Certes, nous avons échoué en Colombie. La bataille a été terrible. Mais la semaine prochaine au Mexique, la droite et l’extrême droite, liées aux USA, peuvent perdre. Le candidat Andrés Manuel López Obrador est aux portes de la victoire, porté par une mobilisation populaire électorale sans précédent. Si la victoire est acquise, nous pouvons être certains que commencera alors une nouvelle phase d’agitation continentale en confrontation avec l’impérialisme américain. C’est une autre musique en Turquie où notre délégation d’obervation du vote a dû se mettre à l’abri. De son côté, la délégation du PCF se faisait malmener par les sbires d’Erdogan. Là bas, la résistance héroïque de nos amis du HDP est difficile face aux coups du régime « islamiste modéré » (Le Monde). Mais de tous côtés la lutte continue. Et si en Europe les libéraux ont déchaîné une réaction ultra qui semble l’emporter partout, nous n’avons pas lâché prise. L’élargissement du rassemblement « Maintenant le peuple » aux Danois, Suédois et Finlandais en atteste. Au total, nous sommes donc entrés dans une phase d’intensification de nos batailles.
Rude semaine que celle où Macron a déclaré la guerre aux pauvres en France. Les flonflons de la Coupe du Monde de foot n’ont pas réussi à couvrir totalement la voix des protestations. Pourtant, comme d’habitude, le grand jeu a été déballé : sondages « opportuns », comparaisons internationales pourries répétées en boucle par la presse éthique et indépendante, dénigrement des personnes concernées, plateaux d’experts bidons tous d’accord avec le gouvernement. Maintenant on connait la méthode.
Mais malgré tout, nous sommes entrés dans une phase nouvelle de la construction de l’opinion. L’image du « président des riches » se combine avec celle de « l’ennemi des petites gens », autrement dit l’ennemi du peuple. Les beuglants du soutien inconditionnel se mettent donc à distance du ressenti moyen. Et rien ne s’arrange pour le pouvoir. La séquence européenne de Macron n’a pas été un succès et l’embourbement de « l’Europe qui nous protège » s’approfondit. Les grenouillages électoraux des euro-béats n’ajoutent aucune crédibilité à un projet si mal représenté.
Je n’entre pas dans les détails. Mardi 19 juin, Macron et Merkel tenaient réunion commune dans la ville allemande de Meseberg. La leçon est rude : la France ne compte plus politiquement dans l’Europe allemande. Une fois passée la communication sensationnaliste des premières heures, on peut faire un bilan réel. Macron s’est fait rouler dans la farine qui a déjà permis de frire ses prédécesseurs. Bien sûr, le premier jet médiatique français est toujours le même. C’est toujours un triomphe du président français. Le chœur des eurolâtres attend toujours deux ou trois jours pour s’intéresser aux faits. Il sait qu’il lui faut revenir au réel. À ce moment-là commence un deuxième refrain : « c’est toujours mieux que rien ». La vérité est ailleurs, comme d’habitude.
Officiellement, il s’agissait pour les gouvernements de droite français et allemands, comme annoncé depuis de longs mois, de déterminer une position commune sur la zone euro, les questions de défense ou l’immigration, dix jours avant le prochain Conseil européen. Ainsi vont les choses en Europe : la France et l’Allemagne se réunissent avant les sommets officiels et décident pour les autres. Il va de soi que ce n’est plus qu’une apparence. Mais cette méthode ne peut conduire qu’à un renforcement de l’Europe de la rente et de la finance qui est la ligne constante de Merkel et de la droite allemande depuis 18 ans. Bien sûr, comme d’habitude, la chancelière a l’habileté de consentir un objet communicationnel pour que, de retour au pays, le président français et sa presse puissent prétendre avoir obtenu un « tournant » « une victoire » et blablabla « couple franco-allemand »… En vérité, sans aucun romantisme, madame Merkel fait méthodiquement avancer sa cause, celle du capital allemand. Rien d’autre, absolument rien d’autre. Le président français a dû remballer sa camelote sans autre forme de procès.
Cette fois-ci, la farce s’appelle le « budget de la zone euro ». C’est une invention de Macron qui semble avoir oublié que l’Union européenne dispose déjà d’un budget. Il en coûte 7 milliards d’euros aux Français, de plus qu’ils ne reçoivent ensuite de ce budget. Nous payons en effet trois fois : une fois à proportion de notre poids dans l’Union, une fois pour compenser le rabais qu’avait obtenu Thatcher pour le Royaume-Uni et une fois pour l’Allemagne qui a obtenu un rabais sur le rabais britannique ! Pas assez pour Macron, donc ? À l’origine, il proposait même d’assortir ce budget de la zone euro d’un parlement qui serait donc venu en doublon du parlement européen. Mais cette idée également défendue par Hamon et le PS a été vite mise sous cocon. Le ridicule de deux parlements est donc évité. Restait le budget. Pour quoi faire ? De quelle ampleur ? Mystère. Les réponses n’ont pas été données cette fois ci non plus. Elles ne le seront jamais car rien de tout cela n’existera jamais.
Car l’Europe est à 28. Et les autres n’en veulent pas. Ni ceux qui partagent la zone euro, ni les autres à plus forte raison. Et madame Merkel n’a rien promis d’autre que de poser la question. On imagine que les Français voudraient ce budget pour un plan de relance. Vieille antienne. Il n’en sera pas question. Par ailleurs, la lecture de la déclaration commune de Merkel et Macron laisse clairement voir la patte allemande. Le texte cadre bien la suite pour que ce budget, aussi petit soit-il, soit au service de l’Europe de la finance. Ainsi est-il spécifié que « le but est la compétitivité et la convergence ». Autrement dit, les dépenses de ce budget iront pour accompagner les politiques d’ajustement structurel que l’Allemagne impose à toute l’Europe et en particulier aux États du sud. Le concept même de relance de l’activité est exclu puisque les dépenses du budget de la zone euro devront venir « en substitution aux dépenses nationales ». Pas de dépenses supplémentaires pour relancer l’investissement et la consommation populaire, donc. Enfin, l’Allemagne a pris soin de faire préciser que le financement de ce budget devra se faire « sans transfert » des pays excédentaires vers les pays déficitaires. Pas touche aux excédents allemands. Fermez le ban !
Dans son discours d’Athènes, l’été dernier, le président français disait vouloir que ce budget soit équivalent « à plusieurs points du PIB » de la zone euro. Cela voulait dire plusieurs centaines de milliards d’euros. Par deux fois ce mois-ci, dans la presse allemande, la chancelière lui a répondu par une douche froide : « un budget à deux chiffres ». Pour finir, la déclaration commune du 19 juin n’évoque aucun montant, renvoyant cette question à la négociation entre les États pour un accord d’ici 2021. Nul doute que Merkel pourra compter sur les 8 États d’Europe du nord qui s’étaient publiquement opposés aux propositions de Macron en mars dernier pour que ce budget soit le plus petit possible. Et il sera mieux que cela : il n’existera pas. Car Merkel sait sortir du tête-à-tête avec la France pour défendre ses intérêts.
Faut-il regretter la fin de ces foucades ? On voit quelle Europe est là. Crise migratoire, nouveau coup de frein sur l’activité économique, crise du libre échangisme mondial, crise majeure sur le nucléaire iranien. Que fit « l’Europe » ? Des bavardages sur un mécano institutionnel et l’invention d’un nouveau FMI régional. Quel souffle ! Car le seul résultat concret du sommet est que la proposition allemande sur ce point est validée. Une victoire totale de Merkel et Schäuble.
Les pouvoirs du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) vont être considérablement renforcés. Cette institution opaque, non démocratique et dirigée par un Allemand, est celle qui a imposé les plans d’austérité les plus terribles dans l’Europe du sud. Sa méthode est d’imposer des prêts conditionnels aux États en crise puis de s’assurer que jamais la souveraineté populaire ne vienne freiner la purge qu’elle leur prescrit. L’idée allemande est d’en faire un instrument encore plus central de la surveillance des États en le transformant en « fond monétaire européen ». Cette proposition vient notamment de l’ancien ministre des finances de Merkel, Wolfgang Schäuble. Le texte signé par Macron mardi propose de donner au MES « la capacité à évaluer la situation économique d’ensemble des États membres » et la capacité d’intervenir préventivement, en dehors des crises financières majeures. Deux fois, la « conditionnalité » de ses prêts est rappelée. La droite allemande a gagné là une arme de destruction massive pour prolonger ad vitam aeternam les politiques de destruction des services publics, des dépenses sociales et des protections des travailleurs dans toute l’Europe. L’ordo-libéralisme est bien la doctrine officielle de l’Union Européenne.
Au final, à rebours du joli récit médiatique du président Macron, il s’agit bien d’une nouvelle capitulation d’un Président français. Le document signé par Macron renforce l’Europe que les peuples partout rejettent : promotion du libéralisme comme seule politique possible et refus de la souveraineté populaire. Même la droite la plus dure allemande semble avoir gagné sur Macron. Alors que la CSU bavaroise, sous pression de l’extrême droite AFD avait mis la pression sur Merkel, Macron s’est dit d’accord pour sous-traiter le traitement des demandeurs d’asile aux pays d’accueil et de transit extérieurs à l’Europe. Ce que révèle la réunion de Meseberg et que Macron accepte, c’est que la droite allemande la plus dure donne le la pour toute l’Europe.
Le gouvernement allemand a déjà bien profité de Macron qui lui a offert le TGV et les éoliennes. À présent, sachant que le jeune homme ne comprend rien à l’industrie et à la nécessité d’en avoir une, Merkel vient de prendre une plus grosse part du meilleur gâteau industriel français.
Macron, qui a envisagé de donner « Naval Group » à l’Italien, est venu les bras chargés de cadeaux à la dernière rencontre franco-allemande. Cela prouve qu’il n’est pas rancunier car à cette réunion madame Merkel a jeté à la poubelle de l’Histoire toutes les trouvailles de Macron dont personne ne veut en Europe du nord : budget de la zone euro, deuxième parlement, gouvernement économique et ainsi de suite. Mais elle lui a enfilé son projet de FMI européen pour faire la police des budgets nationaux en Europe. Et comme macron n’a pas de plan B, il ne lui reste qu’à faire des sourires comme si tout allait bien. Ici madame Merkel a eu le beurre, l’argent du beurre et le sourire du crémier.
En effet, le président français a signé pour construire les prochaines générations de chars de combat et d’avions avec l’Allemagne. Il offre sur un plateau à l’Allemagne une expérience et un savoir-faire dont elle ne dispose pas. Pourtant, l’Allemagne a d’ailleurs montré ces dernières années toute sa déloyauté à l’égard de ses partenaires. Elle a trahi les accords de Schwerin qui répartissaient entre elle et la France les spécialités du domaine spatial. Elle refuse de monopoliser les commandes de tirs spatiaux sur le lanceur européen commun. D’ailleurs, elle n’a pas cessé de traîner les pieds sur le projet Ariane 6, toujours menacé par ces trahisons. Pour les hélicoptères Tigre, fabriqués soi-disant en commun, elle privilégie un missile israélien au détriment d’un modèle européen. Et ainsi de suite.
La naïveté des eurobéats est confondante de bêtise. Si c’est fait consciemment, cela tient plutôt de la trahison. Je crois que nous, nous ne pouvons pas laisser passer. Le moment venu, avec une nouvelle majorité parlementaire, il faudra se demander comment et pourquoi des décisions aussi peu conformes à l’intérêt des Français ont été prises. Et, bien sûr, il faudra se demander si des accords de cette nature doivent être respectés. Évidemment mon avis est qu’ils ne doivent pas l’être.
La bataille pour le droit à l’eau est centrale pour la France insoumise. À l’Assemblée, le groupe parlementaire avait fait de cette question l’un de ses thèmes lors de sa niche parlementaire en février dernier à travers une proposition de loi constitutionnelle présentée par Bastien Lachaud. Sur le terrain, les groupes d’action de la France insoumise mènent campagne. Coordonnés par Gabriel Amard, des ateliers des lois et des votations citoyennes pour la gestion publique de l’eau sont en train d’être organisées partout sur le territoire. L’eau est en passe de devenir le symbole marqueur de « la France Insoumise ».
Car l’eau est le bien commun central de l’humanité. Quelques chiffres suffisent à s’en convaincre. Le corps humain est composé à 65% d’eau. Lorsqu’il nous en manque 2%, nous avons soif. À 10% de manque, nous délirons et à 12% nous sommes morts. Faut-il d’autres arguments pour expliquer que l’eau ne peut être traitée comme une marchandise ?
Pourtant, la France maintient les services d’eau et d’assainissement dans la soumission aux marchés financiers et à la rente. Véolia, Suez et la Saur se partagent la plupart des marchés les plus rentables. Elles s’assurent ainsi de confortables bénéfices et, à leurs actionnaires, une importante rémunération. Véolia a par exemple distribué 401 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires en 2016. Évidemment, ce sont les usagers qui payent sur leur facture cet impôt privé sans objet. Ce mode de gestion est également néfaste à la qualité du réseau. En France, un litre d’eau sur cinq n’arrive jamais au robinet en raison des fuites dans le réseau. Celui-ci est mal entretenu. Et pour cause : Véolia dilapide 82% de ses bénéfices pour payer ses actionnaires.
Pourtant, lorsque le gouvernement convoque des « Assises de l’eau » pour étudier un plan de lutte contre les fuites, qui écoute-t-il en priorité ? Ces mêmes multinationales qui sont responsables du mauvais état de notre réseau. Le riche tissu associatif existant sur le droit à l’eau comme la Fondation France Libertés Danielle Mitterrand ou la Coordination Eau Bien Commun, que Gabriel Amard co-préside, sont exclues de la discussion. D’ailleurs, de droit à l’eau, il n’est pas question ici. Ce gouvernement ignore apparemment que 2 millions de personnes en France sont en très grande difficulté pour payer leurs factures d’eau. Et que les coupures d’eau continuent malgré leur illégalité. La question du droit à l’eau devrait être au centre des attentions et des travaux de ces assises. Il n’en est rien.
Au plan local, le sujet de l’eau est aussi confisqué. En effet, sa gestion, à l’origine revenant aux communes est de plus en plus transféré aux intercommunalités, loin du contrôle des citoyens. C’est la conséquence de la réforme territoriale votée sous Hollande et de la funeste loi NOTRE dont nous voulons l’abrogation.
Au contraire de cette tendance, « la France insoumise » multiplie les initiatives pour une réappropriation populaire de l’eau. C’est ainsi qu’à la suite de son livret thématique « Eau bien commun » élaboré dans le cadre des campagnes de 2017, les ateliers des lois de la France insoumise ont permis aux citoyens d’écrire plus de 50 articles de lois en faveur du Droit à l’eau. La question de la gratuité des mètres cube d’eau vitaux, des compteurs, celle de la gestion publique ou de l’amélioration des conditions de travail des salariés sont toutes abordées dans ce travail populaire de longue haleine.
À partir de ce mois de juin, nous passons une étape supplémentaire. La France insoumise organise des votations pour la gestion publique de l’eau dans les communes. Ce sont les groupes d’action toulousains qui se sont saisi en premier de cette pratique, à l’appel de Manuel Bompard et de Claire Dujardin. À Toulouse, le contrat avec Véolia touche à sa fin. D’ici quelques mois, le pouvoir local peut donc décider de revenir à une gestion publique de l’eau. D’où cette initiative pour donner la parole aux Toulousains. Le samedi 2 juin, a été inauguré le premier bureau de vote. Depuis, de nombreux bureaux de vote sont tenus par les insoumis dans toute la ville et son agglomération. Une carte est disponibles pour tous les toulousains qui voudraient participer sur le site toulouse.eau.vote. Déjà, cette votation est un succès populaire. En seulement quelques jours, plus de 2000 personnes ont répondu à la question « êtes-vous favorable à la régie publique de l’eau pour Toulouse Métropole ? ». Les files d’attente devant les bureaux de vote et les discussions sur le terrain ont confirmé l’attente et la conscience qui existent sur ce sujet.
On comprend pourquoi. Véolia qui contrôle la distribution de l’eau se gave bien à Toulouse. Le prix de l’eau a augmenté de 12% depuis 2011. Et on paye son eau 15% plus cher qu’à Grenoble, où la gestion est publique. Il va de soi que les enjeux financiers considérables de cette affaire ne sont pas perdus de vue un seul instant par tous ceux qui profitent directement ou indirectement de la manne de l’eau privatisée ! C’est pourquoi nous parlons bien de construire un rapport de force appuyé sur une mobilisation populaire et pas seulement de voter des motions dans des congrès, même si rien n’est inutile dans ce domaine. Nos adversaires sur ce sujet sont tentaculaires et omniprésents. Seule cette mobilisation en profondeur dans le pays permet de préparer la transition que nous voulons voir arriver dans ce domaine. Ici encore, nous travaillons sur la ligne qui mêle action de masse et action institutionnelle.
C’est le grand problème de l’économie capitaliste globalisée. Alimentée par des flots de dollars sans contrepartie matérielle, l’économie réelle s’est tout entière plongée dans le crédit, à la suite de l’économie financiarisée. De nombreux indicateurs existent qui permettent d’apprécier cette situation dans toute son étendue. Ce n’est gère rassurant. Au point que certains indicateurs ont d’ores et déjà disparu pour ne pas inquiéter. Ainsi, depuis 2006, les USA ne publient plus le montant de leur masse monétaire. Naturellement, nombre d’agents continuent à l’évaluer pour savoir où en est le monde de la masse d’argent bidon en circulation. Une des bases de cette masse est évidemment celle qu’elle a engendré sous forme de crédit qu’elle adosse. Si l’on additionne la dette des États et celles des acteurs privés, le résultat est extravagant.
L’indicateur qui ne cesse de monter, c’est celui de la dette mondiale. Selon une étude de l’Institute of International Finance (IIF) l’ensemble des dettes accumulées à travers la planète a atteint un nouveau record à la fin 2017. Au total, les créances cumulées des États, des entreprises et des ménages représentent 226.000 milliards de dollars (192.000 milliards d’euros). Une masse boursouflée qui a ses propres crises de croissance. Ainsi entre le troisième et le quatrième trimestre 2017, le montant global de la dette a augmenté de 11.000 milliards de dollars (9 345 milliards d’euros). Pour se représenter ce que veut dire cette augmentation, on dira que c’est l’équivalent de la production annuelle du premier producteur du monde : la Chine. En quelques mois….
Ce qui est intéressant, c’est de noter que cette hausse s’explique notamment par la progression de l’endettement des ménages dans les pays développés et notamment en Europe. La dette des ménages en pourcentage de la richesse produite pendant une année n’est jamais évoquée, au contraire de celle de l’État. Elle est pourtant au plus haut en France, en Belgique, au Luxembourg, en Suisse, en Norvège et en Suède. On peut penser que dans ces pays, le crédit prend le relais de ce que le salaire ne permet plus. Dans ce cas, le crédit n’est pas l’indicateur de l’audace et du développement mais celui de la lutte contre le déclassement.
Pour finir, au total, la dette globale représente 317,8% de la production annuelle mondiale. On est loin du 60% dans les critères européens… Comment résorber cette bulle ? Car naturellement l’activité réelle ne progresse pas au même rythme. Certes, on peut espérer de temps à autre un pallier lorsque la production ira plus vite que l’endettement. Mais cela restera marginal. Il est tout à fait évident qu’une telle masse de dette ne peut s’apurer par des moyens « naturels ». Dit autrement : ce montant monstrueux ne sera jamais payé.
Mais la dette n’est pas seulement un enjeu pour la stabilité du système qui la contient. C’est aussi une question hautement géopolitique quand il s’agit des titres de la dette des États. Et en particulier de celle des États-Unis. Car les USA vivent à crédit du reste du monde, parce que le reste du monde leur achète sans discuter leurs bons du trésor. Ils en possèdent 6 260 milliards. C’est beaucoup. C’est le point fort des USA. Et aussi leur plus gros point faible. Leur talon d’Achille. Dans le bras de fer que les USA engagent avec la Chine, il y a là une grosse faiblesse des nord-américains. Les Chinois se sont chargés de le rappeler. Il se sont mis à revendre des titres de la dette américaine. Malins, pour ne pas effondrer le cours de ces papiers, les Chinois en achètent aussi en même temps. Mais au total ils en vendent plus qu’ils n’en achètent…
La guerre des tarifs douaniers que mène Washington pourrait pousser Pékin à vendre davantage de titres de dettes américains. Ambiance garantie. On l’a vu en janvier dernier où des rumeurs de ce type avaient affolé les marchés. N’empêche que ces derniers mois, d’autres pays ont été vendeurs. Pas n’importe lesquels. Par exemple la Russie a vendu pour 20,4 milliards d’emprunts d’État américains en avril. Elle est alors descendue au 16ème rang des créanciers. La confiance ne règne pas. L’ambiance est mauvaise. Le ministre russe de Finances, Anton Silouanov, a déclaré que la Russie pourrait renoncer à l’achat d’obligations américaines pour ses réserves. Le genre d’annonce qui créé une mauvaise ambiance. Naturellement, il n’a évoqué aucune raison politique ou idéologique. Selon lui, le plus important est le fait que les titres détenus dans les réserves soient liquides et rapportent. Ça fait mal !
Bref, l’ambiance est bien mauvaise à propos de ces bons du trésor américain. Au point que se pose publiquement une question qui n’était jamais posée jusqu’à ce jour : les États-Unis sont-ils moins solvables qu’avant ? Et on entend des réponses que personne n’aurait jamais osé faire auparavant. L’agence de notation chinoise Dagong a dégradé la note souveraine de la première puissance économique mondiale de A- à BBB+, avec perspective négative. Une note similaire à celle… de la Colombie. Autrement dit, vu depuis le balcon capitaliste des Chinois, les États-Unis sont un placement risqué. L’agence estime que la dépendance de l’économie américaine à l’endettement mine, à terme, la solvabilité de l’État fédéral. Une vérité fondamentale qui ne se disait pas. Car jamais on ne regardait les USA comme « un pays comme un autre ». Car personne ne pouvait les regarder du dessus.
C’est chose possible à présent compte tenu du poids de la Chine comme première économie mondiale. Dès lors, tout ce qui se faisait avant aux USA sans aucune gêne ou considération pour les autres est soumis pour certains aux mêmes normes d’appréciations. Par exemple la réforme fiscale de Trump est mal vue. Les baisses d’impôts votées en décembre pourraient grossir la dette fédérale (20.000 milliards de dollars !) de 1.400 milliards de dollars en dix ans. Et donc, ça se dit ouvertement. « Les réductions massives d’impôts réduisent les capacités de remboursement de la dette du gouvernement fédéral, affaiblissant de ce fait encore plus la base de remboursement de la dette du gouvernement fédéral », déclare l’agence de notation chinoise. Sans gêne !
Pendant ce temps, évidemment, les agences de notation Fitch et Moody’s accordent leur note la plus élevée (AAA) à la dette souveraine américaine. Et abaissent celle de la Chine. Standard Poor’s (SP) l’a abaissé d’un cran à AA+, une première depuis 2011. Rira bien qui rira le dernier. Car les Chinois, au contraire de la presse européenne atlantiste, n’ont pas peur des mots. Au lendemain de la crise financière, le patron de Dagong avait accusé dans le « Financial Times » les trois agences nord-américaines leur reprochant de ne pas avoir « averti correctement des risques, au point d’entraîner l’ensemble du système financier américain au bord de l’effondrement ».
La raison ? Les agences américaines ne se tiendraient pas à « des critères objectifs », mais seraient « politisées » et « idéologiques », selon les dires de Dagong ! Un délice de lire ça ! Et cette politisation des agences des USA expliquerait encore les façons d’apprécier la réalité aujourd’hui. Bien sûr, les agences US ont elles aussi montré du doigt leur homologue chinoise et dégradé la note de la Chine. Un point partout et une première depuis 1989. Cette guerre fait penser que peut-être bien que personne n’a raison et que tout le système est mal en point. Mais les Chinois s’en tiennent à la rationalité de leurs décisions. Ils montrent qu’ils ont pris les mesures pour répondre aux problèmes posés tandis que les USA ne l’ont pas fait. D’un point de vue capitaliste c’est imparable.
Ça tombe vraiment mal pour les USA. Car les nouvelles émissions de dette n’ont pas été un grand succès ces temps derniers. Les dernières statistiques du Trésor américain montrent que les USA n’ont vendu (en net) que 5 milliards de dollars de titres en avril. C’est très peu quand les besoins de financement des États-Unis devraient approcher 1.000 milliards. Dans ces conditions, quand Trump veut se fâcher avec la Chine, le principal créancier de Washington, il joue à un jeu dangereux. Les Chinois savent y jouer mieux que les rustres nord-américains. Lesquels ont pu compter sur un allié de poids…. Il s’agit des iles Caïmans, paradis fiscal depuis lequel ont été acheté 42 milliards de titres. Mais c’est là que sont logés la plupart des fonds de spéculations pourris, les fameux Hedge funds. Pas vraiment rassurant… Que la première puissance du monde ne puisse compter que sur les iles Caïmans, est-ce rassurant à propos de la valeur de sa monnaie ? On comprend que dans ce cadre, l’agence Dagong pose un diagnostic sévère : la “solvabilité virtuelle” des États-Unis deviendra vraisemblablement “le détonateur de la prochaine crise financière”. C’est dit.
46 commentaires
jorie
La dureté de la politique de l’Allemagne à l’égard des pays du Sud me laisse présager que dans l’effondrement actuel de l’Europe, l’Allemagne prépare sa sortie tranquillement pour abandonner « le club med » et se rallier aux pays traditionnels de ses alliances, le Nord et l’Est. Tradition continentale. Nous, en Europe du Sud, on représente un territoire maritime, avec d’autres regards, d’autres potentiels et bien sûr, d’autres contraintes. Jamais ni le Nord ni l’Allemagne ne permettront qu’on utilise leurs excédents pour soutenir l’europe du Sud, juste bonne à souffrir d’une politique d’austérité, d’une concurrence féroce etc. Par conséquent, le fait de donner plus de pouvoir au MES confirme cette ligne dure. Personnellement, je ne pense pas qu’on pourra infléchir cette politique et qu’il faudra se décider à en sortir. Dès que nous annoncerons notre plan A et B, ils vont tous nous lyncher et la question que je me pose est : pourra-t-on allumer des contre feux à…
Francois Montmirel
« on peut espérer de temps à autre un pallier lorsque la production ira plus vite que l’endettement. »
Voeu pieux, hélas. La production n’ira jamais plus vite que l’endettement. Si la production augmente, les profits augmentent, et comme le profit est un effet de levier pour contracter de nouvelles dettes, l’endettement global augmentera avec la production. Cette fuite en avant devrait finir très mal dans 1 an, dans 10 ans, dans 30 ans. Par exemple avec la chute de grosses banques que les états ne pourront plus renflouer, ce qui jettera à la rue des millions de gens modestes.
Gilles Ringenbach
Cher Jean-Luc, j’ai voté pour toi et suis fort sympathisant de la FI. Nous avons même échangé ensemble, il y a 5 ans, au musée Guyasamin de Quito. Peut-être ne te souviens-tu pas de ces 4 Français dont moi, qui te manifestèrent de l’amitié et de l’encouragement, là-bas, ce qui serait normal compte tenu du maelstrom de ta vie politique. J’ai énormément de considération pour l’envergure dont tu es pourvu, ainsi que les Insoumis au Parlement, pour ne citer que ceux-là. Je suis donc d’autant plus surpris, pour ne pas dire autre chose, de ta réaction et de celle des autres quant à la défaite de l’équipe allemande, à la coupe du monde de foot. Personnellement, le foot, le sport et ses différentes manifestations ne m’intéressent absolument pas, voire pourraient m’indisposer. Je m’exprime d’autant plus librement à ce sujet. Vos twitts se situent à un niveau de bêtise compte tenu de leur objet sans compter la tonalité scrogneugneu. Des réactions infra-politiques, indignes de vous.
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Je trouve la qualité de contenu de cet article remarquable, elle me fait réfléchir et avancer dans mon positionnement.
Pourquoi donc rabaisser notre niveau, de conception, d’intervention, d’action (remarquable au niveau parlementaire) avec des tweets sur le foot indignes de notre niveau de proposition aux Français. La salve tirée par les insoumis est trop collective pour n’être pas concerté. Je la trouve déplacée et pas digne de nous. Nous ne pouvons pas nous mettre au niveau des supporters, qu’ils faut respecter, certes, mais dans une joute sportive, respecter ceux qui ont perdu me semble relever du plus élémentaire humanisme, même si ce sont des Allemands et même si on a le droit de préférer une équipe à une autre.
educpop
Contre l’Allemagne il n’y a pas que les analyses économiques par quoi les docteurs montrent le mensonge de la concurrence libre et non faussée, il y a aussi le ressenti populaire d’une agression contre l’égalité des chances. Jean-Luc Mélenchon ne méprise pas le peuple Allemand avec cette histoire de match, il lui parle un langage direct. Merci pour cet engagement, les politologues amateurs devraient réfléchir aux véritables antagonises qui sont présents dans l’imaginaire collectif. Comme disait Georges Brassens, quand on est c… on est…, les gens qui sont prisonniers de leur manque de discernement ne changeront pas et il vaut mieux parler franchement aux autres.
Moreau Patrice
La moindre virgule, un simple adjectif, le verbe haut, une colère juste, et voilà la cohorte des commentaires. Cela suffit et cela me fatigue. Est-ce que Jean Luc Mélenchon est le fusible facile pour toutes nos démissions ou notre silence honteux face à la casse sociale de notre pays ? Est-ce que Jean Luc Mélenchon sert de paravent à nos lâches renoncements ? Il est vrai qu’il est plus facile de remplir un stade de foot pour chanter la Marseillaise que de manifester par exemple contre la hausse de la CSG pour nos aïeux.
Alain Doumenjou
Les commentaires qui font chorus avec les intervenants des Grandes Gueules, cette émission particulièrement pourrie de RMC, pour condamner le tweet de Jean-Luc au sujet de l’élimination de l’équipe de foot allemande, me paraissent totalement déplacés et je m’interroge sur le niveau de conscience politique de leurs auteurs, compte tenu de l’importance qu’ils semblent attacher à cette anecdote et du zèle qu’ils y mettent. J’avoue sans la moindre honte avoir ressenti exactement la même chose que Jean-Luc à la fin du match ! Mais revenons bien vite à des choses plus sérieuses, telles que par exemple l’élection présidentielle au Mexique de dimanche…
JeanLouis
Aucun chorus avec aucune émission, mais simplement une réaction de bon sens à la vue du tweet. Si vous pouvez penser que la réaction de ceux qui ont été surpris est aussi valable que votre indignation devant ces réactions. Aucune importance n’est donnée à cette anecdote mais alors que nous savons nous que nous votons et militons FI nous pensons à ceux qu’ils faut aller chercher entre les dents et là je pense que vous avez tout faux ! Alors laissez nous avec notre conscience politique qui vaut la vôtre. J’ai du mal à accepter de telles critiques sectaires.
morfin
Il faut savoir tenir compte des critiques du peuple et aussi de ceux provenant de FI qui demandent de faire attention, même si nous n’aimons pas le foot, comme moi-même, et ne pas se mettre au-dessus de quiconque, car nous ne sommes pas « au-dessus » mais « parmi ». Nous ne sommes pas plus conscients que d’autres non plus, mais avons seulement d’autres idées avec un très bon programme à appliquer, comme on peut, chacun dans nos vies respectives, et en toute modestie.