Interview parue dans Nice-Matin le 22 septembre 2015.
Votre sentiment sur la nouvelle victoire de Tsipras en Grèce ?
Je m’en réjouis. La droite grecque pensait que son heure était venue et elle a perdu une fois de plus. La victoire de Tsipras montre que ce que l’Eurogroupe a imposé à la Grèce ne se termine pas en plus par une débâcle électorale. Voilà pour les aspects positifs. Après, très franchement, je suis sans illusion. Le mémorandum imposé à la Grèce conduit ce pays à la ruine. Je préfère que ce soit Alexis Tsipras qui dirige la suite des événements, mais le mémorandum d’austérité s’applique. Je regrette que la fraction de gauche de Syriza n’ait pas d’élu : parfois on paie cher la fidélité à ses convictions.
Concernant les migrants, vous dites que le vrai réalisme consiste à empêcher les gens de partir. De quelle manière ?
D’abord en négociant avec ceux qui sont directement impliqués dans les guerres et qui sont soigneusement cachés. C’est-à-dire tous les pays du Moyen-Orient : l’Arabie Saoudite, le Qatar, l’Iran, la Turquie, qui tous ont les doigts dans ces guerres, arment, financent, permettent à Daesh d’avoir 500 millions de dollars d’avoirs dans les banques et de vendre du pétrole en contrebande jusqu’en Europe. Arrêter les guerres n’est pas un objectif impossible, elles n’ont lieu que parce qu’il y a des armes et de l’argent qui ne tombent pas du ciel. Il faut par ailleurs arrêter les accords de libre-échange de l’Europe avec l’Afrique, qui se font dans des conditions de déloyauté : l’ouverture absolue des frontières ruine les économies locales et met en mouvement des masses de gens. Commençons par faire cela, parce que bientôt vont arriver par dizaines de millions les migrants climatiques qui viendront s’ajouter à ceux que l’on connaît déjà. Il est temps de commencer à régler les problèmes et d’arrêter de faire croire aux gens que si on a un peu de générosité, tout sera résolu. Ce n’est pas vrai.
Les déclarations d’Emmanuel Macron sur le temps de travail et les fonctionnaires ?
Elles prouvent bien que le cœur de la politique gouvernementale est à droite. Monsieur Macron ne dit pas cela de sa seule initiative. Il prépare à des évolutions que je condamne formellement. Après avoir obligé les gens à travailler le dimanche et la nuit, combien d’autres acquis sociaux fondamentaux vont être remis en cause ? Le statut des fonctionnaires n’est pas un privilège, c’est un acquis et c’est aussi un outil pour l’État, pour sa stabilité, sa rationalité, sa capacité à intervenir. Si maintenant on veut aussi précariser la colonne vertébrale de la France qu’est son État, on court à un désastre de très grande ampleur, parce que la France est construite autour de cet État.
Jean-Christophe Cambadélis veut sonder l’électorat de gauche sur des listes communes aux régionales. Votre avis sur cette démarche ?
Il devrait se poser la question de savoir pourquoi il y a désunion. Ce n’est pas le fait des électeurs de gauche, ni de notre fait. Ce sont Manuel Valls et François Hollande qui ont divisé toute la gauche, ce sont eux qui ont ruiné leur majorité parlementaire. Et maintenant, ils viennent nous demander si nous voulons l’union, mais pour quoi faire ? Pour approuver leur politique que tout le monde désapprouve ? C’est une question qui n’a aucun sens, une opération de communication sans contenu politique.
Propos recueillis par Thierry Prudhon