France 2 fait fort dans la propagande gouvernementale. Tout le monde a vu la chaine du prétendu service public dénigrer les cheminots, leurs manifs, les nôtres et spécialement celle du 26 mai. Nathalie Saint-Cricq n’en est pas à son coup d’essai. La cheffe politique de cette rédaction a beaucoup de gages à donner pour garder sa place à laquelle elle a été nommée lors du pouvoir socialiste avec lequel ses engagements la faisaient sympathiser. On se souvient que le CSA a déjà établi qu’un de mes discours avait été tronqué pour en changer le sens dans le journal du 25 novembre 2017.
Cette fois-ci, il s’agissait de ressortir une polémique qui m’a opposé il y a 6 ans à un journaliste du journal Le Monde, Paulo Paranagua. Ainsi, dans son journal de 20h du jeudi avant la marée populaire du 26 mai, France 2 nous a gratifié d’un sujet de 5 minutes sur le thème dont l’intérêt ne saute pas aux yeux. La télé du pouvoir y donne amplement la parole à l’avocat du journaliste du Monde. Mais ni à moi ou à mes amis. À aucun moment ce reportage à charge ne corrige l’avocat de monsieur Paranagua quand il affirme demander la levée de mon immunité alors que seul un juge peut le faire. France 2 affirme que nous serions « gênés » car nous utiliserions mon immunité parlementaire pour échapper à la plainte pour diffamation de Paulo Paranagua, ce que nous aurions combattu par le passé. Première remarque : à l’heure à laquelle parle France 2, nous n’avons pas encore opposé mon immunité parlementaire. Le sujet est donc sans objet. Et nous n’avons aucune raison d’être gêné. France 2 a donc menti.
Deuxième remarque : j’ai toujours défendu, et mes amis avec moi, l’existence et l’usage de l’immunité parlementaire pour le cas spécifique où elle prévue. C’est-à-dire pour protéger la liberté d’expression des parlementaires. Chacun peut comprendre, étant donné sa fonction représentative, qu’il n’est pas souhaitable que l’on puisse faire taire un parlementaire par des procédures judiciaires. Ni dans L’Avenir en Commun, ni dans ses livrets thématiques, vous ne trouverez la trace de la proposition de supprimer l’immunité parlementaire dans un tel cas. Quant à la charte Anticor des candidats aux législatives, signée par les candidats France insoumise et citée par France 2, elle date de 2012 et ne parle pas de l’immunité des parlementaires. Chacun peut la consulter en ligne. Elle liste un certain nombre d’engagements concernant la lutte contre la corruption auxquels nous souscrivons fermement.
Mais en l’occurrence, il n’y a aucun rapport avec le moindre soupçon de corruption. Il s’agit uniquement d’une affaire d’opinion. La dispute qui m’a opposé à Paulo Paranagua était éminemment politique : elle concernait les gouvernements progressistes d’Amérique latine. Lui a voulu faire de cette querelle politique une bataille judiciaire. En convoquant dans son reportage une association qui lutte contre la corruption, Nathalie Saint-Cricq veut faire passer l’idée que mon conflit avec leur collègue du Monde est comparable avec les affaires qui ont frappé François Fillon ou madame Le Pen. C’est de la pure calomnie. Je ne suis pas accusé ni de détournement de fonds, ni d’aucune forme de corruption. On comprend l’intention et qui la commandite : des généreuses ristournes faites par de grandes entreprises privées à monsieur Macron lors de sa campagne présidentielle, il n’en sera pas fait mention ce soir-là sur France 2.
L’argumentaire développé ici en faveur du droit à l’immunité parlementaire n’est pas neuf. Nous l’utilisons en toutes circonstances, même lorsqu’il profite à nos pires adversaires. Ainsi, en septembre 2017, Clémentine Autain qui siège au bureau de l’Assemblée nationale a voté, avec l’accord unanime de notre groupe, contre la levée de l’immunité du député front national Gilbert Collard. Elle l’a fait alors que nous reprouvions absolument l’acte incriminé puisqu’il s’agissait de l’utilisation d’images de propagande de Daech par ce député pour servir son propos. À l’époque, Clémentine Autain expliquait son vote de la façon suivante : « Ce n’est pas un privilège mais une condition de l’équilibre des pouvoirs, de l’indépendance et de la liberté d’expression dans l’exercice du mandat de député. ». Elle s’en est également longuement expliqué dans une tribune publiée dans le magazine Regards. Le service politique de France 2 ment donc lorsqu’il explique que j’aurais changé de position sur le sujet parce que ça m’arrangerait.
Plusieurs articles mettent en avant le fait que j’aurais dit de monsieur Paranagua qu’il aurait été un « assassin ». Ce mot n’apparait nulle part dans la citation en justice de cette histoire. En vérité, les expressions incriminées sont celles de « terroriste repenti » et de « criminel repenti ». Comment oublier la précision « repenti ». Ce n’est pas le cas ? Je dois faire remarquer ici que l’utilisation de termes équivalents n’a pas toujours été jugé aussi choquant par la bonne société. Récemment, à l’occasion d’une exposition à l’Hôtel de ville de Paris, le Front national Wallerand de Saint-Just avait déclaré que Che Guevara était un « ignoble boucher ». Quant à la député LR Valérie Boyer elle avait jugé qu’Anne Hidalgo faisait « l’apologie des crimes » supposés du Che en raison de sa présence à l’inauguration de cette exposition. Mais là, pas de plainte en diffamation pour empêcher ces élus d’exprimer leur point de vue, ni de sujet au 20h de France 2.
Alors, par-delà les arrangements avec les faits de France 2, de quoi parle-t-on ? Paulo Paranagua m’en veut pour avoir révélé dans un post du 14 septembre 2012 son passé politique. Il l’avait soigneusement caché. Je l’ai fait alors qu’il s’était livré, du haut de son statut de « journaliste » à une nouvelle infamie en écrivant un article dans lequel il accusait les chavistes d’être antisémites. J’avais alors utilisé les termes « terroriste repenti » puisqu’il s’agissait en effet de son appartenance à un groupe politique argentin qui revendiquait l’usage de la violence dans les années 1970 / 1980. Le Monde s’était alors fendu d’un article écrit par le chef de la rubrique « internationale » pour défendre son journaliste. Dans cet article, le journal reconnaissait implicitement le caractère politique de notre dispute puisque son chapeau indiquait : « Jean-Luc Mélenchon exècre la couverture que « Le Monde » consacre au Venezuela du président Hugo Chavez et le fait savoir bruyamment. ». Mais il considérait que qualifier de « terroriste repenti » un journaliste ancien militant violent de « l’armée révolutionnaire du peuple » en Argentine, c’était « diffamer publiquement ».
Quelques jours plus tard, le médiateur du Monde dans un billet écrit contre moi, reconnaissait le passé de son journaliste : « Paulo Antonio Paranagua, d’origine brésilienne, fut bien emprisonné en Argentine en 1975, en tant que membre d’une organisation d’extrême gauche sous le régime péroniste ». Pensant le défendre, il mettait un avant un « acquittement » et une libération intervenus en 1977. Il aurait donc été acquitté par la justice de la dictature militaire installée par Videla en 1976 ? C’est impensable. Cela n’a jamais eu lieu. Selon des médias brésiliens, Paranagua a été libéré grâce à une intervention de sa maman sur Juan Antonio Saramanch, président de la FIFA, dans le cadre des accords préparant la coupe du monde de foot en Argentine sous la dictature. Rebelote en 2016, dans un post de blog daté du 14 novembre, je m’attarde à nouveau sur le passé politique de monsieur Paranagua. Cette fois, c’est le directeur des rédactions du Monde qui me répond dans son journal avec le même argumentaire corporatiste. Le Monde m’accuse dans ses colonnes de « récidiver dans l’insulte et la provocation ». Traiter les chavistes d’antisémites, cela est une information. Même sans fondement ni démonstration. Rappeler le passé politique d’un journaliste ex-guerillero, c’est de l’insulte.
Malheureusement, ni en 2012, ni en 2016, Le Monde n’a repris dans ses réponses les passages de mon blog où j’expliquais les activités passées de monsieur Paranagua. Je les reproduis donc ici à toutes fins utiles tels que je les ai publiés et qu’ils me sont reprochés : « Dans les années 70/80 il était en effet chef de la “fraction rouge” de la prétendue “armée révolutionnaire du peuple” en Argentine. Il s’agit d’un groupe de provocateurs qui se targuait d’avoir mené plus de trente actions d’exécution dans la rue et divers enlèvements et séquestrations. Tout cela devrait sans doute rester sous le manteau de l’oubli. Mais comme l’intéressé a une activité publique intense dans les réseaux des putschistes et réactionnaires latinos et de leurs amis nord-américains, je m’y suis intéressé de près. D’assez près pour mieux comprendre les causes de la mort de toutes les personnes qui l’ont approché sur place et les raisons de son incroyable survie dans de tels évènements. ».
Évidemment, Nathalie Saint-Cricq n’a même pas évoqué tout cela. Je fais donc un nouveau recours au CSA. Mon ultime et unique moyen de défense, faute d’un conseil déontologique des médias dont Saint-Cricq ne veut pas.