L’université d’automne de la « Nouvelle gauche socialiste » reçoit une belle participation. Il s’agit du rassemblement de plusieurs centaines de socialistes dissidents qui ont pris leur liberté d’action vis-à-vis du PS. L’économiste Liêm Hoang-Ngoc et le député socialiste Noguès sont les deux visages les plus connus de cette réunion.
Pendant ce temps, Jean Christophe Cambadélis organise un improbable « référendum » pour ou contre l’union de la gauche, nouvel épisode du chantage qui constitue l’essentiel du message de ce parti.
Dans ce post, je montre que l’autre gauche parfois n’est pas à la hauteur de ce moment politique, non plus. Mais auparavant, je traite aussi des élections de ce dimanche au Portugal, de mon passage à Lille, de la négociation du Traité transatlantique. Mais d’abord de ce menteur de Hollande et de ce que valent ses engagements quelle qu’en soit la nature.
Dire « blanc » à la tribune des Nations-Unies le lundi et faire noir à Paris le mercredi. C’est ce que fait François Hollande. Sous son égide, la préparation de la Conférence sur le Climat de début décembre n’est qu’un sujet de communication cynique. Elle doit se tenir à Paris du 30 novembre au 11 décembre et vous en avez sans doute entendu parler sous le nom de « COP21 ». Mais François Hollande ne cesse de reculer sur le contenu de cette conférence. Cette fois, c’est la réalité de sa politique d’austérité qui s’est rappelée à ses promesses budgétaires. François Hollande a promis une hausse de l’aide publique au développement versée par la France. Mais au même moment, son gouvernement a prévu une baisse de ces crédits l’an prochain !
A la tribune de l’assemblée générale de l’ONU, lundi 28 septembre, François Hollande a promis d’augmenter l’aide publique au développement versée par la France de 50% d’ici 2020. Il annonçait le passage de 8 à 12 milliards d’euros. Bien sûr, cette promesse n’engageait déjà que ceux qui y croyaient puisque la hausse promise doit intervenir à partir de 2020. C’est-à-dire une fois que François Hollande ne sera plus là. Comme son nom l’indique, l’aide au développement est versée aux pays en développement. En l’occurrence, Hollande a promis cette augmentation pour alimenter le « fonds vert ». Qu’est-ce que c’est ? Ce « fonds vert » est censé recueillir de l’argent des différents États riches pour financer des projets de lutte contre le changement climatique ou d’adaptation à ses conséquences dans les pays en développement. L’objectif affiché est de rassembler 100 milliards d’euros par an à partir de 2020. François Hollande a donc en particulier promis d’augmenter les financements annuels de la France pour le climat de 3 milliards d’euros aujourd’hui à plus de 5 milliards d’euros « à partir de 2020 ».
François Hollande a fait de cet enjeu financier sa bouée de sauvetage à l’approche de la Conférence Climat. Souvenez-vous, c’était dans sa conférence de presse du 7 septembre. Il déclarait alors : « bien sûr qu’il y a l’accord contraignant, il y a les contributions, il y a tout ce qui peut mobiliser l’ensemble des acteurs économiques, locaux, grandes organisations non gouvernementales, oui, mais il n’y aura pas d’accord et notamment parce que des pays s’y refuseront, des pays émergents, on les connait, des pays du Sud, et on les comprend, s’il n’y a pas d’engagement ferme sur les financements. […] Donc il y a trois mois, à peine trois mois, il y a un sujet qui va s’imposer, le financement et c’est là-dessus que la France va maintenant mener son offensive ».
Pourquoi ce changement de pied ? Jusqu’ici on avait compris que l’objectif central était d’obtenir un accord international contraignant à propos des engagements de réductions des émissions de gaz à effet de serre. Le but est de limiter le réchauffement climatique. Mais sous l’égide de François Hollande, cet aspect-là est en train de tourner au fiasco. L’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 degré d’ici 2100 a été abandonné très vite. La bataille s’est alors concentré sur l’objectif de limiter le réchauffement à 2 degrés. Au-delà de ce seuil, les scientifiques estiment que les conséquences du réchauffement climatique seront irréversibles et immaîtrisables. Mais les promesses de réduction annoncées jusqu’ici ne permettraient que de limiter le réchauffement à 2,7 degrés selon les experts de l’ONU !
Voyant poindre cet échec, François Hollande a donc choisi de changer son fusil d’épaule et de tout miser sur les promesses financières et le fameux « fonds vert ». On le comprend. Dans ce genre de conférence, tous les pays promettent des sommes importantes, si bien que l’objectif affiché peut être atteint. C’est d’autant plus facile que les États peuvent contribuer sous forme de dons mais aussi de prêts que les bénéficiaires devront rembourser. Et aussi que les 100 milliards cumulent des fonds publics et privés. Il sera donc toujours temps de se rendre compte, quelques temps après, que les versements effectifs n’atteignent pas le montant des promesses. Mais au moins, François Hollande aura pu clamer son succès d’avoir recueilli 100 milliards d’euros de promesses d’argent à la veille du deuxième tour des élections régionales.
Sauf que le pot aux roses est déjà découvert ! Par la faute de François Hollande lui-même. En effet, son gouvernement s’est chargé de dégonfler la bulle des promesses dès le surlendemain des promesses du président ! Le copain de promotion de Hollande, Michel Sapin, a ainsi présenté le projet de budget pour 2016. Et là où on nous promettait une hausse de l’aide au développement, il y a en fait… une baisse ! Les crédits de la mission « aide publique au développement » vont baisser de 170 millions d’euros. Ils passeront de 2,77 milliards d’euros en 2015 à 2,6 milliards d’euros en 2016. Une baisse de 6% donc. La baisse de l’an prochain sera même deux fois plus forte que la coupe de l’an dernier. En langage Hollande cela doit se dire « une augmentation de la baisse de l’augmentation »
Après quoi voici le bilan. Le montant de l’aide au développement a baissé chaque année depuis l’élection de François Hollande ! Ça avait commencé avant lui, c’est vrai. Mais là encore, la continuité avec Nicolas Sarkozy est édifiante. À ce sujet, je m’étonne que bien peu aient noté la baisse du budget de l’aide au développement quand le ministre en charge du sujet était membre d’Europe Écologie-Les Verts. Voilà qui devrait faire réfléchir les donneurs de leçons sur l’amitié entre les peuples et la coopération internationale.
La France ne respecte pas ses promesses en matière d’aide au développement. Ceux qui rêvent de voir la France en « bon élève » de Mme Merkel devraient y réfléchir. Car en la matière, la France ne donne pas l’exemple du tout. La France a promis, comme les autres pays riches, de porter l’aide au développement à 0,7% de sa richesse annuelle. Mais elle en est très loin. Notre pays consacre actuellement 0,37% de sa richesse annuelle à l’aide au développement ! Moitié moins que ce qu’il s’est engagé faire !
Dans l’urgence et sous la pression, Manuel Valls a promis de rectifier le tir en déposant un amendement devant l’Assemblée. Mais il n’a rien dit des montants. Pour rattraper la baisse des cinq dernières années, il faudrait 700 millions d’euros de plus. Le gouvernement a été capable de trouver 41 milliards d’euros pour le MEDEF. Sera-t-il capable de trouver 700 millions d’euros pour l’aide au développement ?
D’ailleurs, ce n’est pas le seul mauvais signe qu’envoie François Hollande avant la Conférence Climat. Pour la quatrième année consécutive, il va aussi baisser le budget du ministère de l’Écologie ! Moins 100 millions d’euros en 2016 par rapport à 2015. Cette baisse va venir s’ajouter à celle intervenue en 2013, 2014 et 2015. Au total, le budget du ministère de l’écologie a déjà baissé de 16% depuis l’élection de François Hollande. Et les coupes vont donc se poursuivre. On se demande si Sarkozy aurait fait pire, lui pour qui « l’écologie, ça commence à bien faire ». Comme l’écrit la fondation Nicolas Hulot « la COP21 est oubliée le temps de la discussion budgétaire ». On pourrait même le dire de l’écologie en général.
Ce dimanche 4 octobre auront lieu au Portugal les élections législatives. Repérons-nous car ce sera un épisode politique qui va compter lui aussi sur le vieux continent. La nouvelle Assemblée sera élue à la proportionnelle par circonscriptions régionales. Le Premier ministre est actuellement Pedro Passos Coello. Il s’agit d’un gouvernement de droite depuis 2011. Le parti au pouvoir se nomme « social-démocrate » mais c’est une survivance de la période qui a suivi la chute de la dictature de Salazar où plus personne n’osait se dire ouvertement de droite au Portugal. Cette droite est donnée favorite alors même qu’elle était tenue pour perdante il y a encore peu. Le Parti socialiste portugais arrive en seconde position alors qu’il était donné gagnant. Mais l’écart avec la droite reste serré. Evidemment, le PS concentre sa campagne sur le « vote utile ». Ça sonne aussi creux qu’ici. « Utile à quoi ? ». Car c’est bien le PS qui a appelé la Troïka et appliqué les premières mesures d’austérité en 2010-2011. Depuis cette date, la droite a poursuivi sur la ligne européenne ordo-libérale. Et le PS ne propose aucune rupture avec cette politique, cela va de soi. Le bilan est pourtant terrible. La richesse produite (à supposer que ce soit un vrai repère pour nous comme ça l’est pour les productivistes) est toujours inférieure à 2009 après 3 ans de récession entre 2011 et 2013. Il y a 300 000 chômeurs supplémentaires et 40% de chômage chez les jeunes. Si bien que 500 000 Portugais se sont exilés en 5 ans. Et dans la population qui reste sur place, il y a 20% de pauvres.
Le Portugal est souvent présenté comme « le bon élève de la Troïka », au motif qu’il n’est plus soumis aux « plans d’aide ». On sait qu’un « plan d’aide » est une saignée de privatisations et de coupes claires dans les dépenses publiques pour pouvoir emprunter « sur le marché directement ». Les griots de la « seule politique possible » s’en gargarisent. Vu de près, il en va tout autrement. La petite respiration retrouvée dans l’asphyxie ne tient nullement à la politique de la Troïka mais à son contraire. La timide « reprise » 2014-15 coïncide avec l’assouplissement de l’ordo-libéralisme, c’est-à-dire que si elle a lieu c’est parce qu’une atténuation de la politique d’austérité a eu lieu, de peur de faire craquer la corde qui tient le pendu. Dit en langage FMI : « l’ajustement budgétaire a ralenti ». Et dans le même temps, ce fut une baisse de l’euro provoquée par la BCE contre le dogme de l’euro fort. Et c’est aussi à l’intervention de la BCE qu’est due la baisse des taux d’intérêt sur les marchés financiers auprès desquels le Portugal peut désormais « s’approvisionner directement ». Bref, c’est en réunissant les conditions contraires exigées par le catéchisme libéral que la situation s’est rendue légèrement moins cruelle. Mais attention à la propagande : le Bla Bla sur la « reprise portugaise » ne doit pas faire perdre de vue qu’il s’agit de très peu de choses. Car au rythme actuel, en 2020 le PIB du Portugal sera seulement revenu au niveau de 2009 ! Sur le long terme, l’économie portugaise est défigurée par la médecine qui lui a été appliquée. Le modèle allemand a fait son œuvre. Elle repose désormais sur les exportations : elles représentent désormais 40% du PIB contre 27% avant la crise. Autrement dit au premier retournement de tendance mondiale, patatras, le Portugal retourne à l’âge de la pierre. Et justement, mauvaise nouvelle, l’OMC (organisation mondiale du commerce) annonce que le commerce international va reculer pour la quatrième année consécutive. Le niveau s’aligne sur le taux de croissance mondial. Adieu la divine période où le commerce mondial progressait deux fois plus vite que la production parce que le grand déménagement des marchandises carburait à mort.
La « reprise » est donc fondamentalement non durable. Car l’export qui la porte repose sur le dumping social c’est-à-dire la baisse du coût du travail et celle de l’euro, deux paramètres qui sont promis à de fortes fluctuations sociales et politique. En tous cas, on ne voit pas que le maniement d’une monnaie et la régression sociale améliorent le niveau de qualité ou de performance des marchandises échangées. La production portugaise ne vaut donc pas davantage qu’au début de la crise. Sa valeur d’usage est la même et sa valeur d’échange est manipulée. En attendant, les salaires ont baissé de 6% entre 2010 et 2013 et ce n’est donc pas la consommation populaire qui va prendre le relai de l’atonie de l’export. Et en toute hypothèse, la dette publique reste aussi insoutenable que celle des Grecs et de tout l’arc méditerranéen. Selon le FMI : « Le poids de la dette publique et privée va probablement réduire les perspectives de croissance à moyen terme ». C’est dit. Car comme d’habitude la dette publique a augmenté avec l’austérité et les autres merveilles de la cure infligée pour la faire réduire. Elle est passée de 84% du PIB en 2009 à 130% en 2014. Un « détail » que les commentateurs enthousiastes du « bon élève portugais » oublient de mentionner. En tous cas, en 2015, le remboursement de la dette a absorbé près de 5% de la production du pays. Les banques adorent ! Surtout qu’elles ne sont pas très flambardes. La bulle de la dette privé et celle des banques menacent. Les chiffres devraient faire mourir de peur « les marchés », si tatillons quand il s’agit des dettes de l’État. La dette privée a un peu reculé mais elle représente toujours 237% du PIB ! Quant aux banques privées, ça sent la fuite de gaz à plusieurs milliers de kilomètres. En 2014 l’État portugais a déjà a sauvé la Banco Espirito Santo en lui offrant de la part des Portugais, à qui personne n’a rien demandé, pour 5 milliards d’euros. Et à cette heure, les créances douteuses des banques portugaises atteignent encore 12% du total de ce que les banques marquent dans leur bilan comme des actifs. Selon le FMI, cette part « grandit », menaçant le système financier portugais alors que l’endettement public rend impossible une injection massive de capitaux. Bientôt la fin, bien sûr. Comme en Grèce, comme partout. La dette portugaise ne sera pas payée et ses banques s’effondreront le moment venu.
Et nous ? Ou sommes-nous dans cette élection ? L’espace culturel de l’autre gauche est occupé par deux blocs. Le premier est constitué par l’alliance des Verts et du Parti Communiste, le second est une coalition plus hétéroclite mais bien vivace « le Bloco ». Le total des voix recueillies est impressionnant puisqu’il tourne autour des 15%. Mais, bien sûr, nous sommes divisés. Dans ces conditions, nous ne sommes pas ressentis comme une alternative réelle et donc pas comme une alternance possible. Nous catalysons une certaine colère ample, sans entrainer la société. Cette division permet au PS de jouer à fond la carte du vote utile puisqu’à l’évidence nous ne sommes pas en état de créer une majorité pour gouverner. Mais le discrédit du PS est suffisant semble-t-il pour rendre ce chantage bien moins opérant que ne le croyaient ses initiateurs. Je suis du plus près que je peux l’évolution de mes camarades portugais. Au Parlement européen, je siège juste sur la même rangée que les communistes portugais qui sont plutôt francophones et je ne cache pas que nous votons très souvent de même, sauf sur les questions de pêche. Et depuis toujours le dialogue est bon avec le Bloco dont les élus sont devenus des amis personnels avec qui je parle en toute franchise et décontraction. Sur l’Europe les points de vue se rapprochent après l’épisode grec. Certes, le PCP, allié depuis longtemps aux Verts au sein de la « Coalition démocratique unitaire » a une ligne très dure contre l’UE. Et d’ailleurs il n’est pas membre du Parti de la gauche européenne. Et à présent, le Bloco a revu sa position sur l’Euro après la signature de Tsipras. Le Bloco ne critique pas Tsipras, mais il adopte une position quasi-identique à celle du PG. Fernando Rosas cofondateur du Bloco : « premièrement, on ne peut pas mener de politique anti-austérité dans le cadre de l’euro. Deuxièmement, l’eurozone est une sorte de dictature qui n’admet pas les choix démocratiques des pays européens. Nous voulons donc renégocier la dette et, le cas échéant, nous serions prêts à sortir de l’euro. On ne fera pas l’erreur d’Alexis Tsipras qui est allé aux négociations sans plan B. Mais nous ne voulons pas critiquer publiquement Syriza. Notre position officielle est que nous devons être prêts à sortir de l’euro si les négociations sur la dette n’aboutissent pas. »
Enfin pour faire sourire mes lecteurs, l’autre gauche portugaise n’a pas les pudeurs de gazelle de certains secteurs de notre gauche en France. Ici on la traiterait de « populiste ». Il y a deux ans, le PCP placardait des affiches en 4×8 « assez des voleurs et des menteurs – démission du gouvernement » ! Et en début d’année le Bloco accusait le Premier ministre d’être « plus allemand qu’Angela Merkel » dans son obsession du déficit budgétaire !
Ça faisait déjà deux ans que ce club d’élèves de l’Institut d’Études Politiques de Lille m’adressait des invitations à venir m’exprimer dans leur école. Ce club, c’est « Rouge Trevise ». Trévise, c’est la rue de l’IEP. Mais « rouge trévise » c’est aussi une variété de chicon. Le Nord, quoi ! Comme dans bien d’autres IEP, il s’agit d’un regroupement de cette gauche dite « radicale ». Mais comme on le devine on n’en entendra pas parler autant que des quelques zozos qui ont adhéré au Front National à l’IEP de Paris. On n’en entendra jamais parler tout simplement. Comme de cette soirée. Quelle importance ? Une. Comme chaque fois : tous ceux qui constatent ce genre de situation progressent idéologiquement. Ils comprennent vraiment ce que sont les médias comme deuxième peau du système. Ils apprennent à mépriser ceux dont ils savent qu’ils ne disent rien de ce qu’eux-mêmes ont vécu et vu. Dès lors, le doute s’étend au reste du récit médiatique. C’est excellent. Exactement comme quand 60 000 personnes se rassemblent contre les rasions du changement climatique, place de la République, et qu’il n’y a pas une seule image à la télé.
La tradition veut que les Institut de sciences politiques soient par principe ouverts à l’exposé des idées politiques, cela va de soi. À Lille, l’ambiance de l’établissement est très ouverte. Je savais donc que les participants venaient « aux nouvelles », entendre une pensée politique. Mon thème était celui du livre « L’Ère du peuple ». Les fondamentaux de la théorie de la révolution citoyenne. Néanmoins, ce n’est pas un cours et l’exposé ne peut donc être trop durement didactique. Ce n‘est pas non plus un meeting du fait du lieu et de la diversité du public d’auditeurs. C’est une conférence. Vient qui veut et qui sait que la conférence a lieu. Je le précise car il y avait aussi quelques personnes qui avaient repéré sur Facebook l’évènement se sont aussi déplacés venant d’autres milieux que ceux de l’IEP. Dans la société socialement cloisonnée dans laquelle nous vivons, le point doit être souligné.
Sur place, je dois dire que je revivais. Expliquer, expliquer, donner à penser sans savoir ce que chacun en tirera, dans la diversité des opinions et des approches qui est toujours celle de la jeune génération, voilà qui m’enchante. L’amphi était comble et bien du monde est resté dehors, assis par terre. Beaucoup de gentillesse à mon égard, beaucoup d’attention dans une salle remplie une demi-heure avant l’heure. J’ai su qu’on avait souffert de la chaleur, quoique les portes fussent ouvertes en grand pour permettre à ceux qui restaient debout dehors de suivre ce qui se dirait. La sono avait été installée pour cela. Mes camarades ont été encore une fois magnifiques de discipline et d’organisation. Leurs dirigeants sont des jeunes salariés extrêmement motivés. Dans l’ambiance de sinistrose généralisée, leur dynamisme donne des ailes. Quelle leçon tirer de cette soirée ? La première est que la disponibilité aux idées et aux constructions intellectuelles globalisantes est plus grande que ce qui s’en dit. La seconde est que la jeune génération n’est pas seulement le ramassis de consommateurs sans idéal que l’on dépeint si souvent. La troisième est que nous sommes sorti de l’affreux ressac des années 90 quand les enfants de la classe moyenne instruite se projetaient sans idéal ni mise à distance dans les mantras de l’ordre libéral. Si dure que soit la nuit actuelle, le cycle s’est inversé et les lumières regagnent du terrain. Mais nous partons de loin, j’en conviens.
Au premier rang de cette conférence il y avait Sandrine Rousseau, la tête de liste citoyenne que soutiennent désormais EELV, le PG, la NGS (Nouvelle Gauche Socialiste) et Nouvelle Donne. J’ai apprécié qu’elle se donne la peine de venir faire connaissance avec la doctrine que nous portons. D’habitude les relations entre les partis n’atteignent pas ce degré de volonté de se connaître. Peu avant, en compagnie de Laurent Matejko, j’avais eu un bon entretien avec elle et son directeur de campagne. Lui et moi avions d’abord rencontré le midi les dirigeants communistes Fabien Roussel (Nord) et Hervé Poly (Pas de Calais) que j’avais invité à déjeuner dans Lille après que ceux-ci aient demandé à me parler. Mon plaidoyer n’aura pas permis de débloquer la situation. Je ne me l’explique pas. En effet les socialistes sont certains d’avoir perdu. Comment être une relève face à la droite et l’extrême droite ? La condition la plus importante est d’être unis. Je veux dire que l’opposition de gauche doit être unie. Car alors la méfiance qui fait tourner le dos au PS et se résigner à l’abstention face à l’impuissance de l’autre gauche peut se transformer en dynamique.
Dans le Nord nous avons la chance d’avoir une équipe d’EELV qui veut s’unir avec le Front de gauche. En dépit de toutes les pressions venant de tous côtés, cette ligne unitaire a été confirmée. Au point que c’est la droite d’EELV qui a quitté le parti, comme l’a fait Barbara Pompili au lendemain de ma présence là-bas. Dans l’équipe unitaire des écologistes, il n’y a ici aucune volonté d’isoler les communistes. Au contraire, je m’en suis assuré et je veux témoigner du fait que Sandrine Rousseau m’a expliqué dans des termes très élogieux pour eux quelle importance elle attachait à l’implication des communistes dans la bataille pour prendre la tête de la gauche face à Le Pen. En tous cas je n’ai pas été convainquant car le soir même de ma conférence, le PC annonçait sa décision de partir tout seul, d’une part, et sous étiquette Front de Gauche, d’autre part. Ce qui veut dire que la bataille pour le sigle va reprendre en plus du reste. Désespérant. J’aurai fait ce que j’ai pu.
J’avais décidé depuis longtemps de ne pas me mêler de ces élections en voyant quel foutoir s’annonçait de nouveau sur le style des départementales. Je ne suis sorti de cette décision que dans deux cas. En région parisienne pour contribuer à empêcher le solo du PCF qui s’annonçait et dans le Nord parce que je n’accepte pas de voir madame Le Pen donnée gagnante sans que cela ne provoque aucune réaction d’ouverture dans la gauche. Mes amis sur place ont choisi de jouer le renouveau de la gauche et l’union de l’opposition de gauche. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi les dirigeants locaux du PCF font un autre choix. Pour moi c’est un grand gâchis. J’espère encore que cela puisse se rectifier. Il n’est jamais trop tard pour bien faire et donner aux gens la possibilité d’un même bulletin de vote pour tous ceux qui sont de gauche et n’en peuvent plus des tromperies du PS.
La Commission européenne continue de préparer le futur grand marché avec les États-Unis d’Amérique. Les discussions sur le futur Traité transatlantique se poursuivent. Comme elle l’avait déjà évoqué, la Commission européenne a confirmé ces jours-ci sa volonté de se passer d’une ratification par les Parlements nationaux. Plus que jamais, son intention est d’imposer ce traité au mépris de toute procédure démocratique.
La Commission européenne veut donc imposer ce traité sans vote des Parlements nationaux de chaque pays de l’Union européenne. Selon le traité de Lisbonne, la politique commerciale est une « compétence exclusive » de l’Union européenne. Les États donnent les orientations puis la Commission négocie les accords. En fin de parcours, le Parlement européen se prononce ainsi que les gouvernements des 28 pays, à la majorité. C’est la procédure dont la Commission rêve pour le Traité transatlantique. Mais entre ses rêves et la réalité, il y a un grand chemin.
Car le Traité transatlantique en préparation couvre un champ très large. L’objectif est de supprimer les droits de douane et d’harmoniser les réglementations entre les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne. Mais aussi de prévoir un mécanisme protégeant les intérêts des firmes transnationales en créant des tribunaux privés spécialement pour elles, appelés tribunaux d’arbitrage. On connait les grandes figures des dangers multiples de ce projet : arrivage de poulet au chlore, de bœuf aux hormones, porte ouverte aux OGM et course au moins disant social et écologique… J’ai déjà eu l’occasion de les pointer à de nombreuses reprises depuis 2009, époque où j’étais seul à parler de ce projet.
Il est ainsi probable que le Traité transatlantique ne relève pas seulement de la « compétence exclusive » de l’UE mais qu’il concerne aussi nombre de compétences toujours exercées par les États ou exercées en commun entre l’UE et les États. Dans ce cas, on parle d’un « accord mixte ». Or, les « accords mixtes » doivent non seulement être ratifiés par le Parlement européen et le conseil des gouvernements. Mais aussi par chacun des États-membres selon ses propres procédures. En France, un traité peut être ratifié par une simple loi votée au Parlement, mais aussi par référendum si le président de la République le décide ! Sans même penser à une telle procédure démocratique, la Commission européenne n’a aucune envie de jouer le Traité transatlantique à la roulette d’une ratification dans chacun des 28 pays. Car un seul vote « non », et tout serait bloqué !
Il y a donc une possibilité réelle pour bloquer ce traité. D’autant que sous la pression des opposants, le gouvernement français semble enfin se réveiller. Le secrétaire d’État au Commerce extérieur Mathias Fekl fait ainsi les gros yeux dans le Sud-Ouest de ce lundi 28 septembre. Ses moulinets sont probablement uniquement destinés à faire monter les enchères avant le prochain round de négociation. Mais ce que dit le ministre légitime nos critiques ! Sur la méthode d’abord. Il dénonce « un manque total de transparence et une grande opacité » dans les négociations. Il ajoute que cela « pose un problème démocratique » ! Il réclame que « les parlementaires (européens) [aient] accès aux documents, et ce ailleurs que dans des salles sécurisées de l’ambassade américaine comme c’est le cas jusqu’à présent » et regrette que « les parlementaires américains aient accès à un nombre de documents beaucoup plus important que les parlementaires européens ». Il aurait pu ajouter que les parlementaires nationaux sont, eux, totalement écartés.
Sur le contenu des négociations ensuite, le ministre français se plaint d’un manque de « réciprocité » de la part des États-Unis d’Amérique : « il y a trop d’asymétries, l’Europe a multiplié les offres, sur tous les sujets, et n’a reçu en contrepartie aucune offre sérieuse des Américains, ni pour l’accès à leurs marchés publics, ni pour l’accès aux marchés agricoles et agroalimentaires qui restent fermés ». Il ajoute : « nous ne sentons pas côté américain une prise en compte de nos souhaits sur les services, ni sur le problème que pose l’arbitrage par des tribunaux privés. La négociation doit absolument permettre à nos PME et à nos agriculteurs d’avoir accès au marché américain ». Il se fait même menaçant : « si rien ne change, cela montrera qu’il n’y a pas la volonté d’aboutir à des négociations mutuellement bénéfiques… La France envisage toutes les options, y compris l’arrêt pur et simple des négociations » !
Bigre, « l’arrêt pur et simple des négociations » ! Cela tombe bien, c’est exactement que nous réclamons. Depuis des années, le PS et la droite font avancer ce projet main dans la main dans les institutions européennes. En juin 2013, François Hollande a autorisé l’ouverture des négociations. Il a même donné son accord pour la négociation d’un mécanisme spécial pour protéger les intérêts des multinationales malgré un vote contraire du Parlement français. Depuis, le PS se cache derrière des formules creuses pour cacher son ralliement à ce système. Il fait de la « réciprocité » son seul argument contre le dumping social, écologique ou réglementaire. Et il s’abstient évidemment de critiquer la logique même du libre-échange comme nous le faisons en réclamant un protectionnisme solidaire. Cette comédie a assez duré. Les négociations doivent être interrompues au plus vite. C’est ce que nous réclamerons encore lors de la semaine d’action contre ce traité. Plusieurs marches anti-TTIP vont converger les 16 et 17 octobre à Bruxelles.