de toute la France vont s’y donner rendez-vous. Une manifestation aura lieu le samedi 1er à 14 heures. C’est l’occasion de remettre la question écologique au cœur de la campagne présidentielle qui commence.
C’est vital pour l’avenir du pays du point de vue écologique évidemment. Mais aussi du point de vue industriel et social. Car le productivisme et le refus de la transition écologique coûtent de plus en plus cher en emplois détruits et en filières industrielles abandonnées. Alors que la sortie du nucléaire et des énergies carbonées pour passer à une France 100% renouvelable pourrait créer 900 000 emplois dans notre pays. Il y a évidemment aussi Alstom transport, spécialiste du ferroviaire, et en particulier la fermeture annoncée de l’usine de Belfort. Cette usine est pourtant spécialisée dans la construction de locomotives pour le fret ferroviaire dont nous aurions tant besoin pour réduire le nombre de camions sur les routes. Je renvoie ceux que ce pillage et ce dépeçage indignent à la tribune que j’ai publiée dans Le Monde à ce sujet et qui a été mise en ligne sur ce blog.
Mais il y a pire. Pendant qu’EDF s’entête dans le nucléaire, la filière des énergies renouvelables marines est démantelée dans notre pays. Areva, pilier de la filière nucléaire française a aussi une filiale dans l’éolien en mer. Mais cette entreprise publique doit faire face à de très lourdes difficultés financières causées par le nucléaire. Et pour y faire face, le gouvernement a, contre toute logique, décidé de sacrifier la branche d’éolien off-shore. Cette filiale sera donc vendue à une filiale de l’allemand Siemens. Ce sabordage intervient deux ans seulement après l’abandon de l’autre leader français des énergies marines, Alstom. La branche énergie d’Alstom a été bradée à General Electric au mépris de l’intérêt général.
L’absence de volonté et même d’intérêt politique pour la filière des énergies marines est total dans notre pays. Nos entreprises sont parmi les meilleures au monde. Elles pourraient assurer une part significative de l’énergie dont nous avons besoin à partir de sources renouvelables. Mais le laisser-faire gouvernemental a tout gâché. Alstom et Areva s’affrontent dans le secteur. Comme je l’écrivais dans mon article « la France puissance maritime qui s’ignore » paru en 2014 dans la Revue internationale et stratégique : « Quel spectacle lamentable de voir nos champions industriels s’affronter au lieu de coopérer : Alstom produit des éoliennes offshore avec EDF contre GDF (allié à Areva), mais des hydroliennes avec GDF contre EDF ! ». Et je demandais « à quand un pôle public de l’énergie permettant de faire travailler ensemble ces entreprises ? ».
Au lieu de cela, les deux piliers des énergies marines que sont la filiale d’Areva et Alstom Énergies Marines sont passées sous contrôle étranger. Quel désastre ! Quelle atteinte à l’intérêt général d’avoir laissé faire et même organisé ce pillage ! Et comment voir que tout cela n’annonce pas pour demain le même genre de dépeçage industriel que ceux qui ont martyrisé Alcatel par exemple ? Pourtant, si EDF trouve près de 20 milliards d’euros à injecter dans un projet nucléaire au Royaume-Uni, on peut penser qu’il aurait pu trouver quelques milliards d’euros pour investir dans l’éolien off-shore non ? Mais au fait, EDF n’est-il pas possédé à 85% par l’État ? N’est-ce pas le gouvernement qui nomme les administrateurs et définit donc la politique de l’entreprise ? C’est donc bien François Hollande le responsable de ce naufrage actuel et futur. Comme c’est beaucoup d’argent qui circule dans ces dossiers il faudra le moment venu s’assurer des circuits qui se sont activés et qui ont pris leur part à cette gabegie.